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Alabama, Donald Trump, le parti républicain, Les Etats-Unis, Roy Moore
Roy Moore a échoué dans la course au Sénat malgré le soutien du président Trump. © JIM WATSON/AFP PHOTO
Le Parti républicain, en proie à de féroces divisions, perd un précieux siège au Sénat. Mais l’élection d’un candidat accusé d’agressions sexuelles aurait été une victoire embarrassante
Roy Moore est venu voter à cheval, la tête haute. Il est reparti terrassé et déconfit. Après une campagne virulente, où il partait favori malgré les lourds soupçons qui pesaient sur lui, le candidat républicain ultra-conservateur de l’Alabama voit son rêve d’accéder au Sénat lui échapper. C’est son adversaire démocrate, Doug Jones, qui lui a finalement ravi le siège tant convoité, celui laissé vacant par Jeff Sessions, devenu ministre de la Justice, avec 49,9% des voix contre 48,4% pour Roy Moore.
Cette claque électorale représente une défaite politique majeure pour Donald Trump. Le président des Etats-Unis a soutenu Roy Moore alors même que ce dernier est accusé d’agressions sexuelles par neuf femmes, dont une âgée de 14 ans au moment des faits. Pour Trump, une seule chose comptait: tout sauf un démocrate! Tout, même un candidat déjà décrié pour son fondamentalisme religieux, ses positions racistes et homophobes, qui désormais peut ajouter «soupçonné d’abus sexuels sur mineures» à son triste tableau de chasse.
Mauvais pari
Donald Trump a placé le calcul politique au-dessus des valeurs morales. Il ne peut aujourd’hui que se mordre les doigts d’avoir fait ce choix et misé sur le mauvais cheval: l’Alabama, bastion conservateur qui a voté à 62% pour Trump, a préféré, dans ce contexte électrique, élire un sénateur démocrate, ce que l’Etat n’avait jamais fait depuis 1992.
Pour les républicains, qui se sont entre-déchirés sur ce scrutin, cet échec signifie qu’ils n’ont plus que 51 sièges sur 100 au Sénat. Une majorité plus que fragile, qui ne mérite pour ainsi dire plus son nom. Ils ont de quoi trembler pour les élections de mi-mandat, en novembre 2018. Chaque voix compte. A cause d’une poignée de républicains réfractaires, Donald Trump n’est par exemple pas parvenu à abroger l’Obamacare et à proposer une nouvelle réforme de la santé, alors qu’il s’agissait d’une de ses principales promesses de campagne.
Avec la réforme fiscale, il peut enfin se targuer d’une première réussite au Congrès, même si le projet doit encore être harmonisé entre le Sénat et la Chambre des représentants. Mais la victoire est toute relative: le Sénat a adopté la réforme à 51 voix contre 49, un républicain s’étant rangé du côté des démocrates.
Paradoxe
Les républicains pleurent la perte d’un siège stratégique, mais, et c’est tout le paradoxe de l’affaire, ils n’auraient pas pour autant débouché le champagne si Roy Moore avait été élu, à part des gens comme Stephen Bannon, ex-conseiller stratégique de Donald Trump et chantre de la suprématie blanche, qui a mouillé sa chemise pour le défendre. Une victoire aurait été embarrassante. Elle aurait donné du grain à moudre aux démocrates. C’est en partie ce qui a poussé le chef de file des républicains au Sénat, Mitch McConnell, à demander à Roy Moore de se retirer de la course. En vain.
Mardi soir, Donald Trump a d’abord fait profil bas sur Twitter: «Félicitations à Doug Jones pour cette victoire âprement disputée […], mais une victoire est une victoire», a-t-il twitté. En ajoutant: «Les habitants de l’Alabama sont formidables, et les républicains auront une nouvelle chance de gagner ce siège très bientôt.» Cette retenue peut s’expliquer par le fait qu’il est lui-même dans de mauvais draps. Trois femmes qui l’avaient déjà accusé de gestes déplacés pendant la campagne sont remontées au front lundi, encouragées par l’«effet Weinstein».
Congratulations to Doug Jones on a hard fought victory. The write-in votes played a very big factor, but a win is a win. The people of Alabama are great, and the Republicans will have another shot at this seat in a very short period of time. It never ends!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) December 13, 2017
Une défaite au goût amer
Mais ce message doit aussi être interprété comme une manière de rappeler qu’il avait soutenu un autre républicain aux primaires. D’ailleurs, dans un nouveau tweet, écrit près de sept heures plus tard, il le dit clairement: «J’ai soutenu Luther Strange parce que je savais que Roy Moore ne pouvait pas gagner l’élection. J’avais raison.» Une stratégie pour se distancier de la cuisante défaite, mais qui ne fait qu’en confirmer le goût amer.
The reason I originally endorsed Luther Strange (and his numbers went up mightily), is that I said Roy Moore will not be able to win the General Election. I was right! Roy worked hard but the deck was stacked against him!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) December 13, 2017
La mobilisation de l’électorat noir, encouragée par Barack Obama ces derniers jours, pourrait avoir fait la différence. Le juge Moore, lui, n’a pas la défaite facile. Il n’exclut pas, en raison du résultat serré, d’exiger un recomptage des voix.