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CE QU’IL FAUT SAVOIR – Le candidat de la droite à l’élection présidentielle est au centre d’une polémique qui grandit de jour en jour. Retour sur les rebondissements d’une semaine mouvementée.
● De quoi parle-t-on?
L’affaire éclate le mercredi 25 janvier, avec la sortie du Canard enchaîné. L’hebdomadaire révèle que Penelope, l’épouse de François Fillon, aurait touché 500.000 euros de salaires bruts en tant qu’attachée parlementaire de son mari, puis de son suppléant à l’Assemblée nationale. Cette somme comprend également sa rémunération en tant que collaboratrice à La Revue des deux mondes, possédée par un ami de François Fillon, Marc Ladreit de Lacharrière. Problème, selon le journal satirique, personne ne se souviendrait, que ce soit à l’Assemblée ou à la revue littéraire, du travail effectué par Penelope Fillon. Le directeur de l’époque à La Revue des deux mondes, Michel Crépu, assure «ne jamais l’avoir rencontrée» et se souvient tout juste qu’elle a fourni deux notes de lectures en un an et demi de contrat. En clair, Penelope Fillon est soupçonnée d’avoir occupé deux emplois fictifs grâce à son mari.
Depuis l’accusation initiale, d’autres sont venues s’ajouter:
• Le Canard enchaîné, une semaine après ses premières révélations, alourdit la charge. Penelope Fillon aurait finalement touché près de 900.000 euros (et non 500.000) en tant qu’assistante parlementaire et collaboratrice de La Revue des deux mondes.
• L’hebdomadaire satirique révèle également, dans son édition du 1er février, que deux des enfants de François Fillon ont touché près de 84.000 euros, entre octobre 2005 et juin 2007, pour des contrats à temps plein. Ils n’étaient, à l’époque, pas encore avocats et ont bien été embauchés et pas uniquement consultés pour des missions précises.
• François Fillon est épinglé pour la phrase prononcée dans son discours de Paris (voir ci-dessous), où il affirme ne détenir qu’un seul compte. Chose impossible, puisque le réglement de l’Assemblée impose au députés d’en avoir au moins deux, pour différencier les dépenses personnelles de celles liées aux activités parlementaires. L’équipe du candidat affirme à Libération que celui-ci a voulu dire qu’il n’avait «qu’une seule banque, mais plusieurs comptes».
• Mediapart affirme qu’une collaboratrice de François Fillon a été salariée par Marc Ladreit de Lacharrière, ce proche de François Fillon, propriétaire de La Revue des deux mondes, qui employait également la femme du candidat de la droite. Cette responsable de la campagne numérique de François Fillon est embauchée pour réaliser des missions à la Fondation Culture et Diversité. Selon le journal en ligne, elle n’aurait, comme Penelope, laissé aucune trace de son travail. Patrick Stefanini, directeur de campagne de Fillon, affirme qu’elle était embauchée à mi-temps pour le candidat, à mi-temps pour la fondation.
• Mediapart toujours révèle que François Fillon aurait bénéficié de fonds publics détournés au Sénat. Il aurait bénéficié d’un système mis au point au Sénat, dans lequel des parlementaires reversaient à leur groupe la part de leurs indemnités non utilisée pour rémunérer leurs collaborateurs. Le groupe reversait ensuite au sénateur un tiers de la somme. Un système baptisé «la ristourne» au Sénat. Selon le site internet, les sommes touchées «ne passent sans doute pas les 25.000 euros». L’entourage du candidat n’a pas souhaité commenter.
● La riposte de François Fillon
Dans un premier temps, le jour de la publication du Canard, François Fillon balaye les accusations et dénonce une attaque misogyne envers sa femme. Il qualifie les révélations de «boules puantes».
Le lendemain, pour tenter d’éteindre l’incendie, l’avocat de François Fillon dépose auprès de la justice «des documents» censés prouver le travail effectué par Penelope Fillon.
Le soir même, le candidat de la droite à la présidentielle est l’invité du journal de 20 heures de TF1. François Fillon explique que sa «femme travaille pour [lui] depuis toujours, depuis 1981, depuis [sa] première élection». «Elle a corrigé mes discours, elle a reçu d’innombrables personnes qui voulaient me voir et que je ne pouvais pas voir, elle m’a représenté dans des manifestations, dans des associations, elle me faisait la synthèse de la presse et surtout elle me faisait […] remonter les demandes des gens, elle me faisait remonter les évolutions de notre société […] Elle faisait un travail pour moi, un travail quotidien, un travail fondamental pour ma vie politique.» Le candidat prend les devants et en profite pour révéler qu’il a employé deux de ses enfants lorsqu’il était sénateur. Enfin, il affirme que seule une chose peut lui faire renoncer à sa candidature: une mise en examen.
Enfin, le dimanche suivant, il tente de relancer sa campagne lors d’un meeting à Paris, porte de la Villette. La défense de sa femme occupe la première partie de son discours. «Nous n’avons rien à cacher. Nous n’avons qu’un seul compte, au Crédit Agricole de Sablé-sur-Sarthe», se défend-il. «Moi, je n’ai peur de rien, j’ai le cuir solide. Devant 15.000 témoins je veux dire à Penelope que je l’aime et que je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont voulu nous jeter aux loups.»
Après les nouvelles révélations du Canard enchaîné, mercredi 1er février, François Fillon dénonce une «attaque du pouvoir, venue de la gauche» estimant être victime d’une «véritable tentative de coup d’État institutionnel». «Le seul pouvoir, en l’occurrence, c’est celui de la justice, qu’on doit laisser travailler, et les seules exigences sont celles de la transparence et de l’exemplarité», a riposté l’entourage du chef de l’État.
● L’enquête
Une enquête judiciaire est ouverte le mercredi 25 janvier, jour de la parution dans le Canard. Les chefs d’accusation sont «détournement de fonds publics», «abus de biens sociaux» et «recel de délits». Dès le lendemain, une perquisition a lieu à La Revue des deux mondes. Le vendredi, Jeanne Robinson-Behre, ancienne assistante parlementaire de Marc Joulaud, suppléant de François Fillon pendant qu’il était à Matignon, est auditionnée à Angers. Elle avait indiqué n’avoir jamais gardé de souvenir de Penelope Fillon.
Lundi 30 janvier, François et Penelope Fillon sont auditionnés à leur tour, séparément, par des policiers spécialisés dans la lutte contre les infractions financières. Le même jour, le propriétaire de La Revue des deux mondes, Marc Ladreit de Lacharrière, est entendu par la police. Mardi c’est au tour du bureau de François Fillon à l’Assemblée nationale d’être perquisitionné. Mercredi, Marc Joulaud, le suppléant devenu député européen et maire de Sablé-sur-Sarthe, est à son tour entendu par la justice.
Une autre perquisition pourrait avoir lieu au Sénat dans les journées de mercredi ou de jeudi.
● Ce qu’ils risquent
Le détournement de fonds public peut être puni de dix ans de prison et d’un million d’euros d’amende. C’est en théorie ce que risque François Fillon si l’enquête conclut que sa femme n’a pas effectué le travail pour lequel elle était rémunérée.
L’abus de bien social peut être, quant à lui, puni de cinq ans de prison et de 375.000 euros d’amende. C’est ce que risque Penelope Fillon si les emplois pour lesquels elle a été rémunérée n’étaient en définitive pas réels.