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Arabie Saoudite, Daesh, Djihadisme, Etats-Unis, Iran, Qatar, Russie, Syrie
Les évènements survenus ces dernières semaines au Moyen et Proche-Orient n’augurent rien de bon. On ne peut plus exclure le spectre d’un conflit régional voire mondial autour de la Syrie.

Parallèlement, la semaine dernière, l’Iran, qui demeure le principal soutien politique et militaire (terrestre) du régime syrien, a lui aussi frappé directement en Syrie (à Deir ez Zor) des bases de l’Etat islamique, officiellement en représailles à l’attentat perpétré à Téhéran contre le mausolée de l’imam Khomeiny et le Parlement iranien. Pendant ce temps, les Etats-Unis intensifient leur présence en Syrie, via notamment le déploiement de lance-roquettes multiples HIMARS. Last but not least, en Arabie saoudite, en plein conflit diplomatique avec l’Iran et le Qatar, le roi Salman Ben Abdelaziz Al-Saoud vient de désigner son fils Mohammed Ben Salman comme prince héritier, ce qui a bousculé cinq décennies de tradition politique saoudienne fondée sur un fonctionnement de désignation collégiale de l’héritier du trône. Or celui qui vient de bénéficier de cette révolution patrilinéaire directe n’est pas n’importe qui et est loin d’être le plus sage des héritiers prétendants : le très jeune et fougueux prince Salmane est un va-t-en guerre qui rêve de déclarer la guerre à l’Iran et d’envahir le Qatar…. Il traîne d’ailleurs derrière lui une première guerre (indirectement tournée contre l’Iran) qui a fait pléthore de victimes civiles, celle du Yémen. Mohammed Ben Salman accuse violemment le Qatar et l’Iran de soutenir le terrorisme, mais il n’a eu de cesse de soutenir sans réserve depuis le printemps arabe les djihadistes salafistes totalitaires en Syrie – pourtant liés aux terroristes d’Al-Qaïda. Il fait massacrer depuis des mois par son aviation des milliers de civils chiites yéménites, ce qui n’a fait en retour que renforcer l’aide iranienne aux rebelles chiites-houtistes.
Essayons de tirer les leçons de ces évènements tous liés.
Premièrement, il est clair que les alliés américano-sunnites ne voient pas d’un bon œil la progression des forces du camp opposé syro-iranien et russe face à Da’esh. En ce sens, la bataille de l’après Da’esh a bien commencé, et cela explique en partie l’intensification de l’internationalisation du conflit (frappes américaines contre l’armée syrienne ; frappe iranienne directe en Syrie ; détérioration de la relation russo-américaine et fin de la désescalade entre les deux pays pour éviter un heurt direct, etc).
Deuxièmement, la frappe américaine contre un avion syrien s’inscrit dans le cadre des premières actions musclées de Trump en Afghanistan et en Syrie (suite à l’attaque au chlore de l’armée syrienne à Khan Cheikhoun contre un camp d’Al Qaïda) qui avaient essentiellement une dimension « communicationnelle ».
Troisièmement, rappelons aussi que les frappes américaines ont eu lieu comme par hasard juste au moment où la coalition internationale a été pointée du doigt par les Nations Unies au sujet du nombre alarmant de victimes civiles lors de ses bombardements américains sur Raqqa, sans oublier le scandale de l’utilisation de munitions au phosphore blanc lors des bombardements sur Raqqa par la coalition qui a elle-même affirmé avoir recouru à cette substance notamment à Mossoul. Après avoir critiqué gravement pendant des mois la Russie – accusée de « crimes contre l’Humanité » – lorsque l’armée russe a pris Alep aux jihadistes – les Etats-Unis et les Occidentaux, pris en flagrant-délit de se comporter comme ceux qu’ils ont pointé du doigt (Syriens, Russes et Iraniens), étaient obligés de faire une diversion médiatique en visant le régime « génocidaire » honni de Damas. Mais la coalition ne peut plus faire croire qu’elle ne se rend pas compte que, dans ce genre de guerres, il y a forcément des dommages collatéraux.
Prisonniers de leur avidité économique et fidèles à leur stratégie pro-sunnite, anti-iranienne et anti-russe, les Etats-Unis semblent incapables de désigner l’ennemi principal
Incapable de hiérarchiser l’ennemi et de définir la menace principale, l’Amérique de Trump, qui promettait de clarifier les choses et de rompre avec la russophobie, a finalement choisi comme ennemi non pas le terrorisme djihadiste sunnite, mais aussi la Russie et surtout son allié russe. Ceci est une situation fort trouble, car en stratégie, on ne peut pas avoir deux (ou trois) ennemis en même temps, au risque de ne combattre efficacement aucun d’entre eux : par exemple, en Irak, face au jihadisme sunnite et surtout aux ex-baasistes de Saddam Hussein, les Etats-Unis soi-disant ennemis de l’Iran, ont permis en fait à Téhéran de contrôler la partie chiite de l’Irak. Puis dans leur volonté d’endiguer l’Iran révolutionnaire sur d’autres fronts, Washington est resté pieds et poings liés à la monarchie wahhabite saoudienne qui a pourtant créé l’ennemi salafiste-jihadiste que les Etats-Unis combattent également… Et pour continuer à endiguer « l’ennemi russe » post-soviétique, les Etats-Unis se sont privés d’une alliance russo-occidentale que Poutine avait pourtant proposé un an avant le 11 septembre en Afghanistan, notamment face à l’ennemi commun jihadiste-sunnite…