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Héritier autoproclamé du gaullisme, Henri Guaino se présente à la présidentielle pour contrer Fillon. Au risque de se retrouver seul dans son propre camp.
Par Diane Malosse
Il convoque sans arrêt l’histoire de France, les chiffres, le général de Gaulle. Et quand il évoque l’élection présidentielle, ses mains s’agitent sur la table. « Le président n’est pas le chef d’un parti, c’est l’homme de la nation. Depuis qu’on a oublié ça, ça ne marche plus ! » Henri Guaino est remonté comme une pendule. Contre le programme « inhumain » de François Fillon, contre le « naufrage démocratique » qu’est l’Europe, contre la « religion du libre-échange ». L’ancienne plume de Nicolas Sarkozy tente de faire entendre sa voix de candidat dans le brouhaha médiatique qu’est la campagne présidentielle. Mais le « gaullisme social » comme le « souverainisme » ne correspondent plus à ce qu’est son parti aujourd’hui, dominé par la ligne économique libérale. Henri Guaino est un peu le frondeur de son propre camp.
L’ancienne plume présidentielle et inexorable soutien de Nicolas Sarkozy s’est porté candidat à l’élection de 2017, après avoir échoué à réunir ses parrainages pour la primaire. Un scrutin qu’il a pourtant toujours abhorré, l’estimant « contraire à l’esprit de la Ve République ». N’y aurait-il pas une petite contradiction ? « J’ai toujours dit que j’étais en désaccord avec cette procédure, mais que c’était la règle et que je m’y soumettais. Je n’ai pas eu mes parrainages, ce qui signifie que le système est totalement verrouillé. Je suis donc candidat directement. » Reste à obtenir 500 signatures. Il refuse aujourd’hui de dire où il en est. « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. » Mais sur les « 47 000 personnes susceptibles de parrainer », il pense réussir à les réunir et à se présenter contre François Fillon.
« Vous ne pouvez pas gouverner contre tous ces gens. »
Depuis le résultat de la primaire, le député des Yvelines se lâche contre le vainqueur. À tel point que l’on croirait ses déclarations préparées pour figurer en titre d’articles. « Une purge comme jamais proposée depuis la Seconde Guerre mondiale », « peut-être le pire programme de casse sociale qui a été imaginé depuis 1944 », « la vieille droite de monsieur Pierre Laval en 1935 »… Violent.
En remerciement, Jean-François Lamour menace son mandat de député dans les Yvelines en gelant sa circonscription. « Notre décision finale interviendra lorsqu’il aura exprimé son souhait de rompre définitivement avec sa famille politique ou de rentrer dans le rang », prévient le président de la Commission nationale d’investiture auprès de Valeurs actuelles. Guaino reste sourd à l’invitation. « Je n’ai pas participé aux primaires, je n’ai donc rien promis du tout ! Cela aurait été la société multiculturelle d’Alain Juppé, je ne l’aurais pas soutenu non plus. C’est quoi, cette façon de voir la politique ? On ne peut pas être en désaccord ? »
« Désaccord », le mot est un peu faible. « Opposition » conviendrait mieux. Henri Guaino attaque sans relâche le candidat officiel de son camp. Sur son attitude durant le quinquennat : « Si on l’avait laissé faire, on aurait eu un plan d’austérité en janvier 2009, au pire moment de la crise ! » « Si on avait écouté certains, on n’aurait pas fait 30 milliards de hausse des prélèvements, on en aurait fait 60 ! »
Son programme, « intenable et idiot », selon lui, il l’attaque à la machette, voire au… lance-roquettes : les allocations chômage dégressives ? « Ça ne marche pas. » La suppression de 500 000 fonctionnaires ? « Une solution à l’emporte-pièce qui masque le mépris du fonctionnaire. » Le député des Yvelines y voit cette « manie de dresser les citoyens les uns contre les autres » : « Un jour, c’est salauds de fonctionnaires, un autre, c’est salauds de salariés qui ont un emploi stable. Vous ne pouvez pas gouverner contre tous ces gens », s’insurge-t-il.
« Un intellectuel perdu en politique »
Henri Guaino n’apprécie pas non plus de se faire disputer l’héritage gaulliste et séguiniste par le candidat LR, qui fut proche de Philippe Séguin durant les années 90, s’érigeant à ses côtés contre le traité de Maastricht en 1992. « Tout le monde peut mesurer la similitude qu’il y a entre le programme de Fillon et les combats politiques de Philippe Séguin », ironise-t-il. « Moi, je ne me suis pas engagé en politique pour casser la Sécurité sociale et la sécurité du travail. La Sécurité sociale, c’est de Gaulle. L’assurance-chômage, c’est de Gaulle. Ce n’est pas moi qui ai changé. » Toujours plus sévère, il affirme « ne pas trouver beaucoup d’humanité » dans le programme de Fillon.
L’ennui avec la fronde de Guaino est le même qu’avec celle de la gauche : elle est minoritaire. Voire totalement isolée. « C’est un intellectuel perdu en politique, décrit Jacques Myard, son collègue député des Yvelines. Il suit ses idées, donc il y va seul, tel Bonaparte sur le pont d’Arcole. » Quant à Brice Hortefeux, il évoque la « double folie » et « les emportements » du personnage.
L’intéressé l’admet, ses convictions sont loin d’être partagées à l’intérieur de son camp. « La ligne qui domine chez les dirigeants du parti ne me convient pas, reconnaît-il. Mais ils ne sont pas propriétaires d’une famille politique qui existait bien avant eux, et qui existera après eux. » Il baisse le ton et ajoute, las : « Sauf s’ils finissent par la défaire totalement… »
Un projet souverainiste
Henri Guaino assure que son programme complet est prêt, et sera en ligne sous 15 jours. L’idée principale ? « Refaire une nation », car pour le candidat, « on a piétiné les nations, et résultat : on a récupéré les nationalismes ». En résumé : remise en ordre des institutions, principe d’assimilation, frontières. Et surtout, retrouver la « volonté de dire non » à l’Europe, qu’il assimile à « un monstre ». Pour ce faire, le député des Yvelines propose de faire la politique de la chaise vide, comme de Gaulle en son temps. Revenir à la supériorité du droit national sur le droit communautaire. « S’il le faut, on fera un référendum pour l’inscrire dans la Constitution. » L’Europe nous condamne ? « Ça n’a aucun effet pratique. Si on a une amende, on ne la paie pas. » On nous suspend nos subventions ? « Eh bien, on ne paie plus la cotisation. Chaque année, on donne 20 milliards pour en récupérer 10. Je vous assure qu’on ne va pas jouer à ce jeu-là très longtemps. »
Sur l’économie, il préconise « un plan d’investissement massif » sur de grands thèmes comme la numérisation de l’économie, et propose trois fonds dotés de 100 milliards chacun : un fonds d’investissements stratégiques (par exemple, pour « empêcher qu’une entreprise s’en aille »), un fonds pour les infrastructures et l’aménagement du territoire, et un fonds pour les investissements de l’avenir. « Les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas, se justifie Guaino. C’est le moment ou jamais d’emprunter et d’investir. » Contrairement aux membres de son parti qui ne jurent que par la suppression de postes de fonctionnaire, Guaino affirme vouloir embaucher des policiers, des juges et des militaires. « Si on n’investit pas massivement, si on ne crée pas d’emplois et de richesse, on ne va pas cesser de s’appauvrir », prédit-il