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Depuis que la trêve a volé en éclats en Syrie il y a une dizaine de jours, Moscou ne prend plus la peine de la cacher: au prix de centaines de morts, et au moyen de bombes aux effets dévastateurs, l’aviation russe est en train de donner tort à ceux qui pensaient que le bastion insurgé de l’Est d’Alep était imprenable par des moyens militaires. Plus: en visant systématiquement les hôpitaux, en éventrant les canalisations d’eau, en s’attaquant directement aux moyens de subsistance des quelque 200 000 à 250 000 habitants (marchés, boulangeries industrielles, etc.), la Russie n’affiche plus que de manière rituelle le prétexte de lutter en Syrie contre «les terroristes».
A l’inverse, les responsables russes semblent s’en donner à coeur joie pour railler tous ceux qui les accusent de multiplier les crimes de guerre aux côtés de l’armée syrienne. Mardi, ils faisaient appel à «la sagesse politique» des Américains pour poursuivre les pseudo-négociations avec eux, afin de «sauvegarder la paix et la sécurité». Auparavant, ils avaient mis sur le compte d’une «crise nerveuse», les menaces de John Kerry de mettre fin à ses efforts diplomatiques et de s’en tenir avec la Russie à de simples mesures de «déconfliction», c’est-à-dire à assurer le minimum en termes de concertation pour éviter des accidents entre les avions de chasse des deux pays.
De fait, le secrétaire d’État américain, dont le mandat arrive dans quelques mois à échéance, pourrait bien avoir perdu les dernières miettes d’un quelconque pouvoir de menace. Une conversation, qu’il avait tenue avec des diplomates et des opposants syriens il y a un mois et qui avait été enregistrée à son insu, montre la force des garrots qui l’ont empêché d’avancer de manière convaincante sur le dossier syrien. L’Américain le reconnaissait tout de go: il était le seul «parmi trois ou quatre personnes au sein de l’administration» à prôner l’usage de la force contre le régime de Bachar el-Assad. «J’ai perdu la dispute», constatait-il, en avouant sa «frustration».
Désarroi général
Face à cette sorte d’aveu d’impuissance, la Russie ne s’en tient pas aux moqueries. Mardi, Moscou confirmait l’installation d’imposants systèmes de défense antiaérienne S-300 dans sa base militaire de Tartous, sur le littoral syrien. Or, les «terroristes» que disent combattre les militaires russes ne disposent pas d’avions. La veille, c’était un accord conclu avec Washington sur le recyclage du plutonium provenant d’ogives nucléaires que le Kremlin décidait de «suspendre». Une décision qui, du point de vue strictement militaire, apparaît plutôt anodine mais qui semble montrer que Moscou n’entend pas donner le premier signe de désescalade dans ses relations de plus en plus tendues avec les Etats-Unis.