Sur le plan opérationnel, le Hezbollah n’a commis aucun attentat à l’étranger depuis celui du 18 juillet 2012 à l’aéroport de Bourgas en Bulgarie.
Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).
30 ans après la libération des otages au Liban, au lendemain des frappes en Syrie, et à la veille de la décision relative au nucléaire iranien, où en est le Hezbollah? En quoi la volonté de frapper les intérêts occidentaux pourrait elle s’affirmer?
Le Hezbollah est actuellement presque totalement accaparé par la guerre qu’il mène en Syrie en soutien du régime de Bachar el-Assad. Il y acquière une expérience guerrière qui risque de poser problème à l’avenir mais il le paye aussi au prix fort ayant eu plusieurs milliers de tués et de blessés. Il aurait aussi quelques opérationnels en Irak et surtout au Yémen. Pour l’instant, il n’a pas vraiment le temps ni le loisir de se trouver d’autres objectifs. Sur le fond, le Hezbollah n’a pas de volonté « propre ».
Quelles sont les capacités opérationnelles du Hezbollah à pouvoir frapper les occidentaux?
Ce ne sont pas les capacités opérationnelles du Hezbollah qui sont à craindre mais la diaspora libanaise qui est étendue de par le monde depuis des décennies. Le Hezbollah continue à entretenir en son sein des réseaux clandestins qui pour le moment lui servent de bases logistiques qui lui permettent de recueillir des fonds, en particulier à partir de différents trafics sans compter le racket auquel il se livre auprès des expatriés libanais, qu’ils soient chiites, sunnites ou chrétiens. Pour ses actions extérieures, il est plus discret pour Téhéran de passer par la diaspora libanaise que les par les expatriés iraniens qui sont peu nombreux et surtout généralement très surveillés.
De quelle nature sont les liens entre le Hezbollah et le régime iranien? Quelles sont les autorités iraniennes impliquées?
Depuis sa fondation au début des années 1980, le Hezbollah libanais est une « créature » des services spéciaux iraniens. Ce sont eux qui lui fournissent (une partie des) fonds, entraînement, armements et missions. C’est pour cela qu’Israël mène un certain nombre de frappes en Syrie afin d’empêcher le Hezbollah d’être approvisionné en armements modernes, en particulier en missiles sol-sol qui pourraient être utilisés lors d’une prochaine guerre contre l’Etat hébreu. Ne jamais oublier que le Hezbollah ne fait rien sans l’ordre de Téhéran.
Par contre, si Téhéran pense être acculé, en particulier en cas de rupture de l’accord 5+1 (pays membres du Conseil de Sécurité de l’ONU plus l’Allemagne) par Washington, l’arme terroriste pourrait alors revenir sur le devant de la scène, mais toujours en utilisant des intermédiaires de manière à ne pas s’exposer outre mesure. On pense immédiatement au Hezbollah libanais mais les Palestiniens du Hamas et du Jihad Islamique Palestinien (JIP) financés par Téhéran pourraient aussi être sollicités.
Il convient de ne pas oublier que les activistes formés par les services iraniens sont extrêmement motivés (ils sont les premiers avec les Tigres tamouls sri lankais à avoir mis en œuvre des attentats-suicide, bien avant Al-Qaïda puis Daech) et très professionnels. Pour comparer ce qui peut l’être, les activistes de Daech sont globalement des « amateurs » par rapport à ceux qui sont formés par la force Al-Qods des pasdaran (chargée des opérations extérieures) dirigée par le major général Qassem Souleimani.