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Sept des onze candidats à la présidentielle ont participé jeudi à Brest à un grand débat sur le monde agricole pour convaincre une profession en crise.

Marine Le Pen savait où elle mettait les pieds jeudi matin devant les quelque 2 000 agriculteurs – dont une majorité de la FNSEA – réunis en congrès à Brest. « Ici, on a besoin de l’Europe », résumaient de nombreux professionnels en quittant Brest Arena, où se tenait l’événement. Seulement sept – Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen, Jean Lassalle, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Cheminade et François Asselineau – des onze candidats avaient fait le déplacement pour ce grand oral de l’agriculture française, où le candidat Les Républicains et son concurrent d’En marche ! ont gagné à l’applaudimètre.
Chez les agriculteurs, et particulièrement dans les rangs de la FNSEA, on goûte peu au Frexit. Alors quand la candidate du Front national rappelle à la tribune sa volonté de sortie de l’Union européenne, on fait la moue chez les congressistes et on s’inquiète. « Certes il y a trop de normes assourdissantes, mais on ne peut pas quitter l’Europe. C’est notre arrêt de mort, s’il n’est pas d’ores et déjà signé. Nous avons besoin du marché européen, c’est plus de 500 000 consommateurs ! », résume Yves, 58 ans, éleveur laitier des Côtes d’Armor. À ces dubitatifs, Marine Le Pen répond : « Il est de notre devoir de veiller à ce que les produits français se distinguent parfaitement dans les rayonnages, par leurs étiquettes. » La candidate frontiste assure vouloir « défendre à l’export des accords commerciaux équitables ».
« Je ne voterai pas pour elle mais je pense qu’elle va gagner. Elle doit bien comprendre que si on s’en va de l’UE, nos produits seront bien plus taxés que ceux des pays qui y restent. Ce n’est pas mathématique, c’est de la logique commerciale. Ce ne sera pas tenable… », lâche, résigné, l’agriculteur costarmoricain. Remerciant Marine Le Pen de s’être prétée au jeu, Christiane Lambert – qui assure la présidence de la FNSEA depuis le décès de Xavier Beulin – a cependant réaffirmé la position de son syndicat face à l’offre du FN. « Mme Le Pen a donné son discours, a fait ses propositions. Ce ne sont pas les nôtres, ce ne sont pas celles de notre cahier des charges pour lequel nos agriculteurs ont massivement voté pour. Je note qu’elle a adapté son discours. C’est aussi ça l’originalité du débat, mais je le répète : nous sommes européens », a-t-elle déclaré au Point.fr.
« Macron, on ne sait pas ce qu’il vaut »
Emmanuel Macron semble avoir réussi son opération séduction dans le Finistère. Pour son premier exercice face à la puissante FNSEA, le candidat d’En marche ! a voulu rassurer : « Je ne suis pas un candidat des villes ! » Si l’impétueux ex-ministre de l’Économie interroge autant qu’il crée la suspicion dans le public, il sera l’un des plus applaudis – avec François Fillon – jeudi matin. Pour aider les agriculteurs à moderniser leurs équipements, il a en tête « un plan d’investissements de 5 milliards d’euros. Un vrai plan Marshall de l’agriculture ». Pour répondre aux inquiétudes sur « le juste prix » payé aux producteurs, l’équilibriste Macron propose une « réforme des organisations de producteurs » et « une généralisation des contrats de filières ».
Abaissement des charges de 6 %, baisse de l’impôt sur les sociétés, revalorisation des retraites agricoles, augmentation des salaires jusqu’à 2,5 fois le smic, assurance-chômage élargie aux exploitants agricoles, prêt d’honneur de 50 000 euros… Macron a plus d’une proposition dans son chapeau de candidat à la présidentielle. Dans les travées de la Brest Arena, on apprécie sans être totalement convaincu. « Macron, il a des idées et des bonnes, mais c’est un jeunot. On ne sait pas ce qu’il vaut. J’hésite vraiment avec François Fillon qui connaît nos préoccupations. Mais il y a ses affaires, et ça me bloque vraiment. Nous, on galère vraiment alors que lui et sa femme semblent user et abuser de leur privilèges », juge Carole, 47 ans et éleveuse de porcs en Bretagne.
« La France a été ingrate avec son agriculture »
Mais c’est bien François Fillon qui gagne par K.-O. Le Sarthois maîtrise son sujet sur le bout des doigts et martèle son projet pour l’agriculture. Des propositions qui font écho en de nombreux points avec le cahier des charges de la FNSEA. « La France a été ingrate avec son agriculture », a lancé sous les applaudissements nourris le candidat des Républicains, qui veut « redonner la liberté aux agriculteurs d’entreprendre, d’innover ». Sujet ô combien à risque, François Fillon entend « conserver le budget de la PAC mais pour qu’elle soit puissante, ambitieuse, réactive, concentrée sur ses missions » et promet de se battre « de toutes [ses] forces pour la levée des sanctions contre la Russie qui nous ferment un marché important ». Pour réconcilier producteurs, transformateurs et distributeurs, il promet de « redonner le pouvoir aux agriculteurs dans les négociations commerciales ». Il n’aura fallu que peu de temps à la salle pour être acquise à l’ancien Premier ministre.
Devant les portes de l’Arena, on ne savait à quel saint se vouer. Macron ? Fillon ? « Je fais partie des 30 % de gens qui ne savent pas encore pour qui voter, même après avoir écouté les candidats ce matin. On a besoin d’une harmonisation européenne et non nationaliste et seuls François Fillon ou Emmanuel Macron proposent aujourd’hui cela », déclare Hervé, aviculteur dans l’Indre. Philippe, son confrère céréalier, résume : « Quand Fillon aura réglé ses affaires et parlera du fond et quand on saura si Macron est de droite ou de gauche, on pourra peut-être voter. »