
C’est un constat accablant que dresse la Cour des comptes sur la gestion des fonctionnaires dans les collectivités locales. « L’évolution des effectifs n’a pas été assez maîtrisée. Le temps de travail est rarement conforme à la durée réglementaire et souffre d’un absentéisme important », énumèrent les magistrats financiers dans leur quatrième rapport annuel sur les finances publiques locales. Quant aux politiques d’avancement, elles « ont un impact budgétaire rarement anticipé ». Enfin, « les régimes indemnitaires sont dynamiques et faiblement modulés », écrivent-ils en s’appuyant sur les contrôles menés en 2015 dans 130 collectivités par les chambres régionales et territoriales des comptes.
80 % des collectivités n’appliquent pas les 35 heures
Le problème du temps de travail semble endémique, même si des progrès commencent à être faits, sous la pression de la baisse des dotations de l’État. Dans les collectivités contrôlées, la durée du travail était en moyenne de 1 562 heures par an et seulement 20 % d’entre elles respectaient la durée réglementaire de 1 607 heures par an !
Pis, l’État méconnaît la réalité de la situation, car le « suivi de l’évolution de la gestion des agents de la fonction publique territoriale n’est pas correctement assuré au niveau national ». La Cour des comptes constate en effet que la collecte des informations pertinentes « a été confiée à plusieurs organismes à des titres divers, manque de coordination et de complémentarité ».
405 000 nouveaux fonctionnaires en moins de 10 ans
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : fe 2008 à 2015, les dépenses de personnel des collectivités ont progressé de 23 %, soit l’équivalent de la moitié de la hausse totale de leurs dépenses ! Si une partie peut être attribuée aux transferts de compétences effectués par l’État au milieu des années 2000, ces dépenses sont reparties à la hausse en 2012 et sans aucune justification.
Quant au nombre d’agents, il a bondi de 405 000 (+ 27,5 %) entre 2002 et 2013 sur un total de près de 2 millions fin 2014 (plus d’un tiers de l’effectif total de la fonction publique), s’inquiète la Cour des comptes. Une augmentation d’autant plus injustifiable que plus de la moitié (243 000) ont grossi les rangs des communes et des intercommunalités qui « n’ont pas fait l’objet de nouveaux transferts de compétences de la part de l’État » !
« La minoration du temps de travail annuel prend principalement la forme de congés octroyés de manière discrétionnaire par le président de l’exécutif local, en sus de la réglementation, à l’occasion de ponts ou de fêtes locales. Les chambres régionales des comptes ont constaté que le nombre de jours de congés annuels des agents dépassait la norme réglementaire dans une large proportion des communes contrôlées comme, par exemple, Vannes (33 jours), Alès (32 jours), Le Taillan-Médoc (30 jours).
La commune de Conflans-Sainte-Honorine octroie 6 jours de congés supplémentaires et celle de Roissy-en-Brie 10 jours. À Narbonne, 9 jours supplémentaires, liés aux coutumes locales*, sont offerts aux agents.
Dans les services de la métropole de Lille, une journée et cinq ponts sont octroyés par le président, ainsi que des jours d’ancienneté et une majoration des congés avant le départ en retraite. Dans les services de la commune du Creusot, où le temps de travail hebdomadaire est fixé à 35 heures, les agents bénéficient de 30 jours de congés annuels moyennant des congés supplémentaires spécifiques : un jour le mardi de Pâques ou de Pentecôte, un jour le lendemain de Noël ou du jour de l’An, un jour pour la Saint-Laurent, une demi-journée pour le Mardi gras et une demi-journée pour la Toussaint. […] En outre, deux ponts sont accordés chaque année.
Dans les services du département des Deux-Sèvres, les agents avaient droit à une semaine d’absence exceptionnelle, appelée « semaine du président ». Ceux du département du Nord disposaient en plus de 4,5 jours liés aux fêtes locales. »
* Notamment Mardi gras, mercredi des Cendres, Mi-Carême et la fête de la commune.