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Roland HUREAUX

Les 193 pays composant l’Assemblée générale des Nations unies ont voté, ce jeudi, une résolution condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d’Israël.

L’ONU condamne les Etats-Unis sur Jérusalem et les hypocrisies flambent

Les 193 pays composant l’Assemblée générale des Nations unies ont voté, ce jeudi, une résolution condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d’Israël. Un vote commenté par Nikki Haley qui a déclaré : « Les États-Unis se souviendront de cette journée qui les a vus cloués au pilori devant l’Assemblée générale pour le seul fait d’exercer notre droit de pays souverain ». En quoi ce vote peut il marquer la fin des hypocrisies ​internationales sur le sujet, aussi bien de la part des opposants, que de la part des Etats Unis ? 

Roland HUREAUX : Non seulement 128 pays ont voté la résolution mais 35 se sont abstenus.

 Seuls 9 ont voté contre : en dehors des Etats-Unis et d’Israël, il s’agit de micro-Etats négligeables (Palau, Iles Marshall etc.). Le résultat  est donc un cuisant revers pour ces deux  pays qui se retrouvent très  isolés. L’important est que  parmi les 128 figurent presque tous le pays européens, sauf la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie , la Roumanie, la Bosnie et la Croatie   qui qui se sont abstenues.

Que le  monde arabe ait voté cette résolution,  de même que  la Russie, la Chine, l’Inde et toue l ‘Asie ou n’a rien d’étonnant. Le nouveau, c’est l’Europe. Dès lors que les principaux pays d’Europe votaient  la résolution ,  le reste   du monde s’est senti    décomplexé.

 Fin des hypocrisies ?  Je n’en  suis pas sûr. Les  Etats-Unis n’ont fait que  reconnaitre une situation déjà ancienne : il y a longtemps que les institutions gouvernementales   israéliennes se trouvent à Jérusalem  Ouest . Le fait que les Etats-Unis prennent unilatéralement acte de cette  situation a  suscité un tollé dans le monde, en particulier en Europe,  alors que les questions de fond ne sont pas modifiées : le processus de paix est au point mort, l’ installation  de colonies en Cisjordanie continue,   Gaza est régulièrement  bombardée. En se fixant sur    cet enjeu symbolique, de nombreux pays,  à  vrai dire assez indifférents à la question,    se dispensent d’agir pour que la situation bouge vraiment. Et elle ne bougera pas.

Je ne pense  pas en outre que le fait que ls Juifs israéliens   considèrent Jérusalem comme leur capitale soit dans la situation actuelle le plus choquant. En principe au moins, cela n’exclut pas que cette ville soit aussi un jour la capitale   d’un Etat   palestinien – comme Rome  est à la  fois la capitale de l’Italie et le siège du Vatican.

De son coté Benyamin Nétanyahou a déclaré ​: « En Israël nous rejetons cette décision de l’ONU et réagissons avec satisfaction face au nombre important de pays qui n’ont pas voté en faveur de cette décision ». Le total de 128 votes « en faveur » de la résolution, alors que le seuil de 130 avait été fixé comme une hypothèse basse, ne marque t il pas justement un succès pour les Etats Unis ? ​

Il est normal que le premier ministre    israélien fasse contre mauvaise fortune bon coeur. Mais le résultat n’est tout de même pas glorieux, puisque très peu de  pays se sont trouvés de son côté. Le seuil de 130 a été fixé  par qui ? C’est un chiffre tout à fait arbitraire, sans doute une opération de communication pour minimiser le revers. Le vote n’est pas seulement un concours de préférences. Il est  aussi  une mesure de la   capacité d’intimidation des  parties en présence. Les 35 pays  qui se sont abstenus n’ont-ils pas osé voter la résolution  ou n’ont-ils pas osé voter contre la résolution ?

 Selon la réponse que vous donnez à  cette question  – et elle varie à mon sens selon les Etats -, le résultat  du vote aura une signification différente.

Quelles sont les conséquences réelles à attendre de ce vote ?

Aucune, je le crains.

 Il y a quarante  ans, au temps de la guerre  froide, les Etats-Unis pouvaient bloquer n’importe quelle résolution  du Conseil de sécurité et ils le peuvent toujours. Mais il y avait  une majorité quasi-automatique  contre eux  à l’Assemblée générale résultant de l’alliance des pays communistes et des pays dits « non-alignés » . Depuis la fin du communisme, les  Etats-Unis ont paru   contrôler mieux ce qui se passait  à l’Assemblée  générale.  Ce vote montre que ce n’est plus le cas. On peut le tenir pour une marque  de la    faiblesse de Trump  qui n’arrive pas aussi bien que ses prédécesseurs à imposer le point de vue de Washington.  .Mais je crains qu’il ne s’en moque. La reconnaissance de Jérusalem capitale est à la fois la  réalisation d’une promesse  électorale et une opération de politique  intérieure. Sur ce plan, il accroit  ses chances de réélection  à la mesure de la désapprobation    qu’il rencontre  dans le monde. D’autant qu’il  a pour une fois  l’appui du Congrès.

Le changement le plus significatif pourrait  être celui de l’Europe :  d’abord l’unité sans faille des grands pays,  Royaume-Uni compris , à  l’exception de la Pologne, aujourd’hui très dépendante  de Washington. L’Europe avait eu jusque  vers 2005 au Proche-Orient une politique  équidistante entre le point de vue    israélien et celui des pays arabes. Ensuite ,    surtout sous l’impulsion de Nicolas  Sarkozy, l’alignement sur  les Etats-Unis et sur  lsraël a été total . Aujourd’hui, l’Europe reprend à nouveau  quelques distances. Cela pourrait être une bonne chose si   cette attitude est le signe d’une indépendance retrouvée . C’est une   moins bonne si cela  signifie une peur de se mettre à dos les musulmans    qui désormais  pèsent  bien plus que les juifs dans la population   européenne.

Ceci dit, rien ne changera sur le terrain, ni en bien ni en mal.

Le mieux qu’on puisse espérer est que Trump, ayant donné un gage symbolique considérable à Israël , ait ainsi  une autorité  plus grande pour imposer quelques  concessions à Netanyahou. Il n’est pas interdit d’être optimiste.

 

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