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Pour se faire rembourser leurs vacances, des Britanniques déclarent de fausses intoxications alimentaires.
Des hôteliers espagnols et turcs refusent désormais les touristes anglais en pension complète. Image: Reuters/Albert Gea
Une épidémie de «tourista» sévirait-elle dans les complexes touristiques espagnols? Le nombre de réclamations pour «problèmes gastriques» impliquant des demandes de remboursement aux hôteliers explose depuis quelques mois. Problème, ce mal mystérieux ne touche que des sujets de Sa Majesté adeptes du «all inclusive». Inutile de chercher du côté d’un quelconque problème de santé publique. Ce phénomène a une tout autre explication. Des touristes britanniques ont trouvé le moyen de partir se faire dorer la pilule gratuitement. La Grèce et la Turquie ne sont pas épargnées par ce que les professionnels considèrent désormais comme un fléau menaçant l’industrie touristique.
En cause, une loi sur la protection du consommateur adoptée en 2013 au Royaume-Uni, qui permet de porter plainte contre un service – jusqu’à trois ans après la prestation – sans être obligé d’apporter la preuve de ce qu’on avance. En l’occurrence, un certificat médical. Cette faille n’a pas échappé aux peu scrupuleux cabinets d’avocats britanniques spécialisés dans la gestion de sinistres, qui en ont fait un véritable business. De retour au pays, les touristes sollicités par ces «usines à plaintes» déposent une réclamation auprès de leur tour-opérateur, lequel se retourne contre les hôteliers, qui pour éviter des litiges juridiques coûteux préfèrent rembourser. Le montant des remboursements s’élève en moyenne à 2500 francs. La commission de la société, elle, peut aller jusqu’à 40%, explique The Telegraph.
Plaintes en hausse de 500%
Pour stopper le mal, la fédération des agences de voyages britanniques (ABTA) – qui appelle Londres à modifier de toute urgence la législation – a lancé mardi une campagne de «prévention». Sur son site, elle rappelle que ce type d’escroquerie est une infraction pénale passible de poursuites. Elle prévient aussi que certains hôteliers, turcs et espagnols, excédés par les pertes occasionnées, refusent désormais la pension complète à la clientèle d’outre-Manche. Autre conséquence, les prix de ces «séjours tout compris» pourraient bien prendre l’ascenseur. Depuis 2013, le nombre de plaintes suspectes a augmenté de 500%. Majorque et la province d’Alicante ayant même enregistré une hausse de 700%, rapporte le journal madrilène El Confidencial. Pourtant, durant la même période, le niveau de maladies déclarées dans les stations balnéaires est resté stable.
En Espagne, première destination touristique des Britanniques, la manœuvre a coûté la bagatelle de 65 millions de francs aux hôteliers en 2016, affirme l’association des professionnels de l’hôtellerie espagnole, citée par The Guardian. Selon elle, neuf plaintes sur dix sont frauduleuses. S’il y avait autant d’intoxications alimentaires dans les hôtels espagnols, «une alerte sanitaire mondiale aurait été déclenchée!» Or, le nombre de cas déclarés aux autorités sanitaires ne cesse de baisser.
Mauvaise réputation
Les hôteliers ibériques ont donc décidé de prendre le taureau par les cornes. «Notre patience est à bout», a fait savoir l’organisation. Dorénavant, les preuves nécessaires pour attaquer les personnes impliquées dans ce type d’escroquerie devant les tribunaux espagnols seront rassemblées. Par ailleurs, un protocole devrait permettre aux hôteliers de ne rembourser que si la réclamation est accompagnée d’une preuve médicale. Certains établissements pourraient aussi demander aux hôtes britanniques de signer, en fin de séjour, un document attestant qu’ils n’ont pas été malades.
Au-delà des problèmes financiers, cette arnaque bien rodée entame gravement la réputation des touristes britanniques à l’étranger, insiste encore l’ABTA, qui incite à dénoncer les fraudeurs et les sociétés qui en ont fait leur modèle d’affaires.