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Faut pas pousser les députés dans les orties. Comme la grande loi sur la Confiance dans la vie politique, votée en août, l’y obligeait, le bureau de l’Assemblée nationale a acté ce mercredi 29 novembre une réforme des frais de mandat des députés. Mais à leur sauce… Pas question d’accepter l’idée qui tournait dans l’air, à savoir de se soumettre à un système de remboursement de notes de frais sur facture. Non, nos élus se sont concocté un système au poil, avec une pincée de contrôle en plus qui leur laisse tout de même de belles coudées franches.
Ainsi, les députés qui ont l’habitude de la fameuse et controversée Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) ne devraient pas être dépaysés à partir du 1er janvier 2018 : leur enveloppe atteindra toujours les 3.373 euros net mensuels. Qu’est-ce qui change ? Si une déclaration sur l’honneur suffit aujourd’hui pour justifier l’utilisation de cette somme, des contrôles seront mis en place à partir de l’année prochaine. Mais attention, pas systématiquement : « 120 députés par an » seront contrôlés, indique la députée LREM et membre du Bureau Marie Guévenoux.
Cette mission sera assurée par la déontologue de l’Assemblée nationale, qui devra donc éplucher les factures de 10 députés tous les mois en plus de toutes ses autres attributions. Une vraie gageure. Le but affiché de ce nombre annuel, c’est que « quasiment l’ensemble des députés puissent être contrôlés sur la législature« . Quand bien même cet objectif serait atteint, on peut donc anticiper un effet pervers : les députés déjà contrôlés pendant la législature pourront ensuite utiliser leur enveloppe tranquillement, sans crainte d’être rattrapés par la patrouille.
En juillet dernier, le député LREM Sylvain Maillard avait justifié par avance, auprès de Marianne, que le contrôle n’aille pas plus loin : « Les notes de frais, ce serait une véritable usine à gaz, inapplicable avec les moyens de l’Assemblée. Et je préfère recruter 150 infirmières ou policiers, plutôt que 150 fonctionnaires chargés de contrôler les députés ! »
Une poire de 600 euros à discrétion
Accommodement particulièrement étonnant par rapport à la volonté proclamée de transparence des parlementaires, les députés ont choisi de continuer à autoriser certaines dépenses sans justificatifs, pour un montant autorisé de 600 euros par mois. Une « souplesse », rapporte l’AFP, « par exemple lorsqu’ils font des dépenses en liquide lors d’une fête de village dans leur circonscription ». Une poire pour les soifs électoralistes, en somme.
Pour le reste des frais soumis au contrôle aléatoire, le bureau de l’Assemblée nationale a établi une liste des dépenses autorisées et interdites. Dans une précision presque inquiétante, le Bureau précise que dans la première catégorie figurent « les frais liés à l’exercice du mandat ». A titre d’exemple, cela peut concerner les « permanences », la « communication » ou le « transport » du député.
Parmi les dépenses interdites figurent « tout financement, direct ou indirect, d’un parti politique ; l’achat d’un bien immobilier ou la location d’un bien immobilier dont le député, son conjoint, ses ascendants ou descendants sont propriétaires ; toute dépense déduite du revenu imposable, par ailleurs déclarée au titre de l’impôt sur le revenu », indique la présidence de l’Assemblée dans un communiqué. Les « frais de garde » ont aussi été exclus mais les députés-parents pourront toujours piocher dans leur cagnotte spéciale de 600 euros pour payer la baby-sitter…
A force de biais et d’exceptions, il ne reste plus grand chose dans cette réforme de la révolution des pratiques promise par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle. Le 1er juin, le Garde des sceaux François Bayrou s’était pourtant avancé sur un système de remboursement des frais selon les dépenses réellement engagées : « Nous allons proposer que le remboursement des frais de mandat des parlementaires se fasse au réel. C’est-à-dire en présentant des factures ou sur présentation d’un justificatif de frais ». C’est-à-dire le système qui s’impose à tous les salariés au travail. Mais nos élus ont préféré tout changer pour que presque rien ne change…
Du côté du Sénat, on n’est pas pressé pas de modifier les règles de remboursement des frais. En catimini, les élus du Palais du Luxembourg ont d’ailleurs obtenu que la loi de confiance dans la vie politique autorise les parlementaires… à garder le régime de l’IRFM. Jusqu’à présent, les sénateurs touchent 6.109,89 € net mensuels pour régler leurs dépenses de mandat, sans avoir à se justifier. Force est de constater que ni la Présidence, ni le Bureau cette assemblée n’ont décidé d’évoluer sur cette question. Jusqu’à nouvel ordre, les sénateurs vont donc continuer à bénéficier de ce pécule, chaque mois.
Ces dépenses seront simplement contrôlées, selon des modalités qui restent à préciser, par un comité de déontologie présidé par… un sénateur LR, François Pillet et composé entièrement de membres de la Chambre. Tout un programme.