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Olivier James

  Le superjumbo d’Airbus, prisé par les passagers, est boudé par les compagnies aériennes. Faute de nouvelles commandes, Airbus ralentit les cadences de production et pourrait même arrêter ce programme.

Pourquoi l’Airbus A380 se vend si mal
Le superjumbo d’Airbus, prisé par les passagers, est boudé par les compagnies aériennes
© Wikimedia – Brian – CC

C’est l’unique ombre au tableau pour le super vendeur d’Airbus. Alors que John Leahy, directeur commercial de l’avionneur, est crédité à l’heure de son départ à la retraite de la vente de 16 000 avions, il n’aura pas réussi à faire décoller les ventes de l’A380. Lundi 15 janvier, à l’occasion de la présentation des résultats commerciaux de l’avionneur, il n’a pas caché la possibilité d’arrêter ce programme, si les négociations en cours avec son client phare, la compagnie aérienne Emirates, n’aboutissaient pas. A tel point que la production pourrait bientôt passer à six appareils par an à l’horizon 2020, contre 28 en 2016, 15 en 2017 et 12 en 2018. Une issue redoutée depuis plusieurs années mais qui commence à prendre forme, alors que le carnet de commandes fait état de moins de 100 appareils.

A ce jour, le gros porteur d’Airbus cumule 317 commandes nettes, quand les prévisions étaient estimées dans les années 2000 à un segment de 800 voire 1200 avions. L’avionneur a livré depuis le début de ce programme – lancé en 2000 et livré pour la première fois en 2007 à Singapore Airlines – un total de 222 appareils. La compagnie aérienne Emirates cumule à elle seule 101 avions livrés, ce qui témoigne de la grande dépendance du programme envers ce client. Malgré les chiffres fournis par l’avionneur – un A380 décolle ou atterrit toutes les deux minutes, 190 millions de passagers l’ont utilisé – l’échec commercial de l’appareil est indéniable.

Une stratégie qui a fait fausse route

Comment expliquer cette impasse ? L’appareil est tout d’abord né dans un contexte tumultueux. Les débuts du programme ont été marqués par des retards de livraisons à répétition et des dépassements de budgets de développement, lequel est évalué entre 15 et 20 milliards d’euros. A l’époque, les équipes allemandes et françaises se regardent en chiens de faïence, leur manque de communication aboutit à d’importantes erreurs industrielles. C’est ce qu’on appelle un accouchement douloureux. Sans oublier les fissures détectées en 2012 sur les ailes de l’appareil, qui ont détérioré son image, et conduit Airbus en 2014 à demander aux compagnies aériennes d’inspecter les poutres internes pour cause de fatigue prématurée du métal.

Mais c’est aussi la stratégie des dirigeants d’Airbus qui est en cause. Le développement des vols de « hubs à hubs » – la connexion entre grandes villes puis l’utilisation de court et moyen-courriers pour arriver à destination –, n’a pas été si important que prévu. Avec le 787 et le 777, Boeing a quant à lui opté pour le modèle dit « point à point », qui prévoit de relier directement les villes de destinations avec des long-courriers. La crise économique commencée en 2008, la congestion des aéroports très limitée et le développement des compagnies low cost a compliqué l’environnement économique d’un appareil qu’il faut à tout prix remplir pour rentabiliser.

Une équation économique d’autant plus compliqué que l’A380 est muni de quatre moteurs, contrairement à ces actuels concurrents américains 777 et 787. De quoi multiplier les coûts de maintenance et augmenter les immobilisations au sol. In fine, un A380 n’opère en général qu’une rotation à la journée. Et lorsqu’il tombe en rade, il faut deux avions pour le remplacer. La facture devient très vite coûteuse pour une compagnie aérienne, à moins de dépasser un certain seuil : c’est le cas d’Emirates qui peut tirer profit avec ses quelque 100 appareils, mais pas d’Air France avec ses dix A380… La mise en service du 777X vers 2020, qui se rapproche des capacités de l’A380, pourrait porter un dernier coup fatal au programme.

Des aménagements possibles

Airbus a tenté par tous les moyens de vendre cet avion. « Airbus a dû baisser ses prix au début pour les compagnies de lancement, assurait un consultant à L’usine Nouvelle fin 2015. Ils ont été vendu 100 millions de dollars contre 300 au prix catalogue à une époque et aujourd’hui à 250 millions de dollars alors que le prix catalogue est de 428 millions de dollars ». Mais le carnet de commandes reste au point mort depuis deux ans. Alors que le dernier salon de Dubaï fin 2017 et que la visite du président de la République Emmanuel Macron devaient se solder par des ventes d’A380, Airbus est ressorti bredouille.

Autres moyens mis en œuvre pour relancer les ventes : des modifications de l’appareil pour augmenter sa rentabilité. Au dernier salon du Bourget, l’avionneur a présnté un A380 amélioré muni de sharklets au bout des ailes pour diminuer la consommation de carburant. En avril dernier, c’est la possibilité de réaménager l’appareil et d’ajouter 80 sièges supplémentaires qui était annoncée. Quant à la possibilité d’une remotorisation possible de l’avion, une version neo au même titre que l’A320neo et l’A330neo, elle semble s’éloigner, nécessitant la participation d’un motoriste dans une voie aventureuse pour un coût de plusieurs milliards d’euros…

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