C’est une nouvelle page glorieuse de l’histoire du Liban qui est en train de s’écrire avec la victoire éclatante de l’offensive contre Daech dans le jurd de Ras Baalbeck et celui du Qaa. Cette bataille, dont le dernier épisode est en train de se compléter, dans un mélange de tristesse entourant le sort des militaires enlevés par Daech et d’espoir d’une reprise par l’armée de l’initiative sur le champ de bataille, fera couler beaucoup d’encre et suscitera de nombreux commentaires. Mais ce que l’on en retiendra, c’est que l’armée libanaise a tenu parole, menant une « opération propre », sans carnage ni otages, et avec un minimum de pertes. L’opération qui a duré pratiquement neuf jours s’est déroulée conformément au plan initialement prévu de pousser les terroristes dans leurs derniers retranchements, ne leur laissant d’autre choix que la mort ou la reddition. Il n’y a donc pas eu de négociations avec Daech, mais des discussions sur les conditions de sa reddition dans le jurd, menées principalement par le Hezbollah en coordination avec la Sûreté générale, concernant le sort des neuf militaires pris en otages le 2 août 2014.
Il est clair qu’au début, l’ennemi ne croyait pas que l’armée mènerait une bataille aussi ferme et déterminante, misant sur les tiraillements politiques et confessionnels internes libanais et croyant détenir une carte maîtresse, celle du sort des neuf soldats que Daech a exploitée tout au long de cette période. De plus, les terroristes avaient pris leur temps pour piéger l’ensemble de la région, pensant ainsi retarder l’avancée de l’armée et lui causer un nombre élevé de pertes humaines, qui l’aurait empêchée de poursuivre l’offensive, ou en tout cas l’aurait poussée à la suspendre. Mais la grande surprise de cette bataille, c’est que l’armée a déjoué le plan des jihadistes, en misant sur ses équipes de génie qui ont réussi à déminer le chemin à suivre, facilitant l’avancée des soldats avec un minimum de pertes. Ce « coup de génie » (au propre comme au figuré) a constitué un facteur déterminant dans la victoire de l’armée. Mais, celle-ci, il faut bien le reconnaître, n’aurait pas été aussi rapide et éclatante, si les terroristes ne subissaient pas une autre offensive tout aussi féroce du côté syrien, menée par l’armée du régime et les combattants du Hezbollah.
La première phase de l’accord conclu principalement par le Hezbollah – qui a pris en charge les négociations avec Daech, surtout que la grande majorité des combattants s’était repliée vers le côté syrien du jurd et que c’est à partir de là qu’ils ont déclaré être prêts à discuter de leur départ – a été exécutée avec la remise des corps de 5 victimes du parti tombées dans le cadre de cette offensive. La seconde phase était plus compliquée et certainement plus dure, parce qu’il fallait se rendre sur les lieux indiqués avec un responsable de Daech qui faisait partie de ceux qui s’étaient rendus au Hezbollah. C’est ce qui a été fait par une délégation de l’armée et de la Sûreté générale. Six corps ont été retrouvés et identifiés comme appartenant aux soldats libanais. Et c’est le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim qui a dû faire la terrible annonce à leurs familles, rassemblées place Riad el-Solh, et aux médias. Auparavant, le président de la République, Michel Aoun, qui suit de très près les détails de cette offensive en avait été informé, ainsi que les différents responsables de l’État. Cette phase ne sera considérée comme terminée que lorsque les deux corps restants seront retrouvés, le dernier des neuf soldats s’étant, selon des sources officielles, rallié à Daech en août 2014, ayant un proche dans l’organisation. Il serait parti depuis longtemps vers Raqqa.
Avec les dernières informations attendues concernant ce dossier, c’est une page triste et frustrante de notre histoire qui se ferme, teintant de sang l’aube naissante du jurd et les uniformes de l’armée victorieuse. Si tout se déroule comme prévu, c’est aujourd’hui que les terroristes de Daech seront évacués vers Deir ez-Zor. Ils partiront sans gloire ni prestige, la tête basse. Mais, déjà, des voix s’élèvent au Liban pour critiquer l’accord conclu par le Hezbollah, réclamant la capture des terroristes et leur jugement devant les tribunaux libanais, sachant que, jusqu’à présent, le procès de Ahmad el-Assir, qui avait tué des soldats à Abra, s’est ouvert en septembre 2015 et n’est pas encore terminé…