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Le président Donald Trump.

Le président américain Donald Trump Photo : La Presse canadienne/Evan Vucci

Négocier avec Donald Trump, c’est un peu comme essayer d’attraper une mouche avec des baguettes chinoises : on peut essayer longtemps, et parfois, on va même passer proche. Mais à la fin, la mouche va toujours nous échapper.

Une analyse de Michel C. Auger,

On ne compte plus le nombre de fois, au cours des derniers mois, où on entendait qu’un accord sur la renégociation de l’ALENA était à portée de la main. Et notre ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a pris et repris l’avion pour Washington pour revenir les mains vides quelques jours plus tard.

La semaine dernière, Justin Trudeau était prêt à prendre l’avion lui-même pour aller rencontrer Donald Trump, quand le vice-président Mike Pence l’a appelé pour lui dire que tout accord devait contenir une clause crépusculaire, c’est-à-dire qu’il faudrait renégocier l’entente tous les cinq ans. Ce qui est, bien évidemment, inacceptable pour le Canada. Cela avait été clair dès le premier jour des négociations.

Il y a plusieurs raisons pour cette attitude. D’abord, M. Trump a une capacité infinie de faire diversion. Vendredi, il disait qu’à tout prendre, il préférerait une entente avec le Canada et une autre distincte avec le Mexique. Plus tôt dans la semaine, on parlait encore d’un accord à trois.

C’est sans compter les autres diversions des derniers jours : de possibles pardons présidentiels pour des vedettes comme Martha Stewart ou le sommet annulé puis ressuscité avec la Corée du Nord. Sans oublier la visite de Kim Kardashian dans le Bureau ovale pour discuter… des politiques pénitentiaires.

Quand ce n’est pas d’autres éléments de la téléréalité Trump qui défilent sur les écrans. De Stormy Daniels aux tweets sur ses adversaires, quand ce n’est pas carrément des commentaires sur les cotes d’écoute ou sur les journaux qui ne répètent pas la bonne parole de la Maison-Blanche.

America First

Dans toutes ces distractions, deux choses demeurent constantes. D’abord, ce que M. Trump répète depuis le tout premier jour de sa présidence : « America First ». Ce qui se traduit de plus en plus par un refus de toute instance internationale.

La plus forte économie du monde aura beaucoup moins de compromis à faire si elle est seule contre un partenaire plus petit. Mais c’est aussi le principe que les États-Unis n’ont besoin de personne et doivent cesser de payer pour tout le monde.

Quelques mois seulement avant d’être élu, M. Trump remettait même en question les ententes de défense comme l’OTAN et – c’était avant son flirt avec le dictateur nord-coréen – et voulait que la Corée du Sud paie bien davantage pour les troupes américaines sur son territoire.

« America First », c’est aussi une conception du commerce international où il doit nécessairement y avoir un gagnant et un perdant. Et on peut toujours trouver un déficit commercial quelque part et se plaindre que le Canada ou le Mexique sont avantagés dans ses échanges avec les États-Unis.

Et si cela devait causer le chaos dans les relations commerciales internationales, cela n’a guère d’importance pour le président Trump qui semble avoir élevé le chaos au rang de théorie de gouvernement. Il aime parler à des partenaires qui sont complètement déstabilisés par ses actions.

D’abord, la base

Ils tiennent des pancartes le long d'une route.

Des partisans de Donald Trump Photo : Associated Press/Dave Scherbenco

L’autre constante chez M. Trump est une politique destinée à préserver la base électorale qui lui a permis de l’emporter. Une base qui, contre toute attente, se maintient depuis le début de sa présidence autour de 40 % des Américains.

Une base qui doit rester mobilisée à court terme, en vue des élections de mi-mandat en novembre. Et une base dont on ne sait comment elle réagira dans un scrutin où le nom de M. Trump ne sera pas sur les bulletins de vote. Barack Obama avait exactement le même problème avec sa propre base, surtout chez les Afro-Américains.

Il était toutefois plus facile de promettre un mur sur la frontière du Mexique – qui allait être payé par le Mexique – que de trouver les fonds au Congrès pour le construire. Mais M. Trump parle encore du mur, parce qu’il est populaire avec sa base, même s’il y a de moins en moins de gens pour y croire.

Il ne parle guère plus de la réouverture des mines de charbon, parce que le marché fait en sorte que ces mines ne sont tout simplement plus rentables. Mais il parle encore des milliers d’emplois qui sont partis à l’étranger dans les industries de l’acier ou de l’aluminium. Des pertes d’emplois du « Rust Belt », où il a obtenu sa majorité du Collège électoral lors de son élection.

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’imposition de tarifs sur l’acier et l’aluminium – au nom de la sécurité nationale – aux pays qui, comme le Canada, le Mexique ou l’Union européenne, sont non pas des ennemis, mais les alliés des États-Unis.

Pour ce président, il est beaucoup plus important de faire rêver sa base électorale aux emplois retrouvés dans les aciéries de Pittsburgh ou du Midwest que de conserver de bonnes relations avec ses alliés.

À la fin, qu’est-ce que tout cela signifie pour des pays comme le Canada? Qu’il est bien inutile de négocier avec un partenaire qui ne veut pas négocier. Qui n’a pas l’intention de conclure un accord et dont les actions sont dictées par toute autre chose.

Le gouvernement Trudeau, comme d’autres, en est finalement arrivé à cette conclusion cette semaine : on ne peut pas négocier avec quelqu’un qui ne veut pas négocier. Et ça va rester comme ça, au moins, jusqu’aux élections de mi-mandat, aux États-Unis, en novembre.

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