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Macron recevra Mohammed Ben Salman, qui après les fastes de sa visite américaine, a opté pour plus de discrétion en France

GEORGES MALBRUNOT

Jean-Yves Le Drian accueille, dimanche au Bourget, Mohammed Ben Salman (MBS), en France pour un séjour de 48 heures.

Macron recevra Mohammed Ben Salman, qui après les fastes de sa visite américaine, a opté pour plus de discrétion en France.

« Il faut être deux pour danser le tango, on ne peut pas forcer les Saoudiens à nous suivre », regrette un diplomate au coeur de la relation entre Paris et Riyad. Cette remarque illustre le désenchantement palpable chez de nombreux industriels et experts, alors que Mohammed Ben Salman (MBS) entame ce lundi sa première visite officielle en France, depuis qu’il a été nommé, il y a bientôt un an, héritier du trône saoudien.

Un nouvel « accord de partenariat stratégique » devrait être signé par Emmanuel Macron et MBS, au terme du séjour de 48 heures en France du nouvel homme fort du royaume. Mais comme le souligne une note diplomatique à laquelle Le Figaro a eu accès, « cette visite ne devrait donner lieu qu’à un faible nombre de contrats conclus. La plupart des signatures devraient porter sur des accords d’intention non contraignants plaçant ce déplacement en dessous de nos attentes et de celles réalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni » par le fils du roi Salman, âgé de 32 ans.

Le contraste est fort avec le faste du séjour de trois semaines que MBS vient d’achever chez l’allié américain, où le ban et l’arrière-ban de la politique avaient été convoqués. La France est le quatrième pays où se rend MBS depuis qu’il est prince héritier. Après l’Égypte, il a signé le 7 mars à Londres avec Theresa May des accords pour « développer les investissements réciproques » pour un montant affiché de plus de 70 Mds d’euros sur les prochaines années. De nombreux efforts ont pourtant été déployés autour de cette visite, précédée par les déplacements à Riyad de Philippe Étienne, sherpa présidentiel, de l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major particulier du président, et de celui du directeur de cabinet de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie.

« Nous voulons engager une nouvelle méthode de coopération, explique-t-on à l’Élysée, qui passe davantage par une vision commune que par des contrats. » Autour du chef de l’État, on fait contre mauvaise fortune bon coeur. Faute de gros contrats, Paris devrait récolter le marché de la mise en valeur du site archéologique de Madaïn Saleh – près duquel 3 expatriés français avaient été tués en 2007 par des djihadistes – aujourd’hui fer de lance d’un tourisme que la nouvelle Arabie de MBS compte développer. « Nous ne sommes absolument pas déçus », insiste un proche de Macron, qui parle d’une « nouvelle philosophie » dans la relation franco-saoudienne. Depuis cinquante ans, celle-ci était fondée sur la signature de contrats pour les entreprises françaises, en échange d’un appui politique et diplomatique à l’Arabie. À l’initiative de Riyad, qui considérait la France comme « le partenaire de compensation » après les États-Unis, cette page se tourne.

« Aucun grand contrat stratégique n’a été signé depuis dix ans », constate avec amertume un expatrié à Riyad. Pourtant, la France a soutenu les exigences de Riyad sur le nucléaire iranien, puis aujourd’hui sur la menace iranienne au Moyen-Orient, et enfin sa guerre lancée au Yémen. « On nous a fait beaucoup de promesses dans le passé, ajoute l’expatrié, aujourd’hui, on nous dit qu’on nous aime toujours. Mais au-delà des mots, on veut des preuves d’amour. Regardez, dit-il, mêmes les Allemands, beaucoup plus durs que nous avec Riyad, remportent des succès : le patron de la ville futuriste Neom sur la mer Rouge est allemand, tout comme celui de la nouvelle structure d’armement que les Saoudiens sont en train de construire. »

Pendant ce temps, plusieurs pavillons français vont disparaître d’Arabie : la société Odas dans l’armement, dont la fermeture est réclamée par MBS, et la banque Saoudi-Fransi, dont le directeur français est frappé d’une interdiction de sortie du royaume dans le cadre d’une enquête financière. « Nous ne sommes plus vraiment sur les écrans radar des Saoudiens », constate un autre familier de l’Arabie. Le royaume s’est retourné vers les États-Unis depuis l’élection de Donald Trump, ainsi que vers l’Asie, voire la Russie. Quel espace reste-t-il à Emmanuel Macron ? « Après le flottement de ces dernières années, on est arrivé à l’heure de vérité », prévient François Touazi, cadre de la société Ardian et fin connaisseur de l’Arabie. Face au prince, le chef de l’État parviendra-t-il à relancer un vrai partenariat ?

Quand Macron a rencontré MBS pour la première fois début novembre à Riyad, le chef de l’État a été « cash » lorsque le responsable saoudien lui a dit « que si des entreprises françaises vont en Iran faire des affaires, le marché saoudien leur sera fermé ». « Jamais, je ne me permettrai de parler ainsi des sociétés saoudiennes », lui a rétorqué Macron, selon plusieurs sources concordantes. L’Iran sera, une nouvelle fois, au coeur de leurs entretiens. MBS cherchera à convaincre Macron que l’Iran est une menace pour le Moyen-Orient. Et Macron voudra persuader son interlocuteur qu’il peut être un médiateur pour que le MoyenOrient retrouve un peu de stabilité, la priorité du chef de l’État.

Les deux leaders, qui échangent par WhatsApp, sont des réformateurs. Lancé dans un vaste plan de transformation de la société saoudienne, MBS est entouré de technocrates jeunes, souvent venus du secteur privé. Il a décidé un gel du salaire des fonctionnaires et une diminution de 20 % de ceux des hauts fonctionnaires et ministres, ces derniers étant désormais soumis à une obligation de résultat. Autant d’initiatives qui ne peuvent que plaire à Macron, tout comme les réformes en faveur des femmes, contre la police religieuse et la corruption. « On a trop longtemps pris l’Arabie pour une vache à lait », déplore un proche du président. Les Saoudiens sont également irrités par « l’obsession de l’islam » dans le débat public français. La « magie » Macron opérera-t-elle sur MBS ? À voir.

“Si des entreprises françaises vont en Iran faire des affaires, le marché saoudien leur sera fermé ” MBS À MACRON, EN NOVEMBRE À RIYAD.

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