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La violence des débats au sein de l’Opep pour réguler le marché du pétrole répond plus à des impératifs politiques et géostratégiques qu’à des considérations économiques.

Des raisons géopolitiques et stratégiques pèsent énormément dans la fixation des prix de marché.
Jean-Marc Sylvestre
Quoi qu’on dise au lendemain de la réunion de l’Opep, le prix du pétrole va rester durablement bas. Il était tombé à 30 dollars en 2015, il est remonté depuis six mois aux alentours de 45 dollars le baril.
Le prix du pétrole va donc durablement baisser pour deux séries de raisons.
Premières raisons : économiques d’abord, compte tenu d‘un déséquilibre entre l’offre et la demande. En clair, la demande s’est ralentie partout dans le monde parce que la croissance s’est évanouie au moment de la crise, mais surtout parce que les systèmes de production, systèmes de transport ou de fabrication sont devenus plus économes en pétrole. Ajoutons à cela la préoccupation écologique qui a fait reculer les produits à base de pétrole.
L’arrivée de tous ces acteurs a fait chuter le prix du pétrole à moins de 30 dollars le baril.
Cette baisse de prix a sans doute facilité la sortie de crise en Occident en diminuant les coûts de fabrications. Ceci dit, cette baisse de prix a aussi accéléré les tensions déflationnistes difficiles à juguler. Les anticipations négatives ont été fortes et freinent encore la croissance.
L’autre effet d’ordre économique, c’est que les pays producteurs se sont retrouvés en risque d’asphyxie financière : le Venezuela, l’Algérie mais aussi l’Arabie Saoudite qui ont réagi en ouvrant les vannes pour essayer de conserver leurs parts de marché et gêner ainsi les nouveaux arrivants américains qui produisent un pétrole plus cher qu’au Moyen-Orient. A moins de 45 dollars le baril, les productions américaines ou canadiennes ne sont pas rentables. D’où un bouleversement des rapports de force.
Deuxièmes raisons : des raisons géopolitiques et stratégiques ont énormément pesé dans la fixation des prix de marché.
– Acte 1 : on a vu l’Arabie Saoudite ouvrir ses vannes pour ruiner les producteurs de pétrole de schistes, jusqu’à ce qu’elle ait elle-même des difficultés financières. En baissant le prix, elle se tirait une balle dans le pied. Or, l’Arabie Saoudite a besoin des recettes pétrolières pour tenir sa population, pour tenir les membres de la famille royale et pour tenir son influence colossale dans la région.
– Acte 2 : on a vu arriver l’Iran, qui a très vite compris l’intérêt qu’il avait à affaiblir l’Arabie Saoudite. La guerre ancestrale entre les sunnites et les chiites a trouvé là un nouveau champ de bataille. L’ambition iranienne est considérable. Son projet est de ruiner l’Arabie saoudite pour récupérer le pouvoir au Moyen-Orient.
– Acte 3 : la Russie est entrée dans le jeu elle aussi, aux côtés des dirigeants irakiens (autres gros producteurs), pour restaurer son pouvoir et son influence.
Tout cela ressemble étrangement à une guerre larvée. Le monde entier souhaite un relèvement des prix du pétrole parce que c’est un levier de croissance, mais aussi un ressort puissant pour accélérer la transition écologique. Tout le monde. Les producteurs et les consommateurs. Au Moyen-Orient comme en Amérique.
Mais visiblement, les marchés attendent deux choses pour agir :
– La première serait de savoir qui, de l’Arabie Saoudite ou de l’Iran, prendra le leadership politique dans la région. La « guerre » n’est pas terminée, mais elle évolue très vite au profit de l’Iran.
– La deuxième chose serait de savoir ce que va faire Donald Trump, qui a promis que l’Amérique devait retrouver son indépendance énergétique.
Source : http://www.atlantico.fr/decryptage/