Accord nucléaire iranien : ne gâchons pas le pari de l’ouverture

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Delphine O / députée de Paris (LREM), membre de la commission des Affaires étrangères et présidente du groupe d’amitié France-Iran
Matthieu Etourneau / directeur général du Centre français des affaires de Téhéran
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LE CERCLE/POINT DE VUE – Une remise en cause de l’accord sur le nucléaire iranien par Donald Trump risquerait de rompre les liens fragiles que sont parvenus à tisser l’Occident et Téhéran.

L’Iran que nous connaissons et pratiquons, grâce à nos interactions avec la société civile, les acteurs économiques et le monde universitaire et culturel, est loin des clichés qui prospèrent depuis des années et ignorent les évolutions sociologiques majeures qu’a connues le pays.

C’est un pays de plus de 80 millions d’habitants, dont 60 % ont moins de 30 ans. De nouvelles start-up voient le jour chaque semaine. La société civile s’empare progressivement des enjeux environnementaux. Les femmes vont à l’université en plus grand nombre que les hommes. Les jeunes sont plus souvent titulaires de deux diplômes de master que d’un seul. Le théâtre et les galeries se situent à l’avant-garde de l’art contemporain moyen-oriental.

Perspectives de long terme

Bien sûr, un portrait idyllique serait aussi trompeur qu’une accumulation de caricatures. Nombre de contraintes politiques, légales, sociales et religieuses continuent de peser sur la vie des Iraniens. Mais il faut s’accorder sur ce qui est prioritaire : soutenir et accompagner l’ouverture et la modernisation du pays enclenchée avec l’arrivée au pouvoir de Hassan Rouhani et poursuivie avec l’accord nucléaire conclu en 2015 à Vienne.

Notre relation avec l’Iran doit être replacée dans une perspective globale et de long terme, au-delà des seules questions sécuritaires ou nucléaires. Les pistes sont nombreuses : augmenter le nombre d’étudiants iraniens accueillis en France, former une nouvelle génération d’experts français sur l’Iran, multiplier les partenariats industriels, développer la coopération culturelle et muséale à l’image de ce que commence à faire le Louvre.

 Un accord essentiel

Ces propositions risquent toutefois de buter sur les orientations du président Trump et de son entourage, qui menacent d’imposer de nouvelles sanctions contre Téhéran, d’isoler davantage le régime et, in fine, de rompre les liens fragiles que l’accord de Vienne a forgés entre l’Occident et l’Iran. Nous sommes pourtant convaincus que cet accord est essentiel non seulement du fait de sa dimension de non-prolifération, mais également parce qu’il devrait concourir, si l’ensemble des parties joue le jeu, à arrimer durablement l’Iran dans le jeu international.

Une telle réintégration du pays renforcerait l’aile réformatrice du régime et pourrait contribuer à responsabiliser la République islamique sur les grands dossiers régionaux. L’en exclure, alors même que les principaux observateurs (dont l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en tête), s’accordent sur le fait que l’Iran respecte les engagements qui lui incombent dans le cadre de l’accord, contribuerait au contraire à renforcer ceux, au sein du régime, que l’administration Trump entend combattre.

La paix et la stabilité du Moyen-Orient en jeu

Si les Etats-Unis devaient faire le choix d’un retrait de l’accord, une réponse européenne conjointe et coordonnée serait alors indispensable pour conserver le cadre juridique et politique de l’accord, maintenir le contact avec le gouvernement réformateur à Téhéran et permettre aux entreprises européennes de poursuivre leur prospection sur le marché iranien, sans crainte d’éventuelles sanctions américaines.

Un retrait américain détruirait un des succès les plus éclatants de la diplomatie française et européenne

Encore une fois, ce qui se joue sur le dossier iranien dépasse le seul cadre de l’accord nucléaire. En plus de menacer la paix et la stabilité au Moyen-Orient, un retrait américain détruirait un des succès les plus éclatants de la diplomatie française et européenne et ouvrirait une période d’incertitude qui serait préjudiciable à tous les acteurs. Ne pas gâcher cette victoire diplomatique est essentiel. Elle doit nous permettre d’aller vers d’autres succès, qui renforceront la diplomatie européenne et nous offriront les moyens de construire un rapport de force politique crédible face aux Etats-Unis, notamment en ce qui concerne la portée extraterritoriale de certaines lois américaines.

Bien plus qu’une fin en soi, cet accord doit constituer un point de départ vers un partenariat plus ambitieux, exigeant mais pragmatique, entre l’Iran et la France, que nous appelons de nos voeux.

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