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Il serait temps d’inciter ceux que nous avons élus à réconcilier nos peuples avec l’intérêt général, comme le général de Gaulle en son temps, estime Jean-Pierre Guéno, écrivain et éditeur.

Dans ses discours, sous les bombes du Blitz en 1941 et en 1942, celui qui gouvernerait notre pays à partir de 1958, quatorze ans après avoir sauvé l’âme de la France et au terme d’une longue traversée du désert, savait déjà qu’après avoir gagné la guerre contre la barbarie, il faudrait gagner la paix, en affrontant d’autres formes de barbarie.

Il pensait que l’homme de la fin du deuxième millénaire ne pouvait pas se permettre de livrer à la spéculation, aux lois du marché et des cartels, les arguments fondamentaux de la cohésion sociale : l’accès équitable de tous à l’éducation, à la culture, à la santé, à l’énergie, aux transports, aux outils de communication, à l’eau, à l’épargne, à un toit et à un travail honorable. Il voulait que l’État redevienne le pilote de cette arche de Noé que constituait la nation, et que cette nation ne pouvait pas devenir une machine à exclure une partie des citoyens qui la composent.

En 1944 et 1945, à la tête du gouvernement provisoire formé par la Libération, éclairé par les lumières du Conseil national de la Résistance, Charles de Gaulle était passé aux actes avant de transmettre le flambeau : après une première vague de nationalisations visant à sanctionner des entreprises qui avaient collaboré avec l’occupant nazi, une deuxième vague avait touché les grandes banques puis les compagnies charbonnières, de gaz et d’électricité, pour finir par les grandes sociétés d’assurance et par les entreprises du transport terrestre, aérien et maritime.

La Constitution de 1946 établissait que « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation avait ou acquérait les caractères d’un service public national » devait devenir la propriété de la collectivité.

L’intéret général d’abord

Depuis 1986, une vague d’ultralibéralisme semble déferler sur l’Europe, réhabilitant cette vieille loi de la jungle et ce cannibalisme moderne qui poussent les hommes à s’entre-dévorer. Nous avons besoin de cash à court terme pour régler nos dettes et nos problèmes de trésorerie, au mépris des règles du développement durable. Nos échéances électorales et comptables donnent le tempo d’une compétition effrénée de court-termisme. Nous vendons ou revendons nos bijoux de famille tels que nos autoroutes, nos ports ou nos aéroports et privatisons progressivement ceux des services publics qui garantissent notre cohésion sociale : leurs secteurs rentables sont livrés à la spéculation et vite écrémés par des actionnaires qui négligent leurs infrastructures et leurs réseaux humains.

Ils risquent de continuer à se délabrer ou à se raréfier, aggravant la désertification des territoires et le développement de nos mégalopoles avec leurs ceintures de pauvreté. Certains pays privatisent leurs armées en ayant recours à des mercenaires. Ira-t-on jusqu’à privatiser les pompiers, la police et le Samu ? Il serait plus expéditif et moins hypocrite de privatiser nos consciences.

Le Conseil national de la Résistance était né en mai 1943 sous la présidence de Jean Moulin, en pleine période de barbarie. Pour lutter contre les nouvelles formes de barbarie moderne, il serait peut-être judicieux d’inciter ceux que nous avons élus à réconcilier nos peuples avec l’intérêt général, en réalisant la condition sine qua non du sauvetage de la paix et de « l’ordre du monde » formulée par Charles de Gaulle en novembre 1941 : « Le triomphe de l’esprit sur la matière. » »

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