Étiquettes
François-Xavier Bourmaud
L’ex-ministre de la Ville préconise 48 milliards d’euros d’investissements supplémentaires dans la qualité urbaine.
Il voulait aider, le voilà à pied d’œuvre. Soutien affiché d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, Jean-Louis Borloo s’apprête à lui remettre son rapport sur la banlieue. Le président de la République lui en avait confié la rédaction à l’automne dernier, promettant le «retour de l’État» dans les banlieues, conscient que les quartiers populaires représentaient un angle mort de sa politique. La semaine dernière, le maire de Sevran, Stéphane Gatignon (Parti écologist), a démissionné pour dénoncer le « mépris » de l’État à l’égard des banlieues. « Il y a de plus en plus une vision de la banlieue qui est lointaine de la part des gouvernants », avait déploré l’élu réputé pour son implication dans le désenclavement des banlieues. Vendredi soir, Jean-Louis Borloo a assisté à son pot de départ, comme un relais symbolique de ce combat. Les deux hommes sont proches depuis 2005 lorsque, après les émeutes de banlieue, Stéphane Gatignon avait été le premier maire à bénéficier du plan de rénovation urbaine conçu par Jean-Louis Borloo.
Dans la matinée, l’ancien ministre de la Ville de Jacques Chirac avait assisté à un rassemblement des maires des grandes villes de France à Dijon. Objectif : lancer un appel à l’État pour qu’il donne « un nouveau souffle à la politique de la ville ». Tous s’inquiètent de voir le gouvernement laisser de côté la politique de la ville au moment où les édiles sont de plus en plus confrontés aux phénomènes de repli communautaire et confessionnel qui prennent, dans certains quartiers, « une dimension préoccupante ». Baptisé « pacte de Dijon », le texte signé par les maires est largement inspiré des travaux de JeanLouis Borloo. Il appelle notamment à clarifier les responsabilités des collectivités locales et de l’État en matière de développement économique, d’accès à l’emploi, de formation, de renouvellement urbain, de désenclavement des quartiers populaires ou d’action sociale. Sur place, JeanLouis Borloo a estimé que le système actuel était « épuisé, éparpillé, sans stratégie », avant d’appeler à « totalement changer la méthode». L’ancien ministre rencontrera très bientôt Emmanuel Macron à l’Élysée pour lui exposer « les grands axes» de son «plan de bataille pour les banlieues». Et ce plan de bataille ne manque pas d’ambition. « Nous n’avons, dit-il, fait que la moitié du chemin, il faut encore investir 48 milliards d’euros dans la qualité urbaine comme nous l’avons fait depuis trente ans. »
Éviter un nouveau front social
Pour l’exécutif, il y a urgence à se saisir du dossier, ne serait-ce que pour empêcher l’ouverture d’un nouveau front social en pleine période de grève et de contestation de la politique du gouvernement. Dans les banlieues, «la situation perdure, les maires et les associations sont parfois épuisés », a reconnu cette semaine le secrétaire d’État à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, en renvoyant la responsabilité aux gouvernements précédents. «Cela fait des années de combat sans pour autant que des solutions fortes soient apportées », a-t-il poursuivi. Pourtant, celles que défend le gouvernement, comme le dédoublement des classes en zones sensibles ou le doublement des crédits de l’Anru, n’ont pas convaincu les maires. Lesquels font désormais reposer tous leurs espoirs sur le plan banlieue. «Les toutes prochaines semaines seront cruciales. Les choix que fera M. Macron pour les sites populaires fragiles constituent l’ultime voie pour que se rétablisse, ou pas, la confiance entre plus d’un dixième du peuple de France et la nation républicaine», avaient mis en garde fin mars des maires dans un courrier adressé au président de la République.
Au-delà de cet enjeu, il s’agit aussi pour Emmanuel Macron de tenter de recoller avec l’électorat populaire qui commence à le quitter. Selon le baromètre Elabe publié par Les Échos, la cote de confiance du chef de l’État a reculé de 2 points, à 39%, avec surtout un écart qui se creuse entre sa popularité enregistrée auprès des cadres (65 %) et des classes populaires (27 %).
