Au micro de RTL ce vendredi, Gerald Darmanin justifiait une nouvelle fois la hausse de la taxe sur les carburants. Selon le ministre de l’Action est des Comptes publics, elle inciterait les gens à changer de moyen de transport. N’est-ce pas là une forme d’aveuglement social étant donné que tous les Français n’ont pas les moyens financiers d’en changer ni de troquer leur voiture pour une voiture électrique ?
Jacques Bichot : Vouloir inciter les gens à changer de moyen de transport est le signe d’un esprit dirigiste et peu attentif aux problèmes des gens. G. Darmanin se croit sans doute beaucoup plus intelligent que Mr Dupont et Mme Durand, et il veut guider ces demeurés sur la bonne voie : quel paternalisme ! Il serait mieux inspiré en réfléchissant avant de prendre des décisions. Hélas, l’homme ne sait pas encore se déplacer sans consommer de l’énergie. Celle-ci étant coûteuse, les constructeurs de moyens de transports, notamment les firmes automobiles et les constructeurs d’avions (et bien sûr surtout les motoristes), font travailler leurs ingénieurs sur le moyen de consommer moins d’essence ou de kérosène.
Ils ont déjà fait des progrès impressionnants, et ils en feront probablement encore. Les firmes qui s’occupent du transport ferroviaire sont elles aussi orientées dans ce sens. En revanche, les pouvoirs publics prennent souvent des mesures contraires à leur souci affiché. Par exemple, la réglementation qu’ils édictent, sous forme de dos d’âne artificiels en particulier, obligent sans raison valable les conducteurs à freiner puis accélérer, c’est-à-dire à gaspiller de l’énergie.
Il faut bien voir aussi que nombre d’usagers sont captifs, obligés de prendre leur automobile ou leur moto pour aller travailler, aller faire des courses, aller chez le médecin, etc. Et surtout, le ministre cité pourrait saluer le développement du covoiturage et de la bicyclette : les Français ne sont pas des imbéciles auxquels le ministre doit expliquer tout ce qu’ils doivent faire, ils savent bien que l’essence est chère, et que son prix a augmenté ces temps derniers pour des raisons internationales auxquelles nous ne pouvons pas grand-chose. Qu’un ministre chargé de faire rentrer l’argent dans les caisses publiques augmente les taxes, évidemment, il faut s’y attendre, mais on aimerait que lui et ses collègues s’occupent davantage de l’efficacité des services de l’Etat : la productivité y est globalement mauvaise. Ainsi qu’à la SNCF, les Français l’ont constaté à leurs dépens. Or là où le rail pourrait engendrer de grandes économies d’énergie, à savoir le transport de marchandises, car le train consomme beaucoup moins que le camion par tonne-kilomètre, c’est là que la France est affreusement faible, par exemple en comparaison de l’Allemagne.
Dernière remarque, la voiture exclusivement électrique est pour l’instant un gadget. Et si d’aventure elle devient vraiment opérationnelle (capable de faire 1 000 KM sans s’arrêter des heures pour recharger) restera le problème de la production d’électricité : on entend fermer des centrales nucléaires encore en excellent état de marche, selon les spécialistes, alors que l’éolien et le solaire ne peuvent pas les remplacer pour ce qui est d’économiser le pétrole et le gaz : intermitents, ils requièrent de maintenir des centrales thermiques pour la nuit et les jours sans vent.
Philippe Crevel : Evidemment que l’augmentation des taxes sur l’énergie se fait de plus en plus sentir à la fois parce qu’elles augmentent année après année. Le gouvernement a décidé d’accroître la taxation sur le gasoil mais aussi l’essence d’ici 2022 avec un surcroît de taxe qui pourrait atteindre jusqu’à 14 milliards d’euros d’ici 2022. On est donc donc sur des montants extrêmement importants.
Pour une famille ce surcroît peut atteindre jusqu’à 70 euros chaque année. Donc, c’est naturellement un coût important. Le problème c’est évidemment changer de voiture, c’est problématique pour les français à revenus modestes voire même les classes moyennes à faibles revenus.
D’autre part, cette politique de majoration des produits énergétiques ne s’accompagnent pas d’une politique ambitieuse en matière de substitution énergétique. On ne crée pas dans tous les villes de France des stations de prises électriques, on ne favorise pas le moteur à hydrogène et on ne favorise pas non plus les transports publics. Si l’on parle du Grand Paris, par exemple, la programmation est extrêmement lente (on voit des reports après 2023, 2024 pour certaines lignes de métro).
Ce sont donc évidemment ceux qui ne peuvent pas se soustraire à la contrainte automobile, ceux qui vivent en banlieue ou en milieu rural, qui sont fortement pénalisés par cette politique. Ainsi, cela peut créer de la frustration voire de l’énervement politique à l’encontre du gouvernement.