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Abou Ghraib, AGT, Base navale française d'Abou Dhabi, David Sterling, les îles Tomb et Abou Moussa, Louvre Abou Dhabi, Mohamad Dahlane, Nord Yémen, Politic of fears, Théâtre impérial de Fontainebleau, Watchguard
1- Abou Dhabi, côté face: Capitale de la culture, du sport et du cinéma
Abou Dhabi fait en France l’objet d’un engouement à la mesure de la projection fantasmatique qu’il propulse dans l’imaginaire du landerneau politique, souvent en méconnaissance de cause. Un engouement comparable à celui qui s’était emparé de la classe politique française à l’égard du Qatar, auparavant à l’égard de l’Irak de Saddam Hussein. Un réflexe pavlovien digne d’un comique de répétition.
Tout le monde en parle mais très peu en connaissance de cause d’un pays sans doute l’un des rares au monde à être davantage connu pour ses extravagantes réalisations, que son histoire ou sa géographie, ses belles lettres ou ses beaux-arts.
Mais ce micro état de 67 340 km2 pour 1,145 millions d’habitants se classe parmi les plus importants clients de l‘armement. Hébergeur d’ Eric Prince, le fondateur de la compagnie militaire privée Blackwater, l’Emirat satisfait ses pulsions bellicistes par l’apport massif de mercenaires d’Afrique du Sud et d’Amérique latine et la formation sur place de cacdres locaux.
Abou Dhabi, qui a compte pendant six ans parmi les conseillers du prince, Richard Clarke, ancien responsable du contre terrorisme à la Miason Blanche, a ainsi aménagé un important centre de formation des ressortissants du Golfe, désireux de s’entrainer aux opérations de para-commandos. Succursale locale d’ACADEMIA, le nouveau nom de Blackwater, ce centre situé à proximité du Port Zayed a été conçu sur le camp du Camp Peary de la CIA en Virginie. Le projet «The Good Harbour Security Risk Management» a pour objectif de former un bataillon de commandos de haute qualification à la disposition du prince héritier d’Abou Dhabi
De surcroît, l’interception sur le territoire de la Fédération à Charjah, que Firas Tlass, fils de l’ancien ministre syrien de la défense et intercesseur entre Daech et le cimentier franco-suisse Lafarge Holcim, de même que la connivence tacite d’Abou Dhabi avec Al Qaida dans le Hadramaout (Sud Yémen) et la relance de son dialogue avec les Frères Musulmans, ses anciens ennemis intimes, pourtant inscrits sur la liste des organisations terroristes des pétromonarchies, ont obéré sa posture moderniste de pourfendeur de l’islamisme et ravalé Abou Dhabi au rang de parrain hideux du terrorisme islamique, au même que titre que son voisin et rival, le Qatar.
Retour sur cette supercherie
Désigné au choix comme le pays qui abrite une annexe du Louvre, une base aéroterrestre française, le pays de la prestigieuse compagnie aérienne «Emirates», le propulseur de l’avion solaire Solar Impulse 2 qui a bouclé le premier tour du monde aérien sans carburant, le mécène artisan de la restauration du théâtre impérial de Fontainebleau, rebaptisé, du fait de l’impécuniosité française «Théâtre Cheikh Khalifa Bin Zayed Al Nahyane», Abou Dhabi est à la fois tout cela et bien plus.
Une image bonifiée par un actif lobby en France. Richement doté et animé par d’anciens suppôts du dictateur tunisien Zine El Abidine Ben Ali, ce lobby est aiguillonné par Mohamad Dahlane, l’ancien responsable de la sécurité palestinienne, homme lige d’Abou Dhabi, candidat à la succession de Mahmoud Abbas à la tête de l’autorité palestinienne et connu surtout pour sa grande proximité avec les services israéliens.
Outre une copie du Musée du Louvre, Abou Dhabi prévoit la mise en place d’une copie du Musée Guggenheim, sur la même île de Saadiyate. L’Émirat s’est, parallèlement, lancé dans le sport de compétition professionnelle et le cinéma en vue de renforcer sa position comme capitale de la culture, du sport et du développement économique.
Un Fonds souverain des Émirats Arabes Unis, l’Abu Dhabi United Group (Adug), est ainsi devenu actionnaire majoritaire du club anglais de première division Manchester City, pour un montant de 245 millions d’euros en vue de faire de ce club«le plus grand club de la League».
Abou Dhabi s’est également tourné vers Hollywood où il a investi envisage près d’un milliard de dollars pour la production de films. Une compagnie ad hoc a été constituée à cet effet: «l’Abu Dhabi Media Company» pour le finacement de films pétromonarchiques
Doubaï et la zone franche de Djabal Ali
Doubaï, pour sa part, abrite un important marché de métaux précieux dont les transactions rivalisent déjà par leur ampleur avec ceux de Singapour et de Suisse, ainsi qu’une zone franche des Médias où logent une quarantaine de chaînes satellitaires et leurs services annexes. Elle abrite en outre un des plus importants aéroports du monde avec une plate forme (HUB) destinée à décongestionner, en le détournant, le trafic des aéroports européens (Heathrow et Roissy-Charles de Gaulle notamment), ainsi qu’une discrète joaillerie israélienne, en dépit de l’embargo officiel arabe qui frappe l’État Hébreu.
Toutes les principautés pétrolières confondues, à travers une série de manifestations internationales de premier plan, cherchent à se doter d’une aura culturelle (installation d’une annexe de l’Université parisienne Panthéon-Sorbonne (Paris I) en plus de l’antenne du Louvre à Abou Dhabi, pour accéder au rang des villes mondes du XXI me siècle. Elles se vivent déjà et se veulent comme des rivales de Hong Kong et de Monte Carlo.
Au point qu’Emmanuel Macron inaugurant le 8 novembre 2017, le Musée du Louvre à Abou Dhabi, « ce musée du désert et de la lumière », a osé sans sourciller affirmer que les Émirats Arabes Unis était «le point d’équilibre entre les continents européen, africain et asiatique».
Enfin et dernier et non le moindre des facteurs, Abou Dhabi dispose d’une image de marque qui tranche avec la phobie que suscitent désormais l’Arabie saoudite et le Qatar, le grand et le petit wahhabite, incendiaires de la planète, incubateurs du terrorisme islamique.
Contrairement à Bahreïn, dont le monarque est âprement contesté par sa population et qui prône en compensation la normalisation avec Israël pour s’attirer les bonnes grâces des pays occidentaux, contrairement au Qatar, qui a débarqué avec ses gros sabots, pour dévoyer le soulèvement populaire arabe, Abou Dhabi bénéficiait d’un préjugé favorable auprès de l’opinion arabe et internationale pour avoir déjoué une tentative de coup d’état des Frères Musulmans, une des nombreuses fautes stratégiques de la confrérie.
Une bienveillance qui l’autorise à toutes les licences, à tous les excès. Derrière les fastes et les apparats, de hideux stigmates
2 – Abou Dhabi : côté pile.
A- La base militaire française d’Abou Dhabi
Face à l’Iran, la France a franchi un seuil stratégique en obtenant le 15 janvier 2008 l’aménagement d’une base militaire à Abou-Dhabi, souscrivant ainsi officiellement au rôle de sous-traitante des États-Unis dans la défense occidentale du Golfe arabo-persique.
Première base française créée à l’étranger depuis la fin de l’ère coloniale, dans les années 1960, la plate-forme d’Abou-Dhabi vient en complément de la colocation franco-américaine de la base de Djibouti, à l’intersection du golfe et de l’Océan indien.
La création de cette base interarmes de 500 hommes à forte composante navale se situe dans le prolongement du dispositif français en Jordanie, où la France dispose de la base Al Chammal (nord du Royaume) dans sa guerre contre les groupements terroristes en Irak et en Syrie, et d’une présence militaire au sol dans la zone de Raqqa (Syrie) en encadrement des Forces Démocratiques Kurdes, où la France caresse le projet d’édifier un «état indépendant kurde» dans le prolongement de sa politique de balkanisation du Monde arabe.
Outre Abou-Dhabi, la France dispose au Qatar d’une école de gendarmerie et d’une duplication de l’École Saint-Cyr, l’académie chargée de former les officiers supérieurs des Émirats. Une école qui compte déjà à son crédit la formation du Prince héritier qatari.
Au regard de l’imposant dispositif américain dans la zone, le contingent français relève peu ou prou du dispositif conjoint aménagé par les pays occidentaux sous l’autorité des États-Unis pour la défense des pétromonarchies.
Le déploiement français dans le Golfe d’où elle était absente lors des deux dernières guerres -la guerre d’Afghanistan en 2001 par défaut d’hélices du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle et la guerre d‘Irak en 2003 du fait du veto chiraquien- constitue à cet égard une rupture stratégique majeure de la diplomatie française traditionnelle. Elle renoue avec la posture offensive qu’elle avait adoptée lors de la première guerre irako-iranienne (1980-1989) dont elle a eu à pâtir de ses répercussions du fait de son statut de « cobelligérant » aux côtés de l’Irak.
B- Le coup de français au débarquement des troupes d’Abou Dhabi au sud Yémen.
Sans craindre la contradiction, les pétromonarchies du Golfe, notamment l’Arabie saoudite et les Émirats se sont appliqués, à la faveur de la nouvelle guerre du Yémen (2015), à aménager une plate-forme opérationnelle pour Al-Qaïda, leur ennemi intime, dans la Hadramaout (Sud-Yémen) afin de disposer face la base française de Djibouti d’un débouché maritime leur permettant de contourner le détroit d’Ormuz, sous contrôle de l’Iran.
Quatre mois après l’offensive des pétromonarchies contre le plus pauvre pays arabe, menée avec le silence complice des pays occidentaux, le Hadramaout est ainsi tombé sous la coupe d’Al-Qaïda. Paradoxalement, à la faveur d’un coup de pouce de la France, grâce à un mini débarquement des troupes pro saoudiennes à Aden, parties de la base militaire française de Djibouti et à l’encadrement français des troupes monarchiques assuré par le contingent de la Légion étrangère stationné sur la base aéroterrestre française d’Abou Dhabi.
Le Hadramaout, la plus importante province du Sud Yémen, représentant le cinquième du territoire sudiste, est ainsi en passe de devenir un sanctuaire d’Al-Qaïda, qui y fait régner sa loi, accaparant ses richesses, le transit de marchandises via le port de Moukalla et les royalties prélevées sur le transit du pétrole.
Le Hadramaout est à Al-Qaïda ce que le Nord de la Syrie était à Daech, un levier terroriste aux mains des Saoudiens et des Emiratis, une fonction identique qu’il remplissait pour le compte de l’Alliance islamo atlantiste en Syrie.
Français, Saoudiens et Émiratis projetaient d’aménager une plate-forme territoriale pour le président yéménite en exil, Abdel Rabo Mansour Hadi, afin d’y asseoir symboliquement son pouvoir sur le territoire national, mais, en embuscade, Al-Qaïda a raflé la mise, dans le mauvais remake d’un mauvais film. Les belligérants saoudiens et émiratis de même que leurs alliés français paraissent avoir perdu de vue le fait que le Yémen est la patrie d’origine du fondateur d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.
3- Vers l’aménagement d’un camp de concentration au Nord Yémen sur le modèle d’Abou Graib en Irak.
Le chef de file de la constellation des roitelets de l’ancienne côte des pirates est le seul pays du golfe à avoir soutenu la prise en otage politique opérée par l’Arabie saoudite à l’encontre du premier ministre libanais Saad Hariri, le 4 Novembre 2017, au mépris des conventions internationales.
Toujours au mépris du Droit International, il envisage de transformer un ancien camp militaire yéménite en un camp de concentration de prisonniers sur le modèle du camp américain d’Abou Ghraib (Irak) en vue d’y incarcérer les opposants yéménites à sa politique dans ce pays, objet d’une agression caractérisée des pétromonarchies du golfe.
A cet effet, quatre sites ont déjà subi d’importants aménagements, les anciens camps militaires d’Al Ichrine, Al Hizam Al Amni, Al Riassa et Al Ichaali.
En complément, l’Émirat se propose d’édifier un grand camp de concentration de 12 km carrés pour en faire une prison souterraine dans le district de Taez, jetant son dévolu sur le camp Khaled Ben Walid, tombé sous le contrôle des pétromonarchies, en Août 2017. Situé à 40 km de la ville d’Al Mokha et à 60 km de Taez, ce camp s’étale sur 2 km le long de la ligne des crêtes de la chaîne montagneuse du Yémen. De par son positionnement, il constitue une forteresse pratiquement imprenable.
Abou Dhabi a demandé à son allié, le chef salafiste yéménite, Chaker Al Soubeihy, de remettre le camp Khaled Ben Walid aux groupes soudanaises en vue de le transformer en camp de concentration sur le modèle d’Abou Ghraib.
4- La guerre secrète d’Abou Dhabi contre ses propres alliés pétro monarchiques pour s’aménager une zone d’influence au Yémen.
A l’instar de l’Arabie saoudite, le souverain d’Abou Dhabi est en effet hors service. Couple maléfique de la politique arabe, ces deux monarchies sont gouvernées par les princes héritiers respectifs des deux pays : Mohamad Ben Khalifa (Abou Dhabi) et Mohamad Ben Salmane (MBS), deux personnages belliqueux et impétueux.
Abou Dhabi a non seulement mené la vie dure au parti Al Islah, la branche yéménite des Frères Musulmans, et au parrain de la confrérie, le Qatar, le contraignant à se retirer de la guerre du Yémen, l’été 2016. Mais la principauté a aussi mené une guerre secrète contre ses propres alliés monarchiques pour dégager la zone de toute interférence extérieure et asseoir sa domination complète sur cette portion du territoire yéménite en vue d’y décréter, le cas échéant, la sécession de la province du sud du Yémen et le rétablissement d’un État indépendant dans l’ancien protectorat britannique d’Aden. Ce projet a été quelque peu contrarié par l’irruption d’Al Qaida dans ce secteur.
La chasse aux salafistes au Sud Yémen
Nonobstant ce revers, Abou Dhabi a persévéré dans son projet, engageant la chasse aux religieux salafistes au Sud-Yémen. Des dizaines d’hommes de religion relevant de la mouvance salafiste yéménite ont ainsi été tués par «des tirs amis» au cours d’affrontements entre les troupes d’Abou Dhabi et leurs rivaux pro saoudiens «La Brigade des Géants».
En prévision de cette guerre inter-salafiste, l’Émirat a mis sur pied une force de frappe de 12.000 hommes, placés sous le commandement du Cheikh Hani Ben Brick, déclarant la guerre à tous ceux qui ne font pas allégeance à Abou Dhabi, les Frères Musulmans, l’Association de la sagesse yéménite (Al Hikmah Al Yamaniyah) etc..
Le chef de la task force d’Abou Dhabi, Cheikh Hani Ben Brick, a ordonné à toutes les mosquées du pays de dégager les lieux de prière de « toute présence terroriste », autrement dit, des partisans du Qatar, pourtant son allié dans la Guerre du Yémen et les indépendants qui refusent de s’engager dans cette guerre fratricide.
En janvier 2016, l’Imam de la Moquée Ibn Al Qyam, Cheikh Rami Al Arigi, a été assassiné, à la suite d’un sermon dans lequel ce prédicateur mettait en garde contre les « agendas établis par des étrangers en vue de semer le trouble et l’anarchie».
Quatre mois plus tard, en avril 2016, le responsable du centre Al Fayouche , a été lui aussi assassiné après son refus d’émettre une fatwa autorisant ses fidèles à combattre les Houthistes d’« Ansar Allah ».
Début novembre 2017, Cheikh Adel Al Shihri, une grande figure du salafiste yéménite a été assassiné, en représailles à l’élimination de deux autres collègues, Al Yassine Al Adani et Fahd Al Younsi, Imam de la Mosquée Al Sahaba et secrétaire général du Conseil de la Fatwa d’Aden. Fahd Al Younsi avait refusé d’obtempérer à un ordre d’évacuation de sa Mosquée en vue de la confier à un pro-Abou Dhabi.
Trois autres religieux salafistes indépendants Saleh Ben Habis, Yasser Al Hamouchi, Ali Osmane, Cheikh Yassine Al Adani, Imam de la Mosquée As Sahaba, ainsi que Cheikh Sayyed, ont fait eux aussi l’objet d’assassinats extra judiciaires.
Fait sans précédent, le conseil des Oulémas du Yémen a exonéré Al Qaida et Daech de la responsabilité de ces liquidations, pointant du doigt la responsabilité d’Abou Dhabi.
Face à l’incapacité du président nominal du Yémen, le pro saoudien Abed Rabbo Mansour Hadi de les protéger contre les exactions, les religieux du Sud-Yémen ont exhorté leurs sympathisants à se réfugier à l’intérieur du pays pour échapper aux « visiteurs de l’aube », dont le mode opératoire révèle un grand professionnalisme.
En contrepoint, les religieux salafistes du Nord Yémen vivent leur foi en toute quiétude, dans les zones sous contrôle des Houthistes.
5- Libye-Yémen : Les déboires d’Abou Dhabi sur le théâtre des opérations extérieures.
Les deux principaux théâtres d’opérations extérieures d’Abou Dhabi ont viré au cauchemar. En Libye, les Émirats ont pris le contrepied du Qatar en soutenant le général Khalifa Haftar. Mais le grand vaincu de la bataille de Wadi Doum, face au Tchad et à la France, dans la décennie 1980, recyclé par la CIA en tant qu’instrument de déstabilisation de son ancien frère d’armes le colonel Mouammar Kadhafi, peine à marquer des points face au poulain du Qatar Abdel Hakim Bel Hadj
Transporté par avion par les Qataris depuis Kaboul pour mener la bataille de Tripoli, l’ancien chef des djihadistes libyens d’Afghanistan s’est emparé de la capitale libyenne et son important arsenal, s’intronisant Gouverneur de Tripoli et chef de la branche Daech de Libye, alimentant de surcroît en armes 14 pays arabes et africains. Au grand Dam de ses géniaux parrains, le Qatar et l’Otan.
Au Yémen, la coalition pétromonarchique a enregistré deux défections majeures, le Qatar et le Soudan, désormais alliés avec la Turquie. Dans un spéctaculiare retournement d’alliance, le Soudan a offert des facilités portuaires à la Turquie sur la mer rouge, dans une tentative de faire pièce Abou Dhabi sur l’autre rive, au Sud Yémen.
Et, malgré sa percée dans le sud du pays, Abou Dhabi a subi un revers majeur avec l’assassinat d’Ali Abdallah Salem, le 4 décembre 2017, le jour de son ralliement à la coalition pétromonarchique, trahisssant ses anciens compagnons de lutte, les Houthistes, désormais maîtres de Sana’a, ancien fief de l’ancienprésident yémenite, au terme de trois ans de guerre.
Une semaine après l’élimination de l’ancien président yéménite, Abou Dhabi subissait un nouveau et cuisant revers au sud Yémen, dans sa tentative de s’emparer de la zone côtière de l’ouest du pays, lors de la bataille d’Al Khojja (240 tués et 7 blindés détruits dans une embuscade).
6 – Al Qaida, Al Islah : Le discrédit de la posture moderniste d’Abou Dhabi sur sa guerre contre le terrorisme islamiste
Bradant à bas prix sa rente de situation, le combat contre les Frères Musulmans dont il avait fait son cheval de bataille, Abou Dhabi a été conduit à reprendre langue avec la confrérie à la suite de l’assassinat de celui qui se proposait de trahir ses alliés houthistes pour la rallier, l’ancien président Ali Abdallah Saleh. Grâce aux bons offices saoudiens, le prince héritier Mohamad Ben Zayed a ainsi rencontré M. Mohamad Yadaoui, président du parti Al Islah, la branche yémenite du parti islamique et M. Abdel Wahab Al Ounsi, le secrétaire général du mouvement.
En connivence tacite avec APA (Al Qaida pour la Péninsule Arabique) dans le Hadramaout, cette première rencontre entre ces deux ennemis historiques depuis la guerre du Yémen en 2015 a frappé de discrédit la posture moderniste d’Abou Dhabi sur sa guerre contre le terrorisme islamique en ce que son interlocuteur Al Islah, la branche yéménite des Frères Musulmans, figure, au même titre que l’organisation mère, sur la liste des organisations terroristes adoptée par le Conseil de Coopération du Golfe, Qatar excepté.
Ce contact témoigne en outre de la gravité du revers subi par les pétromonarchies au Yémen tant par la liquidation d’Ali Abdallah Saleh que les contre-performances militaires de la coalition dans la zone côtière du sud Yémen que par la défection du Soudan.
7- Plainte contre Abou Dhabi devant la Cour Pénale Internationale à propos du Yémen
Face aux abus pétromonarchies au Yémen, «Arab Organization for Human Rights in the United Kingdom» a déposé le 27 novembre 2017 une plainte pour « crimes de guerre » devant la Cour Pénale Internationale visant les Émirats Arabes Unis, pour « l’utilisation d’armes prohibées », « des attaques menées sans discriminations contre des populations civiles » et « des actes de torture perpétrés au sein de prisons yéménites » par des mercenaires employés par Abou Dhabi, a précisé Joseph Breham, avocat de l’ONG, basée à Londres.
« Les Émirats Arabes Unis ne reconnaissent pas la compétence de la CPI « . Pour autant, « les auteurs de ces crimes sont des mercenaires employés par les Émirats et venus de Colombie, du Panama, du Salvador, d’Afrique du sud ou d’Australie, des pays qui reconnaissent la CPI. Cette dernière est donc tout à fait compétente pour initier une enquête », a fait valoir l’avocat.
L’Iran un croquemitaine pour éponger les déficits américains.

1 – Péril iranien ou péril démographique? Les asiatiques 60 pour cent de la totalité de la population des pétro monarchies.
Les principautés du Golfe présentent cette singularité unique au monde de compter davantage de travailleurs expatriés que de nationaux et le nombre d’ouvriers en bâtiments dépasse de loin le nombre de citoyens au point que le Koweït a cherché dans la décennie 1990 à se débarrasser des Bidouns (sans papiers, sans nationalité), en proposant aux Comores d’accueillir quatre mille d’entre eux en échange de lourds investissements koweïtiens dans le secteur économique.
Abou Dhabi pour décourager l’installation durable des immigrés asiatiques, a proposé, lui, de limiter leur permis de travail et de résidence à un séjour unique de six ans.
L’offre koweïtienne a été rejetée par les autorités comoriennes au motif qu’elle était périlleuse pour la cohésion nationale, et la proposition d’Abou Dhabi également rejetée au motif qu’elle était contre-productive, nuisible à l’attractivité des investisseurs économiques et démotivante sur le plan de l’efficacité économique.
Le problème a d’ailleurs atteint une telle acuité qu’un haut responsable de la police du Golfe, voulant secouer la torpeur des dirigeants pétro monarchiques, n’a pas hésité à braver l’interdit qui frappe ce sujet tabou en prédisant l’élection à moyen terme d’un Indien à la présidence de la Fédération des principautés du Golfe:
«Barack Obama n’est que le prélude à un vaste changement de la climatologie politique planétaire qui verra un indien se porter, à moyen terme, candidat à la présidence de la Fédération», a lancé le général Dhafi Khalfane, chef de la police de Doubaï, devant un auditoire médusé, lors d’un «Forum de l’identité nationale» tenu à Abou Dhabi en avril 2008, premier forum du genre sur ce thème depuis l’indépendance des principautés en 1970, il y a trente huit ans.
Le nombre des travailleurs asiatiques dans le golfe est estimé à quinze millions de personnes, soit près de la moitié de la population de la zone, selon un rapport du Conseil de Coopération du Golfe.
La situation des Émirats est, à cet égard, caricaturale: Les immigrés y représentent 85 pour cent de la population totale. Sur 3,8 millions d’habitants, les nationaux ne sont que le 3me groupe de population (640.000), bien après les Indiens (1,2 millions d’habitants) qui sont sur ce point à égalité avec les Pakistanais. Toutes nationalités confondues, les asiatiques représenteraient près de 60 pour cent de la population totale du Golfe et un pourcentage largement plus élevé que la population active.
La principale hantise des dirigeants du Golfe est que ces travailleurs étrangers puissent un jour revendiquer la nationalité de leur pays d’accueil. Un véritable casse-tête pour les princes du pétrole qui ne peuvent se dispenser de la main-d’œuvre étrangère s’ils veulent assurer la croissance économique, mais qui se refusent à leur accorder néanmoins la nationalité au risque de dénaturer le caractère arabe des pétromonarchies.
Une solution serait de substituer la main d’œuvre arabe à la main d’œuvre asiatique et sa naturalisation conséquente, mais, dans une telle hypothèse, le risque d’une contamination politique de la main d’œuvre arabe pèserait d’un plus grand poids sur la stabilité des régimes pétro monarchiques.
Au-delà de cet aléa, la main d’œuvre arabe est l’otage des conflits inter arabe. Le Koweït a expulsé près de cinq cent mille Palestiniens en 1990, de même qu’Abou Dhabi, pour châtier Yasser Arafat, chef de l’Organisation de Libération de la Palestine, pour avoir privilégié la médiation plutôt que la confrontation entre l’Irak.
Le Koweït lors de l’invasion irakienne de la principauté en Août 1990 et l’Arabie saoudite en avait fait de même avec près d’un million de Yéménites en représailles à une position identique du président Ali Abdallah Saleh.
2- Le Golfe, une gigantesque base flottante américaine, une pompe à finance des déficits américains.
Face à l’Iran, les pétromonarchies arabes, un des principaux ravitailleurs du système énergétique mondial, font office de gigantesque base militaire flottante de l’armée américaine, qui s’y ravitaille à profusion, à domicile, à des prix défiants toute concurrence. Tous, à des degrés divers, y paient leur tribut, accordant sans états d’âme, des facilités à leur protecteur.
La zone est, en effet, couverte d’un réseau de bases aéronavales anglo-saxonnes et françaises, le plus dense du monde, dont le déploiement pourrait à lui seul dissuader tout éventuel assaillant éventuel, rendant superflu un tel contrat. Elle abrite à Doha (Qatar), le poste de commandement opérationnel du Cent Com (le commandement central américain) dont la compétence s’étend sur l’axe de crise de l’Islam qui va de l’Afghanistan au Maroc; A Manama (Bahreïn), le quartier général d’ancrage de la V me flotte américaine dont la zone opérationnelle couvre le Golfe arabo-persique et l’Océan indien.
S’y ajoutent, dernier et non le moindre des éléments du dispositif, Israël, le partenaire stratégique des États-Unis dans la zone, ainsi que la base relais de Diego Garcia (Océan indien), la base aérienne britannique de Massirah (Sultanat d’Oman) ainsi que depuis janvier 2008 la plate forme navale française à Abou Dhabi.
De surcroît, des barrages électroniques ont été édifiés aux frontières de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis pour décourager toute invasion ou infiltration.
Le barrage électronique saoudien a été édifié avec le concours des Français, celui d’Abou Dhabi, avec le concours de la firme israélienne AGT (Asia Global Technologies), dont le contrat de trois milliards de dollars concerne aussi bien la protection des frontières que la protection de quinze sites pétroliers de l’émirat, ainsi que la fourniture de Drones, les avions de reconnaissance sans pilote, de fabrication israélienne.
Faiblement peuplées, entourées de puissants voisins tels l’Iran et l’Irak, de création récente et inexpérimentées en la matière, les pétromonarchies ont longtemps confié leur protection à des pays amis aguerris, ou, à défaut, à des compagnies militaires privées, les mercenaires des temps modernes.
Les fabuleux contrats d’armement qui excédaient les capacités d’absorption des servants locaux, étaient généralement perçus comme des polices d’assurance déguisées, en raison des mirifiques rétro commissions qu’ils généraient.
La protection de l’espace aérien saoudien a été longtemps confiée aux aviateurs pakistanais, le territoire national du Sultanat d’Oman aux bédouins de la Légion Arabe jordanienne, les mercenaires occidentaux se chargeant du reste, avec une répartition des rôles entre les Anglais, surtout présents dans leur ancienne zone d’influence, notamment les émirats pétroliers du Golfe.Les Américains ayant la haute main sur l’Arabie Saoudite et le reste du Moyen-Orient.
3- Abou Dhabi, sous protection de mercenaires occidentaux
La protection du Cheikh Zayed Ben Sultan Al-Nahyane, le père de l’actuel Émir d’Abou Dhabi et ancien président de la Fédération des Émirats du Golfe, ainsi que l’encadrement des troupes omanaises dans la répression de la guérilla marxiste du Dhofar, dans les années 1965-1970, ont relevé de la responsabilité de «Watchguard», une des deux compagnies de mercenaires britanniques, dont le siège est à Guernesey.
Fondée en 1967 par David Sterling, un ancien des commandos de l’air britanniques (Special Air Services), elle passe pour être un instrument d’influence de la diplomatie britannique. Outre Blackwater, qui s’est fâcheusement illustrée en Irak, les États-Unis comptent, eux, deux grandes sociétés privées militaires: Vinnell Corp, dont le siège est à Fairfax, en Virginie, et BDM international.
Toutes deux filiales de la multinationale Carlyle, elles apparaissent comme les bras armés privilégiés de la politique américaine en Arabie et dans le Golfe. Vinnel corp, dont la mission saoudienne a fait l’objet d’un attentat à Khobbar en 1995, a la haute main sur la formation de la Garde nationale saoudienne, tandis que BDM gère la formation du personnel de l’armée de l’air, de la marine et des forces terrestres saoudiennes.
4- «Politics of Fears»: L’Iran, un prétexte pour éponger le surplus de pétrodollars arabes
Ainsi donc par un subterfuge que les politologues américains désignent du vocable de «Politics of Fears», la politique de l’intimidation, qui consiste à présenter l’Iran comme un croquemitaine, l’Arabie saoudite et ses alliés pétro monarchiques ont été contraints de se doter, non d’une défense tous azimuts, mais d’une posture défensive anti iranienne, autrement dit de renforcer le royaume «face à l’Iran», puissance du seuil nucléaire, et non Israël, puissance nucléaire de plein exercice, de surcroît puissance occupante de Jérusalem, le 3me haut lieu saint de l’Islam.
5- Israël, le sésame magique
La raison de la complaisance occidentale à l’égard d’Abou Dhabi trouve sa raison dans la connivence souterraine entre l’Émirat et l’État hébreu.
Précurseur dans le domaine de la normalisation feutrée avec Israël, Abou Dhabi a ainsi confié la protection de ses champs pétrolifères à une firme israélienne dirigée par l’ancien député de gauche Yossi Sarid. La firme israélienne AGT a édifié un barrage électronique dans la région frontalière entre les Émirats Arabes Unis et le Sultanat d’Oman afin de prévenir les infiltrations hostiles. Le barrage est en en fait un «mur intelligent» qui recèle des caméras pouvant enregistrer les traits de visage de ceux qui touchent le mur. Des données immédiatement transférées dans les fichiers des services de renseignements et de la police capables de déclencher une intervention des forces de sécurité». «Le maître d’œuvre du projet est la firme AGT, dirigée par Mati Kochavi, un israélien installé aux États-Unis».
Cf. «Le business secret d’Israël dans le golfe Persique».
Mieux, Abou Dhabi a participé à des exercices aériens avec l’armée de l’air israélienne, dans des manœuvres conjointes aux États Unis et en Grèce, ce que même l’Égypte, pourtant signataire d’un traité de paix avec Israël, s’est abstenu de faire.
Épilogue
1re vérité: Le Monde arabe est redevable à l’Iran d’une part de sa culture et l’Islam d’une partie de son rayonnement, qu’il s’agisse du philosophe Al Fârâbî, du compilateur des propos du prophète, Al Boukhary, du linguiste Sibawayh, du théoricien du sunnisme Al Ghazali, des historiens Tabari et Shahrastani, du mathématicien Al Khawarizmi (Logarithmes), et naturellement du conteur du célèbre roman Kalila wa Doumna, Ibn al Mouqaffah, ainsi qu’Avicenne (Ibn Sinna). De même, l’expansion de l’Islam en Asie centrale aux confins de la Chine n’a pu se faire sans le passage par la plate forme iranienne.
2me vérité: Le Monde arabe est redevable à l’Iran d’un basculement stratégique qui a eu pour effet de neutraliser quelque peu les effets désastreux de la défaite arabe de juin 1967, en substituant un régime allié d’Israël, la dynastie Pahlévi, le meilleur allié musulman de l’État hébreu, par un régime islamique, qui a repris à son compte la position initiale arabe scellée par le sommet arabe de Khartoum (Août 1967) des «Trois NON» (non à la reconnaissance, non à la normalisation, non à la négociation) avec Israël.
Il a ainsi offert à l’ensemble arabe une profondeur stratégique en le libérant de la tenaille israélo iranienne, qui l’enserrait dans une alliance de revers, compensant dans la foulée la mise à l’écart de l’Égypte du champ de bataille du fait de son traité de paix avec Israël. La Révolution Islamique en Iran a été proclamée le 9 Février 1979, un mois avant le traité de Washington entre Israël et l’Égypte, le 25 mars 1979. En retour, les Arabes, dans une démarche d’une rare ingratitude, vont mener contre l’Iran, déjà sous embargo, une guerre de dix ans, via l’Irak, éliminant au passage le chef charismatique de la communauté chiite libanaise, l’Imam Moussa Sadr (Libye 1978), combattant dans le même temps l’Union soviétique en Afghanistan, le principal pourvoyeur d’armes des pays du champ de bataille contre Israël.
3me vérité: Le Monde arabe s’est lancé, au-delà de toute mesure, dans une politique d’équipements militaires, pendant un demi-siècle, payant rubis sur ongle de sommes colossales pour d’arsenal désuets, pour des livraisons subordonnées à des conditions politiques et militaires draconiennes, alors que, parallèlement, les États-Unis dotaient, gracieusement, Israël de son armement le plus sophistiqué.
Le différentiel de traitement entre Arabes et Israéliens.
Israël a bénéficié, à ce titre, de cinquante et un (51) milliards de dollars de subventions militaires depuis 1949, la majeure partie depuis 1974, plus qu‘aucun autre pays de la période postérieure à la II me Guerre mondiale, selon une étude du spécialiste des affaires militaires Gabriel Kolko, parue dans la revue «Counter punch» en date du 30 mars 2007.
A deux reprises au cours du dernier quart de siècle, les pays arabes ont participé à des guerres lointaines par complaisance à l’égard de leur allié américain, parfois au détriment des intérêts à long terme du Monde arabe, s’aliénant même un allié naturel, l’Iran, un voisin millénaire, dans la plus longue guerre conventionnelle de l’époque contemporaine, sans pour autant bénéficier de la considération de leur commanditaire américain.
A l’apogée de la puissance occidentale, au plus fort de leur alliance avec l’Iran, ni les États Unis pas plus que la France n’ont jamais réussi à faire restituer à leur propriétaire arabe légitime les trois îlots du golfe, propriété d’Abou Dhabi: Abou Moussa et les deux iles Tomb, occupés par le Chah d’Iran, dans la décennie 1970.
Au vu de ce qui précède, les Émirats constituent-ils vraiment un«point d’équilibre entre les continents européen, africain et asiatique»?. Un point d’équilibre ou un marche pied de l’Otan? Un instrument d’asservissement du Monde arabe à l’hégémonie israélo-atlantiste ?
La déclaration du président français relève-t-elle d’un exercice classique de flagornerie diplomatique? D’une réelle méconnaissance de la nature profonde d’une principauté qui passe notamment au Yémen, d’être un suppôt des groupements terroristes islamiques, notamment d’Al Qaida pour la Péninsule Arabique (APA), ordonnateur du carnage de Charlie Hebdo, en janvier 2013. Ou alors d’une duplicité fâcheuse de la part d’un président qui prône la moralisation de la vie publique ?
De même exhorter le Hezbollah à renoncer à son arsenal militaire pour se fondre dans la vie libanaise en tant que parti politique, sans piper mot du formidable arsenal nucléaire israélien, relève sinon d’une naïveté inquiétante à tout le moins d’une mauvaise foi criante, en tout cas d’une partialité pro israélienne manifeste.
Le plus jeune président de la République Française n’est pas propulsé par une audacieuse pensée novatrice, mais corseté par un conformisme passéiste. Les mésaventures du poulain de la France, Saad Hariri, en Arabie saoudite devrait l’inciter à purger sans retard le lourd passif de ses calamiteux prédécesseurs, le post gaulliste Nicolas Sarkozy et le post socialiste Français Hollande et non de se placer dans leur désastreux sillage.
Que les roitelets du Golfe, dans cette perspective, songent au sort funeste du Chah d’Iran, l’ancien super gendarme du golfe, à celui de l’ancien président zaïrois Joseph Mobutu, interdit de séjour en France après avoir pourtant abondé la classe politique française de ses mallettes et de ses djembés ou encore à celui du fugitif tunisien, Zine El Abidine Ben Ali, interdit de survoler l’espace aérien français, dans sa fuite de son pays après avoir servir de «tour operator» à la caste politique médiatique française.
