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Scarlett HADDAD

Plus la guerre américaine contre lui et contre l’Iran se renforce et plus le Hezbollah durcit le ton et les positions. Cette année, la commémoration de l’assassinat du chef militaire de ce parti Imad Moghniyé, le 12 février 2008 dans la banlieue de Damas, a pris une tournure particulière. Une cérémonie spéciale lui a été consacrée à Téhéran au cours de laquelle le chef de la brigade al-Qods au sein des gardiens de la révolution, le général Kassem Souleimani, a pris la parole, évoquant ses souvenirs émus avec « Hajj Radwan » (le nom de guerre de Imad Moghniyé).

Le discours du secrétaire général du Hezbollah prononcé hier va d’ailleurs dans ce sens et constitue une réponse directe à la visite du secrétaire d’État américain à Beyrouth ainsi qu’à celle de son adjoint (par intérim) pour les affaires du Proche-Orient, David Satterfield, qui est resté à Beyrouth pour le suivi avant de se rendre en Israël. Hassan Nasrallah a ainsi exposé la position du parti qui consiste à refuser les propositions américaines qualifiées de favorables aux intérêts israéliens, en se basant sur l’élément de force que constitue la résistance. Il a ainsi rejeté la suggestion américaine d’accorder 40 % du bloc 9 aux Israéliens en contrepartie de leur retrait des parcelles de territoire réclamées par le Liban le long de la ligne bleue. Selon lui, les Américains proposent ainsi aux autorités libanaises un cadeau inutile, puisqu’elles peuvent le prendre seules, alors que les gisements pétroliers et gaziers supposés contenus dans le bloc 9 sont bien plus importants.

Dans son discours, le secrétaire général du Hezbollah a ainsi reconnu que le véritable enjeu dans la région aujourd’hui, ce sont les ressources énergétiques en train d’être découvertes en Syrie, au Liban et, selon sa terminologie, en Palestine. Pour lui, la lutte pour préserver ces ressources est aussi importante que celle pour la libération du territoire. Dans ce contexte, selon lui, la résistance est un des principaux éléments de force du Liban. Il n’a donc qu’à l’utiliser et à brandir cette menace pour faire céder les Israéliens et leurs protecteurs, les Américains. Mais l’élément nouveau dans le discours du secrétaire général du Hezbollah, c’est sa reconnaissance de l’autorité du Conseil supérieur de la défense. Hassan Nasrallah a ainsi déclaré, pour la première fois dans ses discours, que le Conseil supérieur de la défense « n’a qu’à nous demander d’agir, nous sommes prêts à le faire ». Ce qui montre clairement que le Hezbollah se place désormais sous l’autorité de l’État. D’une part, c’est une reconnaissance indirecte du fait que l’État libanais bénéficie désormais du respect du Hezbollah, qui montre ainsi qu’il a pleinement confiance dans ses décisions et se met à son service, et d’autre part, c’est une promesse déguisée de ne pas prendre seul l’initiative d’une riposte. Sans donner de précision et sans le nommer, Nasrallah rend ainsi hommage à la décision du Premier ministre Saad Hariri au cours de la dernière réunion du Conseil supérieur de défense, lorsqu’il a clairement déclaré au commandant en chef de l’armée qu’il faut riposter par des tirs à toute agression israélienne. Cette position du Premier ministre, qui a été reprise par les médias, aurait pu être interprétée comme l’annulation du rôle de la résistance, qui n’a plus ainsi de raison d’être. Mais pour Hassan Nasrallah, elle est désormais une force complémentaire efficace et utile parce qu’elle peut intervenir sans mettre en cause les autorités officielles. Elle reste donc pour lui indispensable, d’autant qu’elle a atteint un tel niveau de professionnalisme et dispose de si nombreux moyens qu’elle constitue une force de dissuasion efficace. Par la bouche de son secrétaire général, le Hezbollah se positionne donc derrière l’État et les autorités dans la protection du Liban, tout en saluant l’unité de la position officielle libanaise dans le dossier israélien. S’agit-il d’un changement important dans son rôle ou d’une simple nuance verbale ? La réponse n’est pas évidente, mais les indices méritent d’être relevés.

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