La marche de Gaza s’achève dans le sang

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Des soldats israéliens face aux manifestants palestiniens sur la barrière de sécurité entre Gaza et Israël le 30 mars 2018.
© Tsafrir Abayov/AP

En défiant Israël à la frontière de Gaza, les islamistes du Hamas veulent se présenter comme les seuls défenseurs des droits des Palestiniens, à l’heure où la santé du président Abbas est de plus en plus fragile. L’affrontement a fait au moins 17 morts

Pénuries, réconciliation interpalestinienne avortée, 70e anniversaire de l’Etat d’Israël… Tous les ingrédients étaient réunis pour que la «marche du retour» dégénère en violences inédites vendredi à la lisière de la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement islamiste du Hamas et étouffée par le blocus israélien. «Israël fera face à de très grands défis autour de son 70e anniversaire», prédisait mercredi le chef israélien de l’Intelligence militaire, Gadi Eisenkot. Deux jours plus tard à peine, l’actualité lui a donné raison.

Près de 30 000 manifestants, au moins 17 morts selon un bilan encore provisoire, des centaines de blessés, selon le Croissant-Rouge palestinien: la marche du retour, organisée lors de la Journée de la terre qui réunit chaque année les Palestiniens, depuis 1976, autour de l’expropriation de leurs biens, a dégénéré vendredi en violences de grande ampleur. Samedi matin, le Conseil de sécurité de l’ONU a dit sa préoccupation face à ces événements.

Tirs à balles réelles

Les soldats israéliens ont tiré à balles réelles sur les manifestants. Les dirigeants de l’Etat hébreu avaient prévenu qu’ils n’hésiteraient pas à donner l’ordre d’ouvrir le feu si des Palestiniens s’approchaient de la barrière de sécurité. Le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, s’était adressé en arabe à la population de Gaza, lui enjoignant de «ne pas mettre sa vie en danger pour les aventures du Hamas».

Dans la région, chacun redoutait ce moment, et pour plusieurs raisons. L’allégresse des Israéliens à l’heure de célébrer les 70 ans de leur Etat, le 14 mai prochain, rappelle aux Palestiniens leur défaite, eux qui ont nommé cette journée «Nakba», «catastrophe» en arabe. Cette année, les habitants de Gaza soutenus par le gouvernement du Hamas ont l’intention, ce jour-là, d’établir plusieurs campements accueillant des milliers de personnes à proximité de la frontière avec Israël.

A cet anniversaire chargé s’ajoute le transfert de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Normalisation d’une situation de facto selon les Israéliens, il représente pour les Palestiniens une humiliation. C’est d’ailleurs au nom du centième jour précédant ce déménagement honni que le Hamas a revendiqué l’assassinat il y a quelques jours d’un Israélien par un Palestinien, en vieille ville de Jérusalem.

Une vieille terreur israélienne ravivée

C’est à cette lumière qu’il faut entendre les propos du chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, qui affirmait vendredi que la marche «envoie le message suivant: le peuple palestinien est uni contre l’occupation et contre le blocus et contre les concessions et contre les accords douteux». Un discours qui a ravivé une vieille terreur israélienne: celle du retour des réfugiés palestiniens, y compris dans les frontières israéliennes, vieux problème irrésolu qui hante tous les accords de paix. «Nous sommes de retour», proclamait un hashtag accompagnant les manifestations de vendredi. Un «retour» à l’idée duquel bien des esprits israéliens pourraient s’assombrir en cette période de fêtes juives de Pessah.

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