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Le secrétaire d'État américain Rex Tillerson
Le secrétaire d’État américain Rex Tillerson Photo : Reuters/Toru Haini

Le secrétaire d’État américain joue au trapéziste pour dénouer la crise du Golfe. Après avoir conclu un accord avec Doha sur la lutte contre le financement du terrorisme, Rex Tillerson a rencontré mercredi à Djeddah en Arabie saoudite ses homologues du quartet anti-Qatar, poursuivant ainsi une difficile médiation dans cette crise diplomatique inédite dans le Golfe.

Radio-Canada avec Agence France-Presse et Reuters

M. Tillerson a été reçu par le roi Salmane d’Arabie saoudite peu après son arrivée en fin de matinée à Djeddah, sur la mer Rouge. Le chef de la diplomatie américaine a également rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane. L’occasion pour les deux parties de souligner la solidité des liens entre Riyad et Washington.

Le secrétaire d’État américain a ensuite participé à une réunion avec ses homologues saoudien, émirati, bahreïni et égyptien, avant de reprendre la route pour le Koweït. La réunion n’a pas été suivie de déclaration ou de conférence de presse. Tout règlement de la crise devra prendre en compte les principales inquiétudes des quatre pays, a néanmoins souligné un haut responsable des Émirats avant les discussions de Djeddah.

M. Tillerson s’était déjà rendu la veille à Doha et au Koweït, principal médiateur dans la dispute qui oppose l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte au Qatar à propos de son soutien présumé à des groupes extrémistes et de ses liens avec l’Iran.

Doha et Washington avaient annoncé la signature d’un accord sur la « lutte contre le financement du terrorisme », une manière pour le Qatar de battre en brèche les accusations de ses adversaires. Mais cet accord a aussitôt été jugé « insuffisant » par le quartet arabe anti-Qatar.

M. Tillerson espérait pourtant capitaliser sur l’accord de Doha pour progresser dans sa mission. Cet accord repose sur la décision d’« éradiquer le terrorisme de la Terre » prise par le sommet ayant réuni fin mai à Riyad une cinquantaine de dirigeants musulmans autour du président américain Donald Trump, a-t-il dit mardi.

Riyad et ses alliés demandent à nouveau que le Qatar réponde à 13 exigences, parmi lesquelles la fermeture de la chaîne Al-Jazira, celle d’une base militaire turque dans l’émirat ou l’extradition de suspects qu’ils réclament.

Al-Jazira au coeur du désaccord

Le ministre d’État aux Affaires étrangères des Émirats arabes unis, Anwar Gargash, s’est livré à une violente attaque contre cette chaîne, l’accusant d’antisémitisme et de promouvoir la haine et la violence.

Dans une lettre publiée mercredi, il répond ainsi au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein, qui s’était inquiété fin juin des appels à la fermeture d’Al-Jazira, y voyant une atteinte à la liberté de la presse.

Riyad, Abou Dhabi, Manama et Le Caire ont rompu leurs relations diplomatiques le 5 juin avec Doha, à qui ils imposent également des sanctions économiques, dont la fermeture de son unique frontière terrestre, avec l’Arabie saoudite.

Maintenant une position de défi, Doha a rejeté en bloc les demandes de ce pays, estimant qu’elles violaient sa souveraineté.

Le Qatar a commencé à importer 4000 vaches – destinées à produire du lait – par voie aérienne pour atténuer les effets de l’embargo imposé par ses voisins.

Son ministère de la Défense a également annoncé mardi soir sur Twitter l’arrivée d’un cinquième contingent de l’armée turque au Qatar.

L’ombre de l’Iran

Les États-Unis redoutent que la crise du Golfe ait un impact négatif sur leurs opérations militaires et antiterroristes dans la région, et qu’elle accroisse l’influence régionale de l’Iran.

Le Qatar abrite la base aérienne d’Oudeïd, la plus grande installation militaire américaine au Moyen-Orient, d’où partent les avions de la coalition formée pour lutter contre le groupe armé État islamique en Syrie et en Irak.

L’Iran a de nouveau critiqué mercredi les sanctions économiques imposées au Qatar par Riyad et ses alliés. Depuis leur mise en place, Téhéran a aidé Doha en augmentant ses exportations de produits alimentaires vers l’émirat.

« L’utilisation de la menace, des pressions et le blocus contre les voisins, notamment le Qatar, est une méthode erronée et tout le monde doit essayer de réduire ces tensions dans la région », a affirmé le président iranien Hassan Rouhani en recevant le chef de la diplomatie d’Oman, Youssef ben Alaoui ben Abdallah, mercredi.

Certains médias du Golfe portent un regard sévère sur la venue de Rex Tillerson à Djeddah. « Ce qui complique la visite de mercredi, c’est que Tillerson, depuis le début de la crise, semble prendre parti pour les Qataris », peut-on lire dans un commentaire publié par les journaux panarabes Achark Al-Aoussat et Arab News, financés par des capitaux saoudiens.