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Sophie Leroy
© AFP
La chancelière Angela Merkel est confrontée à sa plus grave crise politique en 12 ans de pouvoir après l’échec des négociations pour former un gouvernement. Deux issues: un gouvernement minoritaire ou de nouvelles élections. La première puissance économique européenne se prépare à plusieurs semaines ou mois de paralysie politique, sur le plan national comme en Europe.
Alors qu’est-ce qui bloque exactement?
– Immigration
Le principal point de blocage est donc l’immigration. Après la percée historique de l’AfD aux dernières élections, parti populiste d’extrême droite, les libéraux du FDP et la CSU (Union chrétienne-sociale), l’alliée bavaroise de la CDU, le parti d’Angela Merkel, insistent notamment pour que le nombre de réfugiés accueillis en Allemagne ne dépasse pas 200.000 par an, craignant dans le cas contraire d’être devancée par l’AfD lors des élections régionales de l’an prochain en Bavière.
Les Verts, qui ne veulent pas entendre parler d’un tel plafond, ont souligné dans un document diffusé samedi soir que le nombre d’immigrés n’avait dépassé le seuil de 200.000 qu’à cinq reprises ces 25 dernières années.
– « Impôt de solidarité »
Dimanche en fin de soirée, un dirigeant de la CSU a fait état d’un accord sur la suppression d’ici à 2021 de « l’impôt de solidarité » de 5,5% introduit en 1991 pour financer la réunification allemande. Mais ce responsable, Hans Michelbach, est revenu sur ses propos peu après, indiquant qu’aucun accord n’a encore été conclu à ce sujet.
Angela Merkel, originaire d’ex-Allemagne de l’Est, est favorable à la prolongation de cette contribution de solidarité, qui expire en 2019, mais les libéraux du FDP ont fait de sa suppression une promesse de campagne.
– Environnement
Dans l’après-midi, les Verts avaient salué une proposition de la CDU d’accélérer le développement de l’énergie éolienne et de réduire de sept gigawatts la capacité de production d’électricité grâce au charbon. « (Les parties en négociations) ne peuvent continuer avec des exigences maximales« , a déclaré le coprésident des Grünen, Cem Özdemir. « Elles doivent être prêtes (…) à avancer et nous l’avons fait dans tous les domaines, jusqu’au seuil de la douleur. »
Des divergences persistent aussi en ce qui concerne le regroupement familial et le projet de budget commun proposé par la France.
« C’est un jour de grande réflexion sur la manière d’avancer en Allemagne. En tant que chancelière, je ferai tout pour garantir que ce pays soit correctement dirigé au cours des difficiles semaines qui s’annoncent. » (Angela Merkel)
Cette échec marque un tournant dans la carrière politique d’Angela Merkel qui a su 12 années durant incarner la stabilité et la fermeté de l’Allemagne. Depuis le 24 septembre, date du scrutin législatif, la chancelière est apparue fragilisée, de nombreux électeurs ayant exprimé leur mécontentement vis-à-vis de sa politique d’accueil des migrants en choisissant de voter pour le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).
Et maintenant
Angela Merkel va rencontrer le président Frank-Walter Steinmeier ce lundi à midi. C’est au président allemand, qui doit s’exprimer à 14h30, qu’il reviendra de décider s’il faut convoquer de nouvelles élections. Cet échec des tractations pourrait plonger l’Allemagne dans sa pire crise politique depuis des décennies, les sociaux-démocrates du SPD, partenaires minoritaires de la coalition sortante, ayant d’ores et déjà exclu de renouveler l’expérience.
Un gouvernement minoritaire?
Il ne reste à Angela Merkel et à son Union chrétienne-démocrate (CDU) que l’option d’un gouvernement minoritaire inédit depuis l’après-guerre ou l’organisation de nouvelles élections législatives qui pourraient profiter au parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD).
« Aujourd’hui, il n’y a pas eu de progrès, plutôt des régressions parce que les compromis envisagés ont été remis en question », déclarait plus tôt le chef de file du FDP, Christian Lindner. « Mieux vaux ne pas gouverner que mal gouverner. Au revoir », a-t-il ajouté.
Conséquences dans toute l’Europe
Un échec de l’Allemagne à former un gouvernement stable aurait des répercussions au-delà de ses frontières, qu’il s’agisse de la stabilité de la zone euro ou du projet de relance du projet européen voulu par le président français, Emmanuel Macron. Il interviendrait en outre alors que l’Union européenne doit surmonter les conséquences du Brexit.
Impact sur les changes
L’échec des négociations a eu un impact immédiat sur les cours de l’euro. Vers 8h, celui-ci valait 1,1746 dollar, contre 1,1787 dollar vendredi vers 23h. Mercredi, la devise européenne avait atteint 1,1861 dollar, son niveau le plus élevé en quatre semaines et demie.