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© Charles Platiau /Pool Photo via AP
Pas question, pour les caciques socialistes, de payer aujourd’hui pour celui à qui ils doivent pourtant d’être revenu au pouvoir en 2012 dans des conditions inespérées. Tout, alors, plaidait pour l’alternance après les cinq années de sarkozysme élyséen. La France, bousculée par son hyperprésident, avait besoin d’un répit, d’une convalescence, et d’une forme de réconciliation socio-économique. Le diagnostic parfait pour ancrer dans la durée une «gauche de gouvernement», à la fois réaliste et porteuse d’espoir. Sauf que la thérapie n’a pas suivi.
«Tout sauf Hollande»
Place donc, à quelques mois de l’échéance présidentielle, au «Tout sauf Hollande». On entend déjà le discours. «Lui président» n’a pas su se montrer suffisamment présidentiel et a d’emblée raté la marche. «Lui président» n’a pas tenu assez tôt le discours de vérité qui s’imposait sur la situation économique du pays. «Lui président» n’a pas su incarner son quinquennat dans quelques mesures symboliques capables d’impressionner l’opinion et de capturer l’attention des médias.
On comprend mieux, à entendre les uns et les autres, pourquoi le président Français joue la montre avec l’annonce, ou non, de sa candidature. Cet ultime suspense est aujourd’hui sa dernière arme politique pour empêcher le délitement complet du gouvernement, du parti, et de sa majorité.
Renouer le lien avec la classe moyenne
Cibler ainsi le locataire de l’Elysée en l’accusant de tous les maux n’est toutefois guère convaincant pour qui regarde de plus près ce que le Parti socialiste a fait depuis cinq ans. Où sont les réflexions qui, après l’échec patent de la chasse aux riches des deux premières années du quinquennat, auraient pu ouvrir de nouvelles pistes sur la reconquête de la France périphérique, ou la nécessité de renouer le lien avec la classe moyenne aspirée vers le bas?
Où sont les nouvelles personnalités issues de l’immigration qui, dans le contexte de la menace terroriste et des secousses identitaires, auraient pu incarner un nouveau souffle métissé? Où sont les intellectuels de gauche qui, sur la République, la laïcité ou les inégalités, auraient pu donner chair à cette «troisième voie» que le tandem Hollande-Valls a, à partir de 2014, tenté d’emprunter.
Enlisement du président
Les socialistes français, voyant avancer à grand pas l’enlisement de leur président, ont préféré soigner leur posture. Les uns, autour de la direction du parti, en se montrant bons élèves, dans l’attente d’un rebond de popularité qui n’est jamais venu. Les autres, regroupés autour des fameux «frondeurs», en multipliant les affrontements médiatiques sans autres conséquences que d’affaiblir la majorité. Cette gauche-là a abdiqué au gouvernement. Il lui a manqué un Badinter sur le plan symbolique, un Delors sur le plan de la rigueur, et un DSK sur le plan de l’audace.
François Hollande n’a pas tué cette gauche française. Il l’a «suicidée» car il l’a laissée périr de ses faiblesses. Une sorte d’auto-empoisonnement favorisé par Manuel Valls qui, avant tout pressé de s’installer à Matignon, a veillé au grain pour qu’aucun «clou» ne dépasse.
Jeux d’appareil
C’est cette gauche française-là, réduite à ses jeux d’appareils et aux rivalités de personnalités, qui se retrouve aujourd’hui dans le fossé, emportée par la bourrasque individualiste et numérique qui, dans toute l’Europe, balaie les idéaux sociodémocrates.
Il ne s’agit pas d’un meurtre, mais d’un suicide. Tout comme la génération des rentiers du baby-boom qui, sur le plan économique, ont ruiné la France en privilégiant des politiques favorables bonnes pour leur épargne et leurs retraites plutôt que favorables à l’investissement et à l’emploi, la plupart des dirigeants du PS français ont cherché à préserver leurs avantages acquis. Chacun dans son «courant». Dans l’attente, comme François Hollande, d’une marée favorable pour reprendre la mer. Ignorant, les unes après les autres, les alertes au tsunami…