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L’amorce d’un rééquilibrage franco-allemand? Travaillons à la réinsertion de la zone euro dans le marché mondial plutôt qu’à l’instauration d’une nouvelle couche de bureaucratie européenne

Edouard Husson
Le nouveau président de la République donne une interview à Ouest France, qui paraît aussi en langue allemande dans des journaux régionaux. Un Conseil des ministres franco-allemand se tient, suivi d’une conférence de presse commune de la chancelière allemande et du président français. Des annonces sont faites concernant l’éducation ou la défense. Mais il semble que le plus important soit le débat lancé par Emmanuel Macron pour proposer un nouveau pacte politique et budgétaire. Le contenu en est connu: en échange de l’effort fait par les partenaires de l’Allemagne sur leur budget, Berlin accepterait la création d’un busget de la zone euro, d’un parlement votant ce budget; surtout, ce budget permettrait que les surplus commerciaux allemands soient réinvestis dans l’économie européenne; on prononce même le mot tabou de transferts financiers au sein de la zone euro, comme il existe des transferts financiers entre la Bavière et les Länder plus pauvres d’Allemagne.
Tout se passe comme si l’Allemagne avait mis en place une zone protégée, garantissant environ 40% de ses exportations, longtemps dotée d’un pouvoir d’achat considérable, tant il est vrai que l’euro est sous-évalué pour l’Allemagne et surévalué pour la France et l’Europe du Sud. Ce système a fonctionné moins de dix ans, en gros jusqu’à la crise des subprimes. Puis l’Europe est entrée en paralysie progressive: les banques allemandes ont prêté une partie des surplus commerciaux accumulés pour que le reste de l’Europe puisse continuer à acheter le « Made in Germany » (en fait fabriqué en Europe orientale ou en Chine mais assemblé en Allemagne). En échange de ces transferts bancaires, les pays d’Europe concernés se sont engagés à réduire leurs déficits. Dans le cas de la Grèce, cela a très mal tourné; mais notre voisin balkanique n’est pas seul en cause: la France et l’Europe du sud tout entières sont menacées d’une asphyxie lente de leurs économies.
L’idée qu’il y a quelque chose de répréhensible à l’accumulation des surplus commerciaux remonte au moins à Keynes. Et depuis le grand économiste britannique, certains s’ingénient à imaginer des systèmes top down de réinvestissement des dits surplus. Au lieu de se demander pourquoi l’équilibre du marché ne fonctionne pas.
Effectivement, il semble bien que ce puisse être une question supplémentaire à poser à Madame Merkel: l’Allemagne est-elle prête à avoir une politique de change active, agressive même, permettant d’écouler mieux les produits européens (y compris allemands)? La mise en oeuvre d’une telle politique demanderait peu de changements. Et on aurait un double effet de relance des économies de la zone euro par augmentation des ressources fiscales et de rééquilibrage des échanges au sein de la zone entre l’Allemagne et ses partenaires. Le marché pourrait alors fonctionner à nouveau et sa régulation serait plus sûre que tous les mécanismes administratifs que semble impliquer le plan présenté par le président français.