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Le président s’en prend aux sources secrètes des journalistes

Stéphane Baillargeon

Le président Trump a profité de son passage triomphant ce vendredi matin à une importante assemblée conservatrice annuelle américaine pour en rajouter contre les médias d’information. Cette fois, il a livré une charge contre l’utilisation de sources anonymes par les journalistes.

Voyez l’intégrale du discours de Donald Trump.

« Ils ne devraient pas avoir le droit d’utiliser des sources à moins de les nommer », a dit Donald Trump en ouverture de son allocution. Il a ajouté que les médias qui utilisent ce stratagème de l’anonymat sont des « ennemis du peuple », une formule de plus en plus courante dans son camp.« Ils n’ont pas de sources, a poursuivi le président. Ils en inventent quand ils n’en ont pas. Je veux que vous sachiez tous que nous combattons les fausses nouvelles. C’est faux [fake], c’est bidon [phony], c’est faux. »

Cette pique antimédiatique a été reçue par de chauds applaudissements par les centaines de partisans conservateurs réunis au Maryland pour la Conservative Political Action Conference (CPAC). Le rendez-vous politique annuel rassemble environ 10 000 partisans conservateurs qui viennent écouter les personnalités les plus en vue du mouvement de droite.Le président a été reçu en héros. La foule très majoritairement blanche et fortement masculine s’est levée à plusieurs reprises pour ovationner certaines de ses remarques. Quand Donald Trump a évoqué son adversaire aux présidentielles, Hillary Clinton, plusieurs ont à nouveau demandé de la poursuivre en justice et de l’emprisonner (« Lock her up ! »).

Le président Trump a livré un discours vitriolique contre ses ennemis réels ou présumés, tout en affirmant avec une ferveur quasi insolente son assurance de mener à bien son programme politique.Il a réaffirmé sa volonté de construire un mur à la frontière mexicaine, de démanteler la réforme santé Obamacare, de déréglementer les affaires et d’investir dans le militaire et le sécuritaire.

 Ça coule de sources (journalistiques) L’introduction du plus prestigieux conférencier a été consacrée à cette nouvelle charge contre les médias d’information. Sa sortie contre les sources anonymes se veut visiblement une réplique aux reportages de plusieurs médias traditionnels, qui ont relayé des informations fournies par des personnes non identifiées publiquement — notamment en provenance des services secrets et de la police fédérale, mais aussi de la Maison-Blanche elle-même.

Un des reportages les plus dommageables pour le nouveau gouvernement, qui a été diffusé par le Washington Post, citait neuf sources secrètes pour affirmer que le conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn avait discuté de la possibilité de lever des sanctions contre la Russie avec l’ambassadeur de Moscou à Washington. M. Flynn a ensuite donné sa démission. « Il y a neuf personnes, a dit M. Trump dans son discours, sans dire qu’il référait à cette histoire précisément. Je ne crois pas qu’il y avait une ou deux personnes. Neuf personnes. Alors je dis : “Laissez-moi en paix.” Parce que je connais les gens. Je sais à qui ils parlent. Il n’y avait pas neuf personnes. Mais ils disent neuf personnes. Alors quelqu’un le lit et il pense : “Oh, neuf personnes, ils ont neuf sources.” Ils ont inventé ces sources. Ce sont vraiment des personnes malhonnêtes. »Les journalistes, surtout les équipes d’enquêtes, n’identifient pas certaines sources publiquement pour les protéger contre d’éventuelles représailles. Elles sont dites anonymes, mais dans les faits, leur identité est bien connue des journalistes.

La plus célèbre enquête journalistique du XXe siècle, celle du Watergate, utilisait une source anonyme et essentielle baptisée Gorge profonde. Dans certains pays, les lanceurs d’alerte jouissent même de protections légales. Une commission d’enquête publique se penche sur la question de la protection des sources journalistiques en ce moment au Québec.