Étiquettes
© GABRIELE PUTZU/KEYSTONE
Le conseiller fédéral évoque des propositions pour le conflit israélo-palestinien qui, à l’instar de celles de Donald Trump, font fi de l’histoire et de la réalité.
Donald Trump a apporté un «regard neuf» au conflit israélo-palestinien. Faisant fi de l’histoire et de décennies d’efforts diplomatiques, pratiquant la politique de l’éléphant dans un magasin de porcelaine.
C’est au même exercice que semble vouloir se livrer le conseiller fédéral Ignazio Cassis. Revenant d’une visite en Jordanie, le chef de la diplomatie suisse a remis en cause frontalement, et publiquement, le rôle de l’UNRWA, cette agence de l’ONU chargée depuis sept décennies de s’occuper des réfugiés palestiniens et de leurs descendants.
Comme le statut de Jérusalem, la question des réfugiés est au cœur de cet interminable conflit. Et elle a été retenue comme telle par toutes les tentatives de règlement qui l’ont parsemé. Ignazio Cassis a raison, cette affaire s’éternise. Et pour cause: alors que, pratiquement partout ailleurs, les réfugiés peuvent rentrer chez eux une fois le conflit terminé, ici, ce n’est pas le cas. Le conflit dure encore, et les réfugiés palestiniens (passés entre-temps de 750 000 à plus de 5 millions) n’ont pas de chez-eux. Israël n’en veut pas et la Palestine, en tant qu’Etat, n’existe pas.
La solution proposée par le conseiller fédéral passe par une «meilleure intégration» de ces réfugiés dans leur pays d’accueil. En a-t-il parlé à ses collègues de la région? Cette question a déjà provoqué des épisodes particulièrement sanglants au Liban et en Jordanie, sans même parler de la Syrie où les réfugiés palestiniens sont les victimes quotidiennes des bombes du régime. L’histoire de cette région est affreuse et implacable. Les regards neufs sont bienvenus, à condition qu’ils en tiennent compte.
la loi de la jungle
Tirer un trait sur la question du statut de Jérusalem ou sur la question des réfugiés palestiniens – comme semble le suggérer Ignazio Cassis – c’est simplement nier l’essence même du conflit israélo-palestinien. Dans ce panorama sanglant, complexe, retors et désespérant qu’offre le Proche-Orient, l’UNRWA est précisément l’un des seuls acteurs à tenir le cap. Loin de représenter un vaste repaire d’assistés, elle constitue – par son rôle dans la formation et la santé des Palestiniens – un équivalent d’épine dorsale. Elle soutient non seulement la région, mais son apport est aussi décisif pour trouver un éventuel chemin vers la paix.
Alain Berset tempère les propos d’Ignazio Cassis
Alain Berset s’est entretenu vendredi avec Ignazio Cassis au sujet de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Le chef du Département fédéral des affaires étrangères, qui vient de se rendre au Proche-Orient afin de visiter un des camps de l’UNRWA en Jordanie en compagnie notamment du Suisse Pierre Krähenbühl, commissaire général de l’UNRWA, s’était montré critique envers cette agence jeudi.
«Il ressort de cet échange qu’il n’y a pas de changement dans la politique de la Suisse au Proche-Orient […]. En particulier, il n’y a pas de changement concernant le soutien à l’UNRWA, partenaire stratégique de la Suisse, qui joue un rôle essentiel pour la stabilité de la région et la lutte contre la radicalisation», explique Alain Berset dans une prise de position diffusée par la Chancellerie fédérale. Et d’ajouter que «la Suisse continuera à s’engager comme elle l’a fait jusqu’ici dans la réforme de l’UNRWA».
Justifiant ses propos, Ignazio Cassis avait indiqué que tant que les Palestiniens vivront dans des camps de réfugiés, ils caresseront le rêve de rentrer un jour dans leur patrie […] et qu’«il est irréaliste d’imaginer un retour pour tous», sous-entendant que l’UNRWA entretenait cet espoir et que l’aide apportée sur place par cette agence maintenait dans un sens le conflit vivace. Il privilégiait une intégration des réfugiés de longue date dans les pays où ils résident. Et plutôt que de soutenir des écoles et hôpitaux de l’UNRWA, la Suisse pouvait, selon lui, aider les institutions jordaniennes à encourager l’intégration des réfugiés.