
Le premier ministre de la Turquie, Binali Yildirim, lors d’une conférence de presse au mois de juin 2017 Photo : Reuters/Costas Baltas
Le « processus Astana », lancé par la Russie et mené aux côtés de la Turquie et de l’Iran pour relancer le processus de paix en Syrie, « n’est pas en concurrence avec le processus mené à Genève », a déclaré le premier ministre turc, Binali Yildirim, lundi.
Les discussions de paix sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU) doivent reprendre mardi, à Genève, avec l’opposition syrienne.
De son côté, la Russie a mis en place son propre processus diplomatique pour tenter de parvenir à un règlement politique du conflit, avec l’Iran et la Turquie, tout en appuyant les discussions de Genève.
Au cours des derniers mois, le président russe, Vladimir Poutine, a organisé sept rencontres à Astana, la capitale du Kazakhstan, avec l’Iran et la Turquie.
Des initiatives diplomatiques et militaires de ce trio ont notamment mené à quatre zones de « désescalade » en Syrie.
« Congrès pour le dialogue national syrien »
Moscou veut organiser un « congrès pour le dialogue national syrien », regroupant le gouvernement et certaines composantes de l’opposition, afin de rédiger une nouvelle constitution et de préparer des élections.
La plupart des mouvements d’opposition ont rejeté cette idée, soulignant que toutes les discussions devaient être organisées sous l’égide de l’ONU.
Mais Damas a approuvé la proposition russe, tout comme la Turquie, qui a de l’influence sur certains groupes rebelles dans le nord-ouest de la Syrie.
Départ de Bachar Al-Assad réclamé : le point chaud
Cette réussite du « processus Astana » contraste avec les démarches menées par les Nations unies à Genève.
La venue des représentants du pouvoir central syrien n’a toujours pas été confirmée, à la veille des nouvelles discussions.
Le médiateur de l’ONU pour la Syrie a été informé que l’avion de la délégation gouvernementale ne décollerait pas lundi et souhaite qu’il le fasse « sous peu ».
Selon le journal syrien Al-Watan, la délégation gouvernementale a reporté son départ pour la Suisse pour protester contre l’opposition qui exige le départ de Bachar Al-Assad.
« Nous soulignons qu’une transition politique permettant en premier lieu d’exclure Al-Assad est notre objectif », a réaffirmé le chef de la délégation de l’opposition syrienne, Nasr Hariri, à son arrivée à Genève.
Les autorités syriennes espéraient que leurs récents succès militaires pousseraient les opposants à renoncer à cette exigence formulée depuis le début du conflit, il y a bientôt sept ans, et à accepter le principe d’une transition pilotée par le chef de l’État jusqu’à la tenue de nouvelles élections.
Depuis l’entrée en jeu de la Russie, fin 2015, aux côtés des forces gouvernementales, les rebelles ont été chassés de toutes les grandes villes de Syrie et leur espoir de renverser Bachar Al-Assad semble aujourd’hui bien compromis.
De son côté, le dirigeant turc persiste à dire que les discussions à Astana entre son pays, la Russie et l’Iran « ne sont pas une alternative à ce qui se passe à Genève ».
Ce que nous essayons de faire, c’est préparer une infrastructure pour une solution apportée par les discussions à Genève.
M. Yildirim a déclaré que la Turquie restait déterminée à obtenir, à terme, le départ de Bachar Al-Assad de Syrie.
« Tout ce qui se passe dans le pays aujourd’hui arrive à cause du régime, à cause de M. Assad », a-t-il expliqué.
À long terme, M. Assad ne peut pas se maintenir en Syrie, il faut accepter cette réalité.
Peu de progrès attendus à Genève
Selon un envoyé spécial adjoint de l’ONU sur la Syrie, les discussions de Genève porteront principalement sur les élections et la Constitution.
Mais une avancée dans les discussions de paix paraît aussi peu probable que lors des sept précédentes rencontres.
Dimanche, le porte-parole de l’opposition syrienne, Yahya Al-Aridi, a affirmé qu’on ne pouvait laisser « le régime d’Al-Assad gagner du temps alors que des gens sont assiégés et bombardés ».
Des tirs d’artillerie de l’armée syrienne appuyée par l’aviation russe ont fait 23 morts et plusieurs blessés dimanche dans l’enclave rebelle assiégée de la Ghouta, à l’est de Damas, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
La semaine dernière, un proche conseiller du président Al-Assad estimait que les discussions de Genève ne pourraient aboutir que si les rebelles acceptaient de déposer les armes.
« On ne peut guère espérer beaucoup de ces négociations », souligne Nikolaos Van Dam, ancien diplomate néerlandais et auteur de deux ouvrages sur la Syrie.
Le régime ne veut pas vraiment négocier. Il veut reconquérir tout le territoire syrien au préalable. Mais alors, l’opposition n’aura pas de monnaie d’échange.
« La Russie veut la fin de la guerre, mais elle veut aussi qu’on ne touche pas à son allié [le gouvernement syrien]. Dans ces conditions, quel pourrait être un compromis acceptable pour l’opposition et les autres pays? Vraiment, je ne vois pas », conclut Nikolaos Van Dam.