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Par Anaïs Gérard   Cécile Olivier

« Nous allons suivre pour l’essentiel les préconisations du rapport Weil pour avoir un nombre d’académies correspondant au nombre de régions », déclarent à AEF info la ministre de l’ESRI Frédérique Vidal et le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer le 16 juillet 2018. La réorganisation, prévue pour début 2020, se fera par « étapes successives », « en accord avec les collectivités ». Pour « être efficace », l’organisation de chaque territoire n’a « pas vocation à être strictement identique » : les recteurs de région académique feront des propositions pour janvier 2019. La réforme implique d' »accentuer » le rôle des Dasen, de « repenser » la mission des chanceliers d’université, de travailler sur le rôle du recteur dans le dialogue de gestion, de réfléchir au positionnement du DRRT. Les ministres s’expriment aussi sur la fonction de recteur, qui « exige une multitude de compétences ».

Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal. © MESRI

AEF info : Le Premier ministre a réuni le 16 juillet 2018 les recteurs à Matignon, pour évoquer les suites du rapport de la mission Weil sur l’organisation territoriale de l’Éducation nationale et de l’ESR (lire sur AEF info). Qu’a décidé le gouvernement ?

Jean-Michel Blanquer : Tout le monde reconnaît que la réforme régionale de 2015 nous a placés dans une situation intermédiaire et parfois dans une ambiguïté dont il faut sortir. Nous allons donc suivre pour l’essentiel les préconisations du rapport pour instaurer de véritables régions académiques et avoir un nombre d’académies correspondant au nombre de régions. Cette évolution doit nous permettre de rééquilibrer certains aspects de la réforme de 2015 : nous devons notamment éviter une « métropolisation » supplémentaire et engager une réorganisation au bénéfice de tous les territoires régionaux.

AEF info : Quel est le calendrier de mise en œuvre de cette réforme qui va aboutir à l’instauration de 13 académies métropolitaines ?

Jean-Michel Blanquer : Nous allons procéder par étapes successives, en fonction de la maturité des projets et du dialogue avec les élus locaux. Il est important de mener cette réforme en accord avec les collectivités. Nous avons déjà commencé par la Normandie (lire sur AEF info), ensuite deux ou trois régions vont suivre, et ainsi de suite.

Frédérique Vidal : Les recteurs de région académique, avec leurs collègues recteurs, doivent nous faire des propositions d’organisation d’ici à janvier 2019. Nous y travaillerons ensuite toute l’année 2019, en articulation avec les projets de territoires portés par Jacques Mézard [ministre de la Cohésion des territoires], pour une mise en œuvre des grandes régions académiques à l’horizon début 2020.

L’organisation de chaque territoire, pour être efficace, n’a pas vocation à être strictement identique : cela dépend de sa topographie et sa typologie. L’idée est de sortir d’un modèle unique et de répondre aux objectifs fixés au niveau national par une organisation qui se décline en fonction de la réalité des territoires. La réforme se construira en écoutant les territoires.

« Il n’y aura ni perdants, ni gagnants, mais une répartition des rôles. »

AEF info : Avec un rectorat par région, comment garantir les services de proximité, comme le dialogue avec les établissements scolaires par exemple ?

Jean-Michel Blanquer : Les services de l’Éducation nationale pourront être présents sur l’ensemble des territoires. Nous allons également accentuer l’action départementale et infradépartementale pour encourager des formules de gestion du système scolaire au plus près du terrain. Car la première conséquence de la régionalisation doit être d’avoir une vision stratégique à l’échelle de chaque grande région et des compétences renforcées à l’échelle de chaque département pour prendre des décisions pragmatiques au quotidien ; c’est le cas par exemple des expérimentations en cours sur la GRH de proximité (lire sur AEF info).

Lancée d’abord dans une logique expérimentale, notamment en Normandie et dans l’académie de Toulouse, cette procédure, sous pilotage des recteurs et des Dasen, doit permettre d’humaniser la GRH. Menée à l’échelle de plusieurs établissements, elle doit offrir par exemple une vision de la carrière des professeurs, en les recevant régulièrement. Elle permet une gestion de proximité en englobant plusieurs établissements, s’appuyant ainsi sur une masse critique.

AEF info : Quels sont les enjeux d’une telle réforme pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

Frédérique Vidal : Du côté du MESRI, nous porterons une attention particulière à l’articulation « enseignement supérieur – recherche –  innovation » pour prendre en compte un écosystème complet sur chaque territoire. Cela implique de repenser la mission des chanceliers des universités par rapport à ce que sont les universités. Cela doit leur permettre d’avoir une vision, y compris sur des territoires infra-régionaux, de la réalité et de la pertinence de l’offre de recherche et de formation, des manques éventuels, de l’offre d’apprentissage à travers les campus des métiers. Tout cela se travaille d’autant mieux que l’on connaît bien la typologie des territoires et cela permettra de mettre en place un dialogue de gestion avec l’ensemble des partenaires : l’État et les établissements, mais aussi les collectivités qui pourront être associées.

La périodicité à laquelle on peut discuter des stratégies avec les établissements autonomes est très dépendante de la facilité qu’ils ont à rejoindre Paris. Je parle souvent de signature des établissements : elle doit avoir un ancrage territorial fort. Et la relation des présidents d’université et chefs d’établissement avec les recteurs repose sur la discussion et le partage d’informations. Il ne sera plus nécessaire de se déplacer systématiquement à Paris : le recteur représente le ministre et connaît l’écosystème local. Sa disponibilité est celle d’un interlocuteur présent au quotidien, qui ne se substitue pas aux directions centrales, mais qui vient renforcer la compréhension fine de la situation de chaque établissement.

AEF info : Allez-vous confier aux recteurs de région académique le pilotage du supérieur sans attendre la réforme, comme le préconise le rapport Weil ?

Frédérique Vidal : Ce n’est pas prévu car nous avons besoin d’identifier ce que j’appelle les bassins versants qui ne sont pas forcément délimités par les frontières administratives. Cela fait partie des choses sur lesquelles les recteurs devront nous faire des propositions : que cela ait du sens par rapport à l’objectif à atteindre. On ne doit pas s’interdire de penser parfois plus large que les frontières administratives, et notamment pour mettre les formations supérieures au plus près des jeunes.

AEF info : Côté enseignement scolaire, allez-vous instaurer une délégation de budget aux rectorats ?

Jean-Michel Blanquer : Dans le cadre d’expérimentations, les académies pourront tester beaucoup de choses, y compris une délégation de budget. Certaines ont déjà des fonctionnements intéressants, comme à Versailles. Ces initiatives peuvent inspirer d’autres académies pour voir comme appliquer un principe de subsidiarité dans la gestion de l’Éducation nationale.

On peut prendre dans chaque académie un exemple qui peut être utile pour les autres. Par exemple, dans certains endroits, il n’y a déjà plus qu’un seul Dafpic et des mutualisations sont déjà engagées. Cela tire tout le monde vers le haut car dans des académies voisines, l’une fonctionne mieux sur certains aspects et l’autre sur d’autres aspects. Ce que nous attendons, c’est une vraie modernisation des services : une façon de travailler différente qui associe une vision stratégique avec une vision de terrain. Une série de cercles vertueux vont s’enclencher.

AEF info : Comment traiter le cas particulier de l’Île-de-France ? Allez-vous appliquer le même calendrier ?

Frédérique Vidal : L’Île-de-France sera un cas particulier mais pourra aussi être une source d’inspiration pour d’autres régions : en Île-de-France, vous le savez, nous avons un vice-chancelier des universités auprès du recteur qui est l’interlocuteur des établissements à l’échelle de la région académique. Nous pensons que c’est un bon modèle qui aurait du sens ailleurs qu’en Île-de-France. Là aussi, c’est sur la base des propositions faites par le recteur de région que nous pourrons travailler : il y a évidemment des problématiques et une taille particulières. L’objectif est d’avoir une organisation à la fois cohérente et efficace.

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