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Scarlett HADDAD

En attendant la fin du mois de février pour une nouvelle rencontre internationale sur le dossier syrien, les grandes lignes d’un changement international sont en train de se préciser. Après le vice-Premier ministre turc qui avait déclaré à la veille de la réunion d’Astana qu’il est irréaliste de vouloir le départ du président Assad à l’heure actuelle, c’était hier au tour du ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson de tenir pratiquement le même langage, allant même jusqu’à accepter l’idée d’élections anticipées auxquelles Assad aurait le droit de se présenter, selon le très sérieux quotidien britannique The Guardian.

Sans doute à contrecœur, la plupart des opposants au maintien d’Assad au pouvoir sont en train de changer de position et ce processus semble s’être accéléré depuis l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis. Pourtant, jusqu’au bout, ceux qui rejetaient une approche plus pragmatique du dossier syrien ont tout fait pour créer un fait accompli qui empêcherait tout changement dans la politique internationale et en particulier américaine à l’égard de ce dossier. Selon une source diplomatique du Brics, au moment où le dernier bastion des rebelles dans les quartiers est d’Alep était sur le point de tomber entre les mains des forces du régime et de leurs alliés, la ville de Palmyre était reprise par l’État islamique. On avait alors cru à une victoire symbolique pour ternir celle que le régime devait remporter à Alep. Mais, en fait, il s’agissait de bien plus que cela. En reprenant cette ville construite en plein désert syrien (ce qui suppose que les forces rebelles ont entrepris leur avancée au vu et au su des satellites américains qui contrôlent le ciel syrien), l’État islamique voulait couper toute possibilité de ravitaillement des forces du régime encerclées à Deir ez-Zor. L’offensive de Palmyre était donc le prélude à celle qui allait suivre contre Deir ez-Zor, dernier bastion de l’armée syrienne dans l’est de la Syrie et point stratégique qui empêche les combattants de l’État islamique de faire leurs jonction avec leurs compagnons en Irak.

Pour la source diplomatique du Brics, il est clair que le Kremlin veut garder la main en Syrie et il s’est empressé d’organiser les pourparlers d’Astana pour créer un fait accompli avant que la nouvelle administration américaine n’ait eu le temps de bien connaître le dossier. C’est donc la Russie qui a choisi en quelque sorte les participants à cette conférence et qui assure le suivi en préparation du nouveau rendez-vous prévu à la fin du mois de février. La Russie est ainsi devenue l’interlocuteur incontournable sur le dossier syrien, ayant même obligé la Turquie à changer complètement de position. C’est aussi la Russie qui a en quelque sorte défini les secteurs où l’armée turque a le droit de se déployer et elle a en même temps intégré l’Iran comme partenaire dans la surveillance du respect du cessez-le feu. Bien entendu, les trois pays qui ont parrainé la rencontre d’Astana ne comptent pas intervenir dans les combats qui se déroulent actuellement entre les différentes factions de l’opposition syrienne…

C’est donc en position de force que Vladimir Poutine devrait évoquer ce dossier avec son homologue américain au cours de leur premier entretien téléphonique depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Et c’est sans doute parce qu’ils ont senti le vent tourner que les Britanniques ont commencé à modifier leur position sur le dossier syrien. Donald Trump peut-il encore renverser la donne et refaire de la coalition occidentale l’acteur le plus important sur la scène syrienne ? La source diplomatique du Brics en doute, assurant que Donald Trump souhaite coopérer avec la Russie sur le dossier syrien. Il l’a dit tout au long de sa campagne et depuis son arrivée à la Maison-Blanche, il ne fait qu’exécuter les promesses qu’il avait tenues alors. De plus, c’est parce qu’ils ont de moins en moins confiance dans la volonté du nouveau locataire de la Maison-Blanche de poursuivre la politique de son prédécesseur en Syrie que les pays du Conseil du Golfe ont décidé d’envoyer le ministre koweïtien des Affaires étrangères à Téhéran, dans une tentative de renouer le contact officiel, après un début de dialogue entre l’Arabie et l’Iran dans le cadre des réunions de l’OPEP.

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