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Quand l’école de la République est frappée de suspicion, les parents se tournent vers le privé – et depuis cinq ans, c’est une hémorragie. Analyse.
Par Jean-Paul Brighelli

Le Monde nous apprend cette semaine que les familles cherchent massivement à inscrire leurs enfants dans le privé. Un mouvement qui s’était déjà amorcé sous la droite, tant les tergiversations de certains ministres – sur les méthodes de lecture, par exemple – avaient donné aux Français une suspicion légitime face à un système qui s’obstinait à ignorer que la méthode alpha-syllabique est la meilleure.
Mais depuis que Hollande est président, depuis surtout que Mme Vallaud-Belkaem est ministre, ce n’est plus une fuite : c’est un exode. Six mille quatre cents élèves de plus inscrits dans le privé et 9 900 de moins dans le public, explique une note du ministère. Mais le secrétariat général de l’enseignement catholique a des chiffres légèrement supérieurs : 5 500 jeunes de plus dans les collèges privés catholiques (particulièrement en sixième), 4 500 élèves de plus dans les lycées catholiques d’enseignement général. Et 13 500 de plus en primaire. Une paille.
Des raisons concordantes de choisir le privé
« Des rythmes scolaires chamboulés aux sections bilangues en partie fermées », explique le quotidien du soir (qui oublie au passage le poids global de la réforme dite « du collège », qui touche aussi le primaire, via des programmes dont les exigences sont sans cesse revues à la baisse), tout concourt à rendre le privé plus attractif que le public. Ajoutez à ce bilan catastrophique les craintes communautaristes de familles juives, après les attentats qui les visaient spécifiquement. Et encore les chiffres ne concernent que le privé sous contrat : le privé hors contrat, ou plus strictement confessionnel, écoles juives, musulmanes, adeptes de pédagogies différentes ou à finalités régionalistes, ne fournit pas de chiffres. Le simple fait qu’il existe, et se développe, donne la mesure de la faillite du système éducatif public.
Ajoutez aux raisons pédagogiques ou éducatives des raisons pratiques tenant à l’inscription des enfants dans telle ou telle école. Lorsqu’on voit à Parisl’insurrection des parents, dans le 18e arrondissement, contre la volonté de la mairie de ghettoïser les collèges qui ne le sont pas encore, on comprend que le privé, qui n’a pas de comptes à rendre vis-à-vis de la « carte scolaire », soit sérieusement attractif.
L’école au cœur de la campagne ?
Face à ces vagues de fond, je m’étonne chaque jour que l’école – l’avenir de nos enfants, c’est-à-dire l’avenir de la France – soit si peu au centre des programmes politiques. Alors même que les candidats du premier tour ne sont pas tous connus, personne ne sait de quoi le second tour de la présidentielle sera fait, ni qui en seront les finalistes. Mais je sais, moi, que je voterai pour le postulant qui aura sur l’école le discours le plus clair et le plus ambitieux.
Il faut réapprendre le français – et vite, et cesser d’obscurcir le débat avec des réformes imbéciles sur l’enseignement de la langue et de sa grammaire. Parce que ce sont les plus démunis, ceux qui ne sont pas initiés dès l’enfance aux codes culturels et linguistiques qui en font les frais – ceux que Mme Vallaud-Belkacem pousse dans les bras du privé d’abord, de l’opposition ensuite.
Il faut mettre le paquet sur les sciences, parce que nous avons longtemps brillé au firmament des découvertes, et que nous sommes aujourd’hui à la traîne, et que Cédric Villani, médaille Fields et digne produit de l’école des années 1980, ne cache plus la misère. Misère de la pédagogie, et pédagogie de la misère – tel aura été le programme de celle qui compte bien être élue dans la circonscription taillée à sa mesure à Villeurbanne, et qui a fait donner à son mari la circonscription imperdable des Landes, où siégea longtemps Henri Emmanuelli. Bien sûr, ce n’est pas du népotisme…
De même, il faut enseigner à nouveau l’histoire et la géographie nationale – pour que les petits Français, d’où qu’ils viennent, les connaissent.
Enfin, il faut instaurer une tolérance zéro : l’école est un lieu de travail, pas de dissipation Et l’autonomie éventuelle des établissements, sur laquelle j’ai eu l’occasion de faire des propositions ici même, ne doit pas être une occasion de plus d’autoriser les chefs d’établissement à être laxistes, comme on le voit trop souvent aujourd’hui.
J’attends donc avec intérêt les propositions précises des différents partis, dont je rendrai compte au fur et à mesure de leur élaboration. Et j’engage chacun à faire pression sur les élus pour leur faire comprendre que si leurs enfants sont à l’abri, les nôtres sont en première ligne.