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Aung San Suu Kyi, épuration ethnique, Les Rohingyas, Myanmar, Pape François
Catherine Marciano – Agence France-Presse

Le pape François a appelé mardi au Myanmar au « respect de tout groupe ethnique », mais a évité de prononcer le mot tabou « Rohingya » et n’a fait aucune référence directe à l’exode de cette minorité musulmane victime de persécutions.
Contrairement à son habitude, le souverain pontife, très attendu sur le sujet, a évité de parler directement des violences qui secouent l’ouest du Myanmar.Depuis fin août, plus de 620 000 musulmans rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh, fuyant viols, meurtres et tortures perpétrés par des soldats birmans et des milices bouddhistes, accusent-ils.
Les Nations unies estiment qu’il s’agit d’un « cas classique d’épuration ethnique ».Dans un discours prononcé devant les autorités civiles du pays dans la capitale de Naypyidaw au deuxième jour de la première visite d’un pape au Myanmar, il a appelé à un « engagement pour la justice » et à un « respect des droits de la personne ».
Ce discours suivait ses retrouvailles avec la dirigeante Aung San Suu Kyi, temps fort de ce voyage dans un pays sous pression internationale.« Notre gouvernement a pour objectif de faire ressortir la beauté de notre diversité et à la renforcer, en protégeant les droits, en encourageant la tolérance et en garantissant la sécurité pour tous », a déclaré pour sa part Aung San Suu Kyi.
L’Église myanmaraise défend la Prix Nobel de la paix contre les multiples critiques sur son manque d’empathie affiché pour cette minorité qui vit principalement dans l’ouest du pays. À l’inverse, lundi, la ville anglaise d’Oxford, où Aung San Suu Kyi a vécu, lui a retiré le prix de la liberté qu’elle lui avait décerné, en raison de son « inaction » dans ce dossier.Mais l’Église catholique locale avait enjoint au pape de ne pas contrarier une population majoritairement bouddhiste en employant le mot « rohingya » comme il peut le faire depuis Rome, dans un pays vent debout contre les critiques de la communauté internationale.
Craignant une réaction des bouddhistes extrémistes, l’archevêque de Rangoon, Charles Bo, premier cardinal du pays, avait ainsi recommandé au pape d’éviter le mot et de parler plutôt des « musulmans de l’État Rakhine ».Cette terminologie officielle, neutre, est celle que souhaiterait imposer Aung San Suu Kyi pour éviter la guerre sémantique entre l’appellation « Bangladais » (utilisée par la majorité bouddhiste au Myanmar) et « Rohingyas » (employée par ces musulmans pour se désigner).
Déception Pour les réfugiés rohingyas dans les camps insalubres du Bangladesh, c’est toutefois une déception.
« Nous pensions vraiment qu’il évoquerait la crise pendant sa visite. Nous sommes très déçus », raconte Mohammad Zubair, installé dans le camp de Kutupalong, qui avait été ému de voir que le pape avait organisé « des prières pour les Rohingyas ».Depuis la loi de 1982, ces derniers sont privés de la nationalité myanmaraise et constituent la plus grande population apatride au monde.
Ils sont victimes de multiples discriminations — travail forcé, extorsion, restrictions à la liberté de mouvement, règles de mariage injustes et confiscation des terres.Cela n’a pas empêché le puissant chef de l’armée Min Aung Hlaing d’assurer au pape lors d’une « rencontre de courtoisie » lundi que son pays n’exerçait « aucune discrimination religieuse » et que l’armée agissait « pour la paix et la stabilité du pays ».
Après quatre jours au Myanmar, le souverain pontife se rendra jeudi au Bangladesh, pays qui accueille dans des camps de fortune plus de 900 000 réfugiés rohingyas