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Le chef de l’État bouleverse une nouvelle fois les codes en s’exprimant à deux reprises à la télévision, à trois jours d’intervalle. Ses proches assurent qu’il ne faut pas y voir une réaction aux grèves perlées de la SNCF.
MATHILDE SIRAUD
C’est la première fois qu’il va s’exprimer sur le conflit qui touche la SNCF. Alors que les cheminots entament leur deuxième semaine de grève et menacent le gouvernement d’une mobilisation encore plus longue que prévu, Emmanuel Macron lance la contre-offensive, avec, en ligne de mire, la volonté de contenir la contestation. «On entre dans une période de turbulence, on savait que le printemps serait difficile», souligne un parlementaire macroniste. « Il parle pour éviter que ça n’aille crescendo», poursuit l’élu La République en marche (LaREM). Aux ministres les discussions avec les partenaires sociaux, au président de la République la grande explication. Emmanuel Macron, qui a fait de la parole rare un marqueur de sa présidence, va donc s’exprimer en direct à la télévision à deux reprises, jeudi et dimanche, à travers quatre médias différents. Il va d’abord s’adresser à ceux qui semblent les plus opposés à sa politique, en intervenant jeudi sur TF1 sur le plateau du «13 Heures» de Jean-Pierre Pernaut (lire ci-dessous). Ce rendez-vous d’information est plébiscité par les retraités et les provinciaux, deux catégories de population inquiètes de la hausse de la CSG, de la limitation à 80 km/h sur les routes départementales, du maintien des services publics de proximité. Trois jours plus tard, dimanche, à partir de 20h35, le chef de l’État répondra en direct aux questions des journalistes Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel sur BFMTV, RMC et Mediapart.
La multiplication des foyers de contestation a-t-elle poussé le président de la République à sortir de son silence précipitamment ? L’Élysée ne fait aucun commentaire. Les proches d’Emmanuel Macron, eux, réfutent l’idée d’une intervention en réaction aux manifestations. Selon plusieurs fidèles du chef de l’État, l’interview avec Jean-Pierre Pernaut aurait été calée entre le Château et TF1 depuis «trois semaines, un mois». Quant à l’intervention sur BFMTV et Mediapart, «c’est plus récent», admet un membre du premier cercle. «Emmanuel Macron s’est exprimé au début de la campagne sur Mediapart, puis juste avant le premier tour. Il s’était engagé à y retourner un an après son élection », rappelle ce macroniste, pilier de la majorité. «C’est un métronome, il est dans son rythme, il s’exprime une fois par trimestre », comptabilise Stanislas Guérini, porte-parole du groupe LaREM à l’Assemblée. «C’est lui qui s’exprime le mieux sur son action et c’est lui que les Français veulent entendre car il a tissé un lien direct avec eux », relève de son côté François Patriat, président du groupe LaREM au Sénat.
Sur TF1, le chef de l’État devrait notamment expliquer et « assumer » la hausse de la CSG, cette pilule amère qui ne passe toujours pas chez les retraités. Sur BFMTV et Mediapart, le président fera face à deux contradicteurs connus pour leur style tranché. « Il prend des risques, c’est dans ce genre de situation qu’il excelle », souligne, avec gourmandise, un ministre de premier plan. Reste que les messages n’auront pas la même tonalité. « Son intervention sera populaire sur TF1 et plus politique sur BFMTV et Mediapart», croit savoir un parlementaire.
Les membres de l’exécutif savent qu’ils traversent une zone de turbulence. Même si les proches du président répètent que le nombre de grévistes à la SNCF faiblit, Emmanuel Macron devra trouver une sortie de crise. De récents sondages montrent que sa popularité baisse considérablement chez les retraités et les Français les plus modestes, qui ne se reconnaissent pas dans sa politique. Les législatives partielles n’ont d’ailleurs pas été un franc succès pour les candidats de la majorité. Dans la 5e circonscription des Français de l’étranger (Monaco, péninsule Ibérique), la candidate LaREM est arrivée en tête du premier tour dimanche, mais avec un recul de près de 15 points par rapport à juin. « Le président de la République est étiqueté à droite, et c’est un problème », alerte un très proche du chef de l’État. «Il n’y a pas d’urgence sociale mais une attente forte sur les engagements de la campagne», tempère un ministre macroniste, qui promet des premiers résultats de la politique menée « dans six mois ». En lançant une multitude de réformes, l’exécutif a pris le risque de brouiller la cohérence d’ensemble de l’action. Emmanuel Macron tentera jeudi et dimanche de donner sa vision pour le pays et de défendre son projet de « transformation » alors qu’il fêtera le mois prochain son premier anniversaire à l’Élysée.