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PAR JANNICK ALIMI
« Je ne suis pas un frondeur, mais… » Député de la majorité, Jean-Michel Clément, votera contre le projet de loi de Gérard Collomb qui doit être adopté ce week-end. Il nous explique pourquoi.
Depuis lundi et jusqu’à la fin de la semaine, l’Assemblée nationale examine en première lecture le projet de loi Asile et immigration porté par Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur. Une dizaine d’élus LREM pourraient s’abstenir, «quatre ou cinq» s’apprêteraient à voter contre, nous confiait mardi un marcheur. C’est le cas de Jean-Michel Clément, député LREM. Cet ancien élu socialiste explique pourquoi.
Vous voterez contre le texte asile et immigration. Pour quelles raisons ?
JEAN-MICHEL CLEMENT. Ce texte ne prend pas le problème par le bon bout. On a changé 17 fois la législation dans ce domaine en vingt ans sans en dresser un bilan. C’est une façon étrange de légiférer dans notre pays.
Vous vous opposez seulement à la méthode ?
Non. Le texte qui nous est soumis ne s’adosse à aucune stratégie publique migratoire en France. L’accent est principalement mis sur des mesures de police et non sur le premier accueil. L’accélération du processus d’accueil prive les demandeurs d’asile de leurs droits. Comment voulez-vous qu’en trois mois, des populations traumatisées, en errance, ne maîtrisant pas la langue française, soient en capacité de finaliser tout le parcours de demande d’asile ? On jette ainsi ces hommes et ces femmes dans une situation de précarité accélérée. Nous prenons aussi le risque de renvoyer chez eux des gens réellement menacés dans leurs pays.
Mais vous pouvez encore déposer des amendements sur ce texte et celui à venir sur l’intégration des réfugiés ?
Le volet intégration n’a rien à voir avec le texte que nous examinons actuellement à l’Assemblée. Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a dit et répété que ce projet de loi sur l’asile et l’immigration était un texte équilibré et qu’il ne fallait pas qu’un élément perturbateur vienne modifier cet équilibre. Sur les mineurs, par exemple, on nous promet une commission de travail ? Mais de qui se moque-t-on ?
Richard Ferrand, le président du groupe, a dit jeudi que s’abstenir sur un texte était un « péché véniel, et ne pas le voter un péché mortel ». Vous vous attendez à être exclu ? Vous allez démissionner ?
Georges Brassens disait : « Mourir pour ses idées, il y a pire comme sanction. » Je suis serein. Je comprends la logique de Richard Ferrand en tant que président de groupe, mais je pense qu’il comprend la mienne.
Valérie Rabault, la présidente du groupe Nouvelle Gauche, tend la main aux marcheurs déçus…
Que ferais-je après, si je suis exclu ? Je n’en sais rien. Je ne suis pas encore parti et la question n’est pas d’actualité.
Vous restez en accord avec la politique de réformes d’Emmanuel Macron ?
Globalement, oui. Et il n’est pas question pour moi de juger loi après loi. Je souhaite, et c’est pour cela que j’ai rallié Emmanuel Macron, que le pays se réforme mais de façon équilibrée. Je suis favorable à la réforme de la SNCF, mais je ne veux pas qu’on oublie les valeurs de gauche qui sont les miennes et qui ont permis aussi au chef de l’Etat d’être élu. C’est pourquoi il faut encore et toujours négocier avec les partenaires sociaux. Je ne suis pas un frondeur mais, sur la loi Asile et Immigration, par exemple, je dis de faire attention.