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PAR MYRIAM ENCAOUA ET PAULINE THÉVENIAUD
Hier encore, à l’occasion de son voyage en Inde, Emmanuel Macron a rappelé que le rythme des réformes n’était pas près de ralentir. Mais pendant combien de temps va-t-il pouvoir appliquer cette politique ?
« MACRON, IL JOUE à Attrape-moi si tu peux. C’est comme un rugbyman. Il a pris la balle, il court et il sait que, s’il se retourne, il est mort. » Commentaire d’un ministre sur le rythme effréné du patron ou comment ériger la vitesse en principe d’action, en marque de fabrique. Et cet effet toupie n’est pas près de s’arrêter. « Vous allez adorer le prochain mois, parce qu’il va y avoir un projet de loi par Conseil des ministres ! » renchérit le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. A venir : la réforme de la SNCF, la lutte contre les violences sexuelles, le projet de loi Logement, la réforme pénale, la loi Pacte sur les entreprises, la réforme constitutionnelle avant la formation professionnelle et l’assurance chômage… N’en jetez plus. « Tous les tiroirs sont pleins », savoure l’Elysée. Si pleins qu’il n’y a plus de place dans le calendrier parlementaire pour de nouveaux textes portés par le gouvernement. Résultat : la loi Fake news, si chère au président, sera présentée par un député de la majorité LREM ! Ce train d’enfer a été pensé très en amont. C’est toute l’année 2018 qui a été planifiée, à coups de frises chronologiques à trois mois et rétroplanning des engagements. Comme dans les grandes entreprises. « On est assez process », sourit- on à l’Elysée, où l’on ne se cache pas de trouver la machine parlementaire trop laborieuse. Quitte à alimenter les accusations en « césarisme » qui fusent à droite comme à gauche.
Mais pourquoi diable ouvrir tous les fronts en même temps ? Au sommet de l’Etat, la question est vite balayée, tant la réponse semble évidente. « Il n’y a pas tellement de raisons d’attendre. Le constat des besoins est assez établi… Sur la nécessité de bouger, l’opinion était en avance sur les politiques sur beaucoup de sujets », évacue un proche conseiller du président. Sondages à l’appui, le chef de l’Etat et ses troupes ne doutent pas une seconde qu’il s’agit là de ce qu’attendent les Français, que la moindre pause serait fatale. « Ça ne s’arrêtera ni demain, ni le mois prochain, ni dans les trois prochains mois », a prévenu hier Macron, devant les Français expatriés à New Delhi (Inde). Et tant pis, raille-t-il, pour « les commentateurs fatigués ».
Sa stratégie ? Lancer les réformes suffisamment tôt pour engranger les résultats espérés avant la fin du quinquennat. Histoire de ne pas connaître les mêmes déconvenues que François Hollande. La présidence insiste sur la nécessité de concentrer les efforts sur les mesures jugées « transformantes ». Sur ce qui portera ses fruits, en somme. Pas d’urgence pour les sujets sociétaux plus sensibles, comme la PMA ou la fin de vie…
Se montrer constamment en action permet aussi de faire patienter, y compris en communiquant sur des réformes qui ne sont encore qu’en chantier. « Cela donne aux Français l’impression que le truc est traité », admet un conseiller ministériel. Un jour, un ministre « dévoile », le lendemain un autre « fixe le cap ». Le tout bien avant que les textes ne soient présentés en Conseil des ministres. A grand renfort d’éléments de langage tels que « transformations », « révolution copernicienne », ce tournis permet aussi de faire oublier les renoncements ou demi-mesures. Comme l’assurance chômage pour tous. Et de noyer les oppositions politiques ou syndicales. « On parle de big bang pour faire passer l’idée de rupture, alors qu’à l’arrivée on est plutôt dans la continuité de ce qui a été fait », égratigne l’ancien ministre socialiste Michel Sapin.
Gare, toutefois. Et si personne ne comprenait plus rien à ce tourbillon ? « C’est un des écueils », reconnaît-on à l’Elysée, en insistant sur la pédagogie. Surtout, en revendiquant aussi haut et aussi fort de transformer le pays, le gouvernement crée encore plus d’attentes et se condamne à être au rendez-vous des résultats. D’autres, comme Sarkozy, se sont essayés au bougisme et y ont laissé des plumes.
« ÇA NE S’ARRÊTERA NI DEMAIN, NI LE MOIS PROCHAIN, NI DANS LES TROIS PROCHAINS MOIS » EMMANUEL MACRON « ON PARLE DE BIG BANG POUR FAIRE PASSER L’IDÉE DE RUPTURE, […] À L’ARRIVÉE ON EST PLUTÔT DANS LA CONTINUITÉ » MICHEL SAPIN, ANCIEN MINISTRE PS
Source; leparisien.fr