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Une victoire, forte. Avec 65,8% des Français qui se sont prononcés pour lui, Emmanuel Macron est un président de la France incontestable. Inimaginable, aussi. Qui aurait misé il y a quelques mois sur ce jeune homme ambitieux parti à l’assaut du pouvoir suprême dans un pays qui semblait pourtant ne répondre qu’à des codes, des règles, des préséances et des traditions ? La gauche-la droite, la particratie, l’expérience : Emmanuel Macron a tout renversé pour remporter le sceptre. La France a aujourd’hui un président qui se dit de gauche et de droite, sans parti établi, âgé de 39 ans. C’est historique.
Ce mélange de conjonction d’astres favorables, d’incroyable audace et d’appétit féroce pour la transgression, tant privée que publique, est à retenir pour la suite. Ceux qui prédisent l’enfer à celui vient d’être élu, doivent reconnaître qu’il a remporté jusque là tous les défis qu’il s’est fixés, sans jamais les esquiver, le dernier étant crucial pour nos démocraties : ce dimanche, Emmanuel Macron a battu sèchement l’extrême droite.
On ne peut imaginer que cet homme-là n’aie pas encore des ressorts pour aborder ce qui l’attend. Il vaudrait mieux, car c’est du très lourd. Comment imposer ce projet de réformes de fond, du marché du travail notamment mais pas seulement, alors qu’un tiers des électeurs potentiels ont choisi soit de ne pas voter, soit de voter blanc- l’autre résultat historique de dimanche – ? Alors que socialistes comme Républicains (fillonistes, sarkozystes et autres) rêvent de se refaire une santé en pulvérisant celui qui a bousculé leur aire de jeux habituelle ? Alors que l’extrême droite, à l’évidence enracinée, n’a pas dit son dernier mot ? Alors que les Insoumis de Mélenchon et d’autres mouvements de gauche ne vont laisser aucune période de grâce à celui dont ils ont fait l’incarnation du capitalisme et d’une vision de l’Europe qu’ils honnissent ?
Ce dimanche soir, les questions dominent pour une France transformée en un gigantesque laboratoire politique. Comment et avec qui, dans les jours qui viennent, installer la nouvelle offre politique « macronienne » ? Comment gouverner vite alors que s’ouvre la campagne pour les législatives, véritable troisième tour de cette présidentielle ? Comment en un mois, détenir une part suffisante de l’Assemblée Nationale, pour éviter d’être un Président émasculé, à peine élu et déjà otage des petits jeux d’autres formations politiques ?
C’est dire si pour Emmanuel Macron, aujourd’hui, rien ne finit, mais tout commence. Pas le temps de festoyer, il lui faut plus que jamais apaiser, convaincre, conquérir et rassembler. Le ton et le contenu de son discours hier soir en témoignaient : il a clairement capté le message.
Sa victoire, incontestable, sert de bouclier à un président qui s’est donné lors de sa campagne une carte stratégique inédite à jouer, mais sera-ce suffisant pour résister à l’instabilité sociale et politique qui guette ce travail de recomposition politique sans précédent, et de réconciliation d’un pays fracturé ?
Dès dimanche soir, le ton était donné : des Républicains de façon classique, et Jean-Luc Mélenchon dans un vibrant appel à la résistance, s’affichaient en opposition frontale au nouveau président et à ceux qui ont rejoint En Marche ! Légitime politiquement, mais attention à ne pas se tromper d’ennemi et de stratégie. A droite comme à gauche, les hommes et femmes politiques ont en effet le choix entre tout faire pour récupérer leur pouvoir perdu, en se lançant dans une guerre sans merci entre démocrates. Ou faire front en acceptant que ce président qui veut rassembler au-delà des clivages, soit l’instrument de l’exorcisation d’une angoisse populaire, du déploiement d’un nouveau modèle économique d’« avenir » et donc de l’éradication de l’extrême droite.
Petit message en passant à ces leaders européens qui se disaient si soulagés par la victoire de leur nouvelle coqueluche : le président Macron ne vivra qu’un été, si l’Europe continue à regarder les inégalités se creuser.