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Tandis que la communauté internationale suit le développement du sommet d’Astana, dédié au conflit syrien, c’est au tour de la Libye d’être au cœur des intérêts de la Russie. En soutenant un opposant au gouvernement de Tripoli, le Kremlin annonce son retour en méditerranée.

La Russie est très inquiète des déstabilisations héritées des printemps arabes de 2011. La Libye lui a laissé un mauvais souvenir en raison de la résolution n°1973 de l’ONU qu’elle a accepté de laisser passer en s’abstenant. En effet, elle a été largement dépassée dans ses buts déclarés par les pays qui sont intervenues, la France, la Grande-Bretagne et, par derrière les USA, mais sans eux rien n’aurait été possible techniquement. Pour mémoire il n’était pas question de faire chuter le colonel Kadhafi mais de protéger les populations civiles.
primo : lutter contre Daech,
secundo : assurer sa propre protection, particulièrement à Tripoli où il est installé.
Pour Moscou, le maréchal Haftar est donc celui qui a la puissance nécessaire pour ramener un semblant d’ordre sur une partie de la Libye, surtout en Cyrénaïque et peut-être une partie du Fezzan. La reprise presque complète de Benghazi sur les milices islamistes au début 2017 semble conforter cette opinion. Il a aussi un atout prioritaire, c’est un « laïque ». Et enfin, il est adossé à l’Égypte du maréchal Sissi qui lui apporte aide et soutien matériel.
Point besoin d’être devin pour voir clair dans la politique de la Russie en Libye : Haftar a été invité par deux fois en Russie en 2016 et le 11 janvier 2017 à bord du cuirassé porte-aéronefs Kouznetsov alors que ce dernier voguait au large de Tobrouk au retour de sa campagne syrienne. A chaque fois, il a communiqué avec de hauts responsables (par vidéo-conférence sur le Kouznetsov) dont le ministre de la défense Sergueï Koujouguétovitch Choïgou, l’homme fort du Kremlin (après le président Poutine).
En quoi cette nouvelle donne en Méditerranée peut elle influer sur les relations entre Russie et l’Union européenne, et plus particulièrement la France ? De plus, comment expliquer que certaines opérations françaises en Libye semblaient également être liées au Général Khalifa Haftar ?
Pour ce qui concerne la France, je ne peux répondre à votre question pour deux raisons :
primo : je ne sais pas, le ministre de la défense le Drian n’est pas venu me faire de confidences ;
L’UE est bien embarrassée avec ce qui se passe en Libye. La France et la Grande-Bretagne ont été à l’origine du chaos actuel pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. L’Italie, le premier pays concerné par la géographie et l’Histoire, vient de rouvrir sa représentation diplomatique à Tripoli. Elle a d’ailleurs été presque tout de suite visée par un attentat survenu à proximité de ses locaux. Le problème des migrants l’étouffe. La marge de manoeuvre est plus qu’étroite. Elle regarde donc agir la Russie en espérant secrètement qu’elle parviendra à donner une direction dans laquelle aller. Comme en Syrie, l’Europe laisse faire Moscou en se pinçant le nez et en hurlant dès qu’elle détecte une atteinte supposée aux Droits de l’Homme. Il faut reconnaître qu’elle n’a pas beaucoup d’autres moyens d’action à sa disposition que l’indignation.
En prenant du recul sur la carte, entre Méditerranée, Proche et Moyen Orient, dans un climat dominé par le sommet d’Astana lié au conflit syrien, comment comprendre la logique Russe dans la région ?
La Russie prend très progressivement pied en Méditerranée. Elle va transformer Tartous en base maritime (il ne s’agissait jusqu’alors que de « facilités » maritimes sans port en eaux profondes). D’importants travaux d’infrastructure y sont prévus. La base aérienne de Hmeimim est devenue pérenne. La partie contrôlée par les Russes a été décrétée, avec l’accord des autorités officielles en place à Damas, comme territoire russe comme les représentations diplomatiques(1).
- 1.Ce qui signifie que toute attaque de cette base pourrait être considérée comme une agression contre la Russie elle-même.
- 2. Un des problèmes majeurs est, comme d’habitude, financier.