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L’option pour l’Angleterre en cas d’échec dans les négociations est donc un retour au système de l’OMC.

Marie Owens Thomsen

A observer les marchés, il semblerait que la sortie de l’Angleterre de l’Union européenne se passe plutôt comme une lettre à la poste,  le FTSE 100 étant en hausse de quelque 10% en sterling depuis le début de l’année.

Par contre, la devise encaisse une baisse contre l’euro, passant de EUR 1.30 en juin à EUR 1.15 actuellement par livre, ce qui représente une dépréciation d’environ 11% , une baisse certes importante, mais toutefois modeste par rapport à la dépréciation de 30% intervenue entre 2007 et 2008 par exemple.

Vu sous cet angle, on pourrait dire que les marchés jugent le Brexit au niveau d’un tiers du problème  causé par la crise immobilière de l’époque.  Cela doit très certainement être une interprétation de du dicton sur l’autruche – si je mets ma tête dans le sable, le problème va disparaître. Hélas, non.

D’abord il faut se rendre compte de tout ce que représente l’Union européenne au niveau du commerce international.

Commençons par le  «bas». Le commerce international est règlementé par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont quelque 165 pays sont signataires. Ces pays se mettent d’accord sur les tarifs à imposer sur les autres et ce, selon le principe de la clause de la nation la plus favorisée. Cette clause vise à éviter la discrimination entre partenaires commerciaux et une réduction des droits douaniers envers un partenaire doit s’étendre également aux autres pays membres.

L’OMC n’est donc pas du tout une organisme de libres échanges – c’est un organe qui promeut un système d’échanges international ordonné et coordonné. Pour la Chine, l’adhésion à l’OMC constitue une libéralisation de son commerce car auparavant le pays était confronté à des tarifs encore plus élevés. Mais pour un pays comme l’Angleterre, et tous les pays de l’Union européenne qui sont allés beaucoup plus loin dans leur libéralisation du commerce, un retour à la base que procure l’OMC au système international serait sans aucune ambiguïté un retour dans le sens du protectionnisme.

Au-delà du système de l’OMC, les pays ont adopté des accords par secteur, comme dans l’aviation par exemple, et des accords de partenariat économique, ce qui concerne surtout les anciens pays colonisés.

L’étape suivante en termes d’intégration est l’accord bilatéral de libres échanges. Ensuite, l’union douanière, dans laquelle les pays membres font tomber les tarifs entre eux et font front uni contre les pays externes. L’Union européenne est une union douanière.

Au-delà, les pays peuvent se mettre d’accord sur la mobilité des facteurs de productions (capital et main d’œuvre) et, de plus, former une union économique et monétaire, en adoptant par exemple une devise commune à tous. A chaque niveau d’intégration, on laisse tomber des couches d’administration.

Les pays membres de l’Union européenne ont pu fermer les postes de douanes, simplifier l’inspection des produits ainsi que la certification d’origine etc. Il faut comprendre que sortir de l’union douanière nécessite de recréer toute cette administration qui n’existe plus dans l’Union européenne, à des coûts d’opportunité insondables.

L’option pour l’Angleterre en cas d’échec dans les négociations avec l’Union est donc un retour au système de l’OMC, avec une réimposition des tarifs, surtout sur l’automobile et l’agriculture, à l’import comme à l’export.

Si l’Angleterre restait dans l’union douanière, le pays ne pourra pas conclure ses propres accords avec des pays tiers car cela incombe à l’union de le faire. Les  exceptions telles que la Norvège ou Suisse comprennent toutes les  deux des contributions au budget européens et l’adhésion au Schengen, i.e. libre mouvement des personnes. L’Angleterre souhaite pouvoir conclure des accords bilatéraux selon ses propres envies.

Cela ne sera pas possible avec les pays membres de l’Union européenne, comme l’Allemagne par exemple, car l’union douanière interdit le bilatéralisme. Certains anglais disent que ce n’est pas grave, l’île peut faire des accords avec des pays tiers. Il faut savoir qu’uniquement 15% du commerce du Royaume Uni s’effectuent avec des pays en dehors de l’union européenne et/ou en dehors des accords qu’a l’union avec des pays tiers.

Reste encore l’option d’une capitulation totale – l’Angleterre pourrait laisser tomber tous les tarifs vis-à-vis de l’Union européenne, et voilà. Le problème avec cela est encore la clause de l’OMC de la nation la plus favorisée qui imposera à l’Angleterre d’étendre ce geste vers tous les membres de l’OMC, perdant ainsi tous son levier potentiel vis-à-vis des pays tiers.

L’Angleterre n’obtiendra pas gain de cause. Ce pays qui a toujours défendu la tradition libérale dans le bons sens du terme au sein de l’Union européenne va droit vers le protectionnisme. Et ne pourra qu’être perdant.

Chief Economist , Indosuez Wealth Management

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