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C’est sa garde rapprochée. Économistes, hauts fonctionnaires, intellectuels… Ils soutiennent Emmanuel Macron depuis le début de son aventure et sont aujourd’hui aux manettes de l’État. Qui sont-ils ? Les élites se renouvellent-elles vraiment ? Et au fait, où sont les femmes ?
Et si le renouvellement promis par Emmanuel Macron était une apparence plus qu’une réalité ? Un « nouveau monde » finalement bien classique ? Sur un point, en tout cas, le principal constat de notre enquête sur la garde rapprochée du « PR » est accablant : deux femmes seulement sur les vingt-six profils que nous avons retenus (Brigitte Macron occupant bien sûr une place à part). Conseillers de l’ombre, élus et ministres de confiance, chefs d’entreprise, intellectuels, artistes… La macronie est très, très majoritairement masculine. Que ce soit dans le cercle issu de son cabinet à Bercy ou parmi la pléthore d’experts qu’il consulte depuis le début, la présence des hommes est écrasante. Pourtant, Macron avait fait de la parité un axe fort de sa campagne. Pour les législatives, il y avait autant de femmes que d’hommes parmi les candidats de son mouvement La République en marche. Mais plus on s’approche du cœur du pouvoir, moins cette promesse d’égalité s’applique. On dénombre 30 % de femmes (16 sur 52) dans le cabinet d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Et l’équilibre du gouvernement d’Édouard Philippe dissimule mal le désert féminin dans les tout premiers cercles de la macronie.
Ce n’est pas l’unique constat. Autre ligne de force : les fidèles du président sont prêts à tout donner pour lui, et lui vouent une admiration sans limite. Ils lui doivent tout et le lui rendent bien. En retour, le président est d’une exigence immense. Certains ont à peine 30 ans et occupent déjà des postes clés à l’Élysée, dans les ministères ou à l’Assemblée. D’autres sont quinquagénaires ou sexagénaires (voire plus) et vivent avec lui l’expérience politique la plus forte de leur carrière. Tous ceux qui ont cru depuis le début à sa folle aventure se retrouvent aujourd’hui aux avant-postes.
Troisième constat, celui de la multiplicité des cercles. Pour comprendre comment fonctionne le pouvoir sous Macron, il faut faire un tout petit peu de géométrie. Les cercles autour d’Emmanuel Macron sont nombreux. Il y a d’abord la garde rapprochée (Ismaël Emelien, Alexis Kohler, Julien Denormandie…), ceux qui étaient avec lui à Bercy et qui l’ont suivi sans hésiter dans sa folle aventure d’En marche ! (à l’inverse d’un Édouard Philippe nommé après la victoire). Aucune décision ne se prend sans eux. Il y a ensuite le groupe des ralliés politiques (Richard Ferrand, Gérard Collomb, Christophe Castaner…), des élus en rupture de ban avec leur parti d’origine (souvent le PS) et qui se sont lancés dans une nouvelle aventure. Il y a ensuite les experts (Jean-Marc Borello, Gaël Duval…), qui ont nourri le programme pendant la campagne et qui continuent à alimenter le président depuis. Il y a la galaxie de la société dite civile (Leïla Slimani, Stéphane Bern…). Ils ne sont pas des « politiques » mais Macron s’appuie sur eux pour mettre en œuvre son programme très dense et piocher de nouvelles idées. De ces cercles, il ne faut pas oublier le dernier, celui des économistes. Ceux-ci l’ont aidé à bâtir son programme et ils ont, malgré une arrivée tardive dans le monde de la macronie, aussi une utilité politique pour le président. Tour d’horizon.
Une tête bien faite, une société de conseil en vogue, un carnet d’adresses bien rempli, sans oublier un passe- temps d’essayiste et d’éditorialiste. Depuis presque une décennie, Mathieu Laine, 43 ans, fait partie de ceux qui murmurent à l’oreille de Macron – dont il était le camarade de promotion à Sciences Po – et qui le font savoir. Libéral décomplexé, il a réédité à son compte les oeuvres complètes de Turgot, le contrôleur général des Finances de Louis XVI. Au début de la campagne, Laine a milité pour une alliance entre Fillon et Macron, entre le libéral- conservateur et le libéral- progressiste… Chou blanc. Multicarte, Mathieu Laine aime aussi se glisser dans l’univers des people. C’est lui qui a convaincu Laeticia Hallyday de s’exprimer dans Le point au sujet de l’héritage polémique de Johnny.
Professeur d’emmanuel Macron à Sciences Po ( il l’a préparé pour l’oral de « Questions sociales » à l’entrée de L’ENA), il a surtout été l’un des premiers à croire en son destin présidentiel. Jean- Marc Borello, 60 ans, est à part dans l’environnement du président. Un électron libre qui n’est pas dans le moule de la macronie, et qui n’a pas envie d’y entrer. Avec sa carrure de rugbyman et son accent légèrement rocailleux, il affiche un parcours hors norme, loin, très loin des grandes écoles. D’abord éducateur spécialisé, Jean- Marc Borello a aussi été conseiller de Gaston Defferre à la mairie de Marseille et dirigeant des établissements de la chanteuse Régine à Paris. Jean- Marc Borello est le fondateur et le patron de Groupe SOS, qui réunit des entreprises spécialisées dans l’insertion, la santé ou encore le commerce équitable et se trouve, de facto, le numéro un de l’économie solidaire en France. Avec près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, Groupe SOS permet non seulement à son fondateur d’être une référence en matière d’économie sociale mais aussi d’être surnommé le « Bill Gates du social » . Ancrage à gauche du candidat Macron, délégué national d’en marche ! dès sa création, Jean- Marc Borello est celui qui a alerté le futur président sur les fractures du pays, sur cet ascenseur social dont beaucoup ne voulaient plus voir la panne prolongée. Il n’a pas voulu être ministre. Pour garder sa liberté, et surtout continuer à dire ses vérités, y compris au président.
C’est un expert en communication, un homme qui compte depuis presque quarante ans au sein de la gauche, et aujourd’hui un « ami vrai » d’emmanuel Macron. Il est pourtant difficile de mettre Philippe Grangeon, 61 ans, dans une seule case. Communicant mais aussi stratège politique, proche de la CFDT et homme d’entreprise ( Cap Gemini), il a participé à des victoires historiques de la gauche, comme celle de Bertrand Delanoë, à Paris, en 2001. Venu de l’extrême gauche des années 1970 ( rapidement quittée), aujourd’hui partisan de cette deuxième gauche, la réformiste, il est passé par le cabinet de Dominique Strauss- Kahn à Bercy, comme tant d’autres conseillers d’emmanuel Macron. Après avoir soutenu François Hollande en 2012 et avoir été un visiteur du soir sous son quinquennat, c’est tout naturellement qu’il en vient à Macron au moment de la création d’en marche !. Une figure importante qui n’apparaît jamais ( malgré son 1,92 m). Philippe Grangeon incarne la définition parfaite de l’homme de l’ombre, dont le rôle et la connaissance des arcanes politiques sont aussi primordiaux que son invisibilité. À l’élysée, le président l’a décoré de la Légion d’honneur, signe remarqué de reconnaissance. Jusqu’à l’année dernière, Philippe Grangeon n’avait jamais tenté de passer de l’autre côté de la barrière et de devenir à son tour un élu. Il a tenté d’intégrer le Sénat en septembre dernier, sous les couleurs de La République en marche. Son échec surprise le convainc que sa place est définitivement dans les coulisses du pouvoir.