Étiquettes
Docteur en droit, maître de conférences en droit public à l’Université catholique de l’Ouest Hélène Terrom revient sur les frappes en Syrie et analyse l’étrange conception du droit dont font preuve les dirigeants occidentaux.
Dans son interview du 15 avril 2018, le Président de la République a justifié les frappes conjointes américaine, britannique et française en Syrie par le recours au fondement de la « légitimité » qui semble dépasser, dans son esprit, la légalité internationale. Depuis 1945, le système de sécurité collective de la Charte des Nations unies n’autorise les interventions armées que dans deux situations : en cas de légitime défense suite à une agression armée, et sur autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans la nuit de vendredi à samedi, aucune des conditions n’était remplie.
La France n’a d’abord pas pu fonder son intervention sur la légitime défense individuelle puisque son invocation suppose une agression armée imputable à l’État sur le territoire duquel interviennent les forces en retour. Elle n’a pas pu la fonder ensuite sur la légitime défense collective puisqu’elle n’est ni alliée avec les populations victimes des armes chimiques, ni confrontée à une agression d’un de ses partenaires américain ou britannique. Le gouvernement de Theresa May a bien cherché à faire qualifier « d’agression armée » par la communauté internationale l’empoisonnement de l’ancien espion Sergeï Skripal, sans pourtant y parvenir. Si toutefois celle-ci avait été admise, la réponse légitime aurait dû cibler la Russie, visée expressément par le tweet annonciateur de Donald Trump relatif à la décision du Kremlin d’abattre tous les missiles tirés en Syrie : « tiens-toi prête Russie, ils arrivent, beaux nouveaux et intelligents ». Dès lors c’est au retour de la Guerre Froide sur le territoire d’un État tiers auquel on aurait assisté.
L’intervention alliée a violé le droit international du recours à la force de façon manifeste
Le Président de la République justifie le recours à des frappes chirurgicales en se gardant d’invoquer un quelconque acte de guerre, lui préférant le terme de « représailles ». Elles seraient ainsi implicitement exclues du système onusien et échapperaient à une quelconque limitation constitutionnelle. Si les représailles armées sont interdites par la Charte des Nations unies, interdiction confirmée par la Cour internationale de justice, les représailles non armées doivent être la conséquence d’une illicéité préalable de l’État. En admettant alors que sans être légale l’opération était légitime, pourquoi avoir annoncé que la décision était prise le dimanche précédent les frappes soit quelques heures après avoir obtenu la preuve de l’utilisation des armes chimiques, mais sans preuve officielle de leur attribution au gouvernement syrien ? Pourquoi les inspections de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques n’ont-elles pu débuter qu’après l’usage de la force sur le territoire syrien ?