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Christian Eckert a été le secrétaire d'État chargé du Budget et des Comptes publics sous François Hollande

Christian Eckert a été le secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics sous François Hollande – Sipa
Pour l’ancien secrétaire d’État chargé du Budget et des Comptes publics sous François Hollande, le premier PLF d’Emmanuel Macron est porteur d’augmentation des inégalités sociales et fiscales. Désormais libre de tout mandat national, Christian Eckert appelle le Parti socialiste à se lancer dans le combat.

Le gouvernement présente ce mercredi le premier projet de loi de Finances (PLF) du quinquennat d’Emmanuel Macron. Que retenez-vous des mesures fiscales?

Christian Eckert : C’est clairement un budget de droite, qui creuse manifestement les inégalités sociales et fiscales. Certes, il y a des baisses d’impôts pour les classes moyennes. Mais prenons celle qui figure en tête de gondole de la présentation : la transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile par les contribuables retraités. C’est le fait du précédent gouvernement, celui auquel j’appartenais, pas de celui d’Edouard Philippe ! Mais l’essentiel est ailleurs. Les deux mesures phares sont la transformation de l’impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière. Chaque Français comprendra l’inanité de ce changement.

Le dispositif de « flat tax », le prélèvement forfaitaire unique (PFU), est encore plus choquant. Alors que nous avions aligné les prélèvements sur le capital et sur le travail, en plaçant l’ensemble de ces revenus au barème de l’impôt sur le revenu soumis à la progressivité, le gouvernement fait exactement le contraire. C’est incompréhensible. Avec le PFU, les revenus mobiliers seront frappés d’un impôt de seulement 12,8%. Pour bien prendre la mesure d’un tel niveau, il faut dire que c’est tout simplement inférieur au taux frappant la première tranche de l’impôt sur le revenu, soit 14% ! Pire encore, les milliards de baisses d’impôts se concentreront sur un nombre réduit de bénéficiaires. Mon expérience me permet d’estimer ce nombre entre 300 et 400, avec des économies se comptant pour certains d’entre eux par dizaines de millions d’euros.

A l’instar de ce que vous aviez fait, le gouvernement prévoit une hausse des taxes sur les carburants, afin de faire converger le prix de l’essence et du gasoil. Est-ce une bonne pratique ?

Pardon, mais nous n’avions pas du tout fait pareil. Il y a plusieurs façons de converger. Nous avions nous opté pour une baisse des taxes sur l’essence et une hausse de celles sur le gasoil, avec un objectif d’équilibrer les deux. Finalement, nous avions récolté 200 millions d’euros de plus, que nous avions redistribués au travers d’une baisse de la taxe d’habitation pour les retraités modestes. Le budget 2018 inscrit lui, au contraire, plusieurs milliards d’euros en plus au titre des taxes sur les carburants. En augmentant les prélèvements à la fois sur l’essence et sur le gasoil, il s’agit plus de rechercher des ressources budgétaires que d’assurer la convergence.

Le gouvernement assure qu’il réalise 16 milliards d’économies, comment appréciez-vous cet effort ?

Sur le plan budgétaire, je n’y comprends rien. Ce ne sont pas les mesures de rabot sur les APL ou la réduction drastique des emplois aidés qui permettent d’atteindre un tel objectif. En outre, alors que le déficit de l’Etat s’accroît, le gouvernement affiche une réduction du déficit public dans son ensemble. Où cela se passe-t-il ? Dans les organismes de sécurité sociale, dans les collectivités locales ? On n’en sait rien.

Comment expliquez-vous l’atonie des députés socialistes ?

Il y a des raisons objectives. Ils sont peu nombreux et chacun est concentré sur sa spécialité. Le fait est que peu d’entre eux disposent d’une bonne connaissance du budget. Or, s’il est nécessaire que le parti se reconstruise, qu’il refonde un programme, il ne peut pas faire l’économie de l’analyse critique de ce qu’il se passe. On ne peut pas laisser à Jean-Luc Mélenchon ou à Marine Le Pen, voire à la droite qui semble reprendre de la vigueur, le monopole de la critique. Le PS est dans l’opposition, qu’il s’oppose ! Sur le budget, les sujets sur les inégalités ne manquent pas…

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