Football Leaks met à nu l’argent sale du football

Étiquettes

, , ,

Alain Lallemand

Entre blanchiment d’argent et fraudes fiscales, Le Soir vous révèle, en exclusivité pour la Belgique, la plus grande fuite de données de l’histoire du sport.
© EIC.
© EIC.Football Leaks, entre blanchiment et fraudes

La plus grande fuite de données de l’histoire du sport (18,6 millions de documents) révèle depuis ce vendredi soir les transactions financières douteuses du monde du football professionnel européen ; elle dévoile les ficelles fiscales utilisées par certaines des plus grandes stars du continent. Parmi les vedettes visées par nos premières révélations se trouvent Cristiano Ronaldo, désigné plusieurs fois joueurs de l’année au niveau mondial, et le joueur de l’équipe nationale allemande Mesut Özil.

Les documents fournis par la plate-forme de lanceur d’alerte Football Leaks au magazine allemand Der Spiegel et partagés ensuite par ses partenaires européens de l’European Investigative Collaborations (EIC) – dont Le Soir, pour la Belgique – montrent que Ronaldo a eu recours à une société-écran des Îles vierges britanniques pour percevoir ses revenus commerciaux. Revenus sur lesquels il n’a eu à payer quasi aucune taxe. Özil, pour sa part, s’est vu adresser ce printemps un redressement fiscal en Espagne qui le contraint à payer quelque 790.000 euros. Ces deux anecdotes figurent parmi le 1,9 téraoctet de données que soixante journalistes réunis dans le réseau EIC ont mis sept mois à analyser.

Ces données rassemblent 18,6 millions de documents, dont des contrats originaux aux clauses secrètes, des e-mails et échanges WhatsApp, des documents Word ou PDF, des tableurs Excel et photos.

Trois semaines de révélations

Les données remontent jusqu’à 2016. Le Soir, Der Spiegel et leurs partenaires de l’European Investigative Collaborations (EIC) vont publier leurs découvertes durant les trois prochaines semaines, offrant un regard inédit dans les profondeurs les plus sombres de l’industrie moderne du football. Durant cette première semaine, le réseau EIC révélera les structures fiscales secrètes utilisées par des professionnels de premier plan. L’entraîneur de football de réputation internationale José Mourinho est l’un d’entre eux : cet entraîneur qui a décroché plusieurs titres sportifs, et qui perçoit un salaire de tout premier niveau de Manchester United, a été forcé de reverser des millions d’euros en Espagne au titre en rectification fiscale, lorsque les autorités fiscales ont eu vent de la société-écran dont il disposait dans les Caraïbes. Cette société lui servait de coffre-fort pour ses revenus commerciaux. Mourinho est conseillé par l’agent portugais Jorge Mendes, dont les clients utilisent fréquemment de pareils arrangements d’évasion fiscale impliquant une société basée aux Caraïbes.

Les experts fiscaux de Ronaldo inquiets

Les autorités ont notamment porté leur regard sur plusieurs joueurs de l’équipe nationale portugaise, dont la superstar évoluant aujourd’hui au Real Madrid, Cristiano Ronaldo. Jusqu’en 2014, Ronaldo faisait transiter via l’Irlande les millions qu’il gagnait en revenus commerciaux au travers d’une société-coquille, Tollin Associates, incorporée aux Îles vierges britanniques – un paradis à fiscalité taux zéro. Apparemment, Ronaldo est parvenu à échapper à quasi toute taxation sur les 60 millions d’euros qu’il a gagné en revenus publicitaires hors d’Espagne. Ronaldo a bénéficié pour cela d’une disposition fiscale particulière dans la législation espagnole. Mais de courriers internes échangés par ses conseillers fiscaux, il ressort qu’ils sont inquiets que les autorités fiscales puissent découvrir des «  informations sensibles  » à propos de Tollin Associates. Il ressort de ces e-mails que les conseillers fiscaux de Ronaldo jugeaient que les modèles fiscaux élaborés par Mendes pour ses clients ne cadraient pas avec les exigences légales.

Ronaldo, Mendes et Mourinho se taisent

Peu avant la disparition de cette disposition fiscale fin 2014, Ronaldo a vendu à l’avance tous ses droits commerciaux jusqu’en 2020 à deux nouvelles sociétés écrans des Îles vierges britanniques. Les revenus de cette vente, presque 75 millions d’euros, se sont retrouvés sur son compte de la banque privée suisse Mirabaud. Il a déclaré partiellement ce revenu dans sa déclaration d’impôts 2014, profitant de l’avantage fiscal qui s’offrait à lui pour la dernière année. De ces 75 millions d’euros, seuls 11,2 millions euros vont apparaître sur ses documents fiscaux espagnols. Il n’y a aucune trace, dans les données Football Leaks, de taxes payées ailleurs dans le monde sur les quelque 63,5 millions d’euros restant. Ni Ronaldo, ni Mendes, n’ont répondu aux questions que leur a posé le réseau EIC. Mourinho a lui aussi décliné tout commentaire. Özil, lui, a interjeté appel de l’amende fiscale qui lui était infligée.

Les experts que nous avons consultés jugent qu’il est peu probable que les structures fiscales mises en place par Ronaldo soient légales. Jusqu’à présent, les officiels espagnols n’ont examiné que les revenus 2011 à 2013 de la star portugaise. Les courriers qui se trouvent dans Football Leaks montrent qu’il est probable que les autorités fiscales s’intéressent aussi à ses revenus 2014.

http://www.lesoir.be

Les commentaires sont fermés.