Source : Le Figaro, 18/09/2016

Henry Hermand, le précieux conseiller et donateur d’Emmanuel Macron

Par Mathilde Siraud

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VIDÉO – Le chef d’entreprise de 91 ans a reçu Le Figaro dans les bureaux parisiens de sa société HH développement. Il explique pourquoi l’ancien ministre de l’Économie est un «recours» pour la France en 2017.

Il a voté et financé François Hollande en 2012. Presque cinq ans plus tard, Henry Hermand ne jure que par Emmanuel Macron, son nouveau protégé, celui qui peut incarner le «progressisme» qui lui est si cher. Pour ce chef d’entreprise de 91 ans, à la tête de la société HH développement après avoir lancé des supermarchés et des centres commerciaux, l’ancien ministre de l’Économie apparaît comme un «recours». «Une des qualités d’Emmanuel est de s’ouvrir au monde, de comprendre ce qui se passe», assure-t-il au Figaro.

Le créateur du mouvement En marche! n’est pas candidat à l’élection présidentielle mais entretient l’ambiguïté depuis sa démission du gouvernement, le 30 août. Henry Hermand attendait ce moment depuis longtemps, et oeuvre désormais à la mise sur orbite d’un comité politique autour de son poulain. «J’incite toutes mes relations d’affaires à immédiatement aider Emmanuel Macron», appelle-t-il.

Quand l’ancien banquier cherchait à s’installer avec sa femme Brigitte, à Paris, Henry Hermand lui a prêté de l’argent. Depuis leur rencontre en 2002 à l’occasion d’un déjeuner dans l’Oise, ils ne se sont plus quittés. Le patron a longtemps milité auprès de la gauche non communiste, gravité autour de Pierre Mendès France puis de Michel Rocard. Il fait profiter à Emmanuel Macron de sa connaissance de l’histoire politique, de ses réseaux, de son héritage idéologique. «J’ai une légitimité de parcours à le conseiller sur ses grandes orientations. Je lui fais passer des notes», raconte l’ancien résistant. Leur proximité et leur affection mutuelle ne l’empêchent pas de critiquer aussi les faux-pas, selon lui, du chouchou des sondages. «Les couvertures de Paris Match, c’est médiocre! De la même manière que sa visite au Puy du Fou. Ce désir qu’il a de serrer toutes les mains qui se présentent à lui, même de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, est regrettable. Avec sa femme, on veut freiner ses tentatives de trop convaincre, on lui dit ‘du calme!’»

On vous présente souvent comme un homme qui a fait fortune dans les supermarchés. Quel est votre parcours ?

Henry HERMAND. – Ce sont des foutaises ! Je suis issu du secteur agricole, j’ai étudié à Polytechnique et été formé à l’énergie atomique. Puis, en 1964, j’ai créé un supermarché au Blanc-Mesnil, sous le nom du consortium interprofessionnel des producteurs (CIP). J’ai développé ensuite des hypermarchés et des centres commerciaux.

Vous avez rencontré Emmanuel Macron en 2002. Vous êtes cité parmi ses conseillers, ses relais influents. Concrètement, quel rôle jouez-vous auprès de lui ?

Je ne le quitte jamais! J’ai une légitimité de parcours à le conseiller sur ses grandes orientations. Je lui fais passer des notes. J’ai obtenu qu’on abandonne l’idée de sociallibéralisme, de social-réformisme, pour parler de progressisme, qui signifie l’adaptation à ce qui change. Je lui apporte mon expérience auprès de la gauche non communiste, des éléments historiques. Je demande qu’on mette en place un comité politique avec des parlementaires. Je vois d’autres personnes, j’ai déjeuné hier avec Marisol Touraine, rocardienne, même si je ne l’ai pas encore convaincue de soutenir

Macron ! Je veux, par exemple, que quelqu’un comme Pascal Lamy (ancien directeur général de l’OMC, NDLR) se rapproche de lui et le soutienne, pour lui faire part de ses connaissances sur les partis sociaux -démocrates dans le monde.

Avez-vous donné de l’argent à En marche ! et à Emmanuel Macron ?

Je vais le faire, dans le cadre légal, c’est-à-dire 7 500 euros. Je lui ai juste prêté de l’argent à titre personnel, pour qu’il s’achète un appartement à Paris. J’incite toutes mes relations d’affaires à immédiatement
aider Emmanuel Macron. Je m’inspire de la campagne d’Obama, basée sur des petits porteurs.

Avez-vous mis vos contacts à la Maison-Blanche en relation avec Emmanuel Macron?

Le fils de l’un de mes contacts rocardiens travaille dans le cabinet de Barack Obama. Le président américain a envoyé une lettre à Sylvie Rocard au moment de la disparition de Michel. Ce monsieur dans le cabinet peut nous montrer comment on fait une campagne. Emmanuel Macron pourrait d’ailleurs se rendre aux États-Unis.

Emmanuel Macron va-t -il annoncer prochainement sa candidature à l’élection présidentielle ?

J’étais l’un de ceux qui le suppliaient de ne pas tarder à démissionner de manière à ne pas entretenir la confusion avec Hollande. J’aurais aimé qu’il le fasse plus tôt. Emmanuel Macron a repris sa liberté, il ne doit pas encore parler de campagne présidentielle. Il sera candidat s’il y a un mouvement d’opinion suffisamment fort pour que ce soit bénéfique à l’intérêt général et non à son propre intérêt.

Ancien banquier, il n’a jamais été élu. Quels sont ses atouts pour se présenter à l’élection présidentielle ?

En juillet 2014, il pensait à créer une sorte de société d’études autour de la politique. n avait envisagé de faire des conférences à Londres, à Berlin. Il a fallu l’affaire Montebourg et l’appui de Valls et Jouyet, plus que celui du président, pour nommer Macron. Hollande souhaitait lui laisser seulement le secrétariat d’État au Budget. Depuis la commission Attali, Emmanuel a eu l’occasion d’avoir un réseau très important. Il apparaît aujourd’hui comme un recours. L’une de ses qualités est de s’ouvrir au monde, de comprendre ce qui se passe.

Vous avez été témoin de son mariage avec Brigitte  Trogneux, qui est de plus en plus visible auprès de lui …

Elle est très importante. Elle a orienté ses lectures, joué un rôle dans ses cercles d’amis, veillé à ce qu’il ne se disperse pas. Il a eu la chance, étant très jeune, d’être en vie commune. Il n’a pas, au contraire de la majorité des gens brillants de son âge, multiplié les copines. Cela a joué un rôle important dans son travail! ll n’a pas été sollicité, ou du moins, il a refusé.

Une partie de la gauche exècre Emmanuel Macron. A-t-il commis des erreurs politiques ?

Cette gauche est ringarde. Il a cependant fait des choses que je n’ai pas appréciées. Il a fait apparaître Chevènement comme parrain, alors qu’il était le pire ennemi de Rocard ! Emmanuel est trop jeune pour avoir connu ces périodes, il a besoin d’être recadré sur des connaissances historiques. Les couvertures de Paris Match, c’était une erreur, et je lui ai dit. C’est people, c’est médiocre, notamment la photo avec le nudiste. Même chose pour le Puy -du-Fou. ll n’avait pas besoin de s’afficher avec Villiers. Ce désir qu’il a de serrer toutes les mains, même des personnes qui ne sont pas d’accord avec lui, est regrettable. Il perd parfois son temps, c’est un peu ridicule. Avec sa femme, on lui demande d’arrêter. On veut freiner ses tentatives de trop convaincre.

En 2012, vous aviez pourtant voté pour François Hollande …

J’ai été un des premiers à soutenir financièrement Hollande dans la compétition. Son comportement m’a déçu. li a seulement oeuvré à construire une majorité qui ne fonctionnait pas avec des écolos et des gauchistes. Je l’ai vu avant l’été pendant deux heures. Je dois le choquer. Mon soutien inconditionnel à Emmanuel ne doit pas lui faire un grand plaisir.