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«Nous sommes en train de parler directement avec le gouvernement de l’Arabie saoudite pour régler ce différend diplomatique», a mentionné Justin Trudeau.
Photo: Chris Young La Presse canadienne «Nous sommes en train de parler directement avec le gouvernement de l’Arabie saoudite pour régler ce différend diplomatique», a mentionné Justin Trudeau.

Justin Trudeau assure que son gouvernement continuera de défendre le respect des droits de la personne dans le monde, mais il ajoute du même souffle qu’il ne souhaite pas avoir « de mauvaises relations avec l’Arabie saoudite » et que le royaume sunnite a fait « du progrès au niveau des droits humains ».

Le premier ministre canadien s’exprimait ainsi pour la première fois sur la crise diplomatique qui s’envenime de jour en jour entre le Canada et l’Arabie saoudite.

En marge d’une annonce effectuée au siège social de l’entreprise CAE à Montréal mercredi, M. Trudeau a révélé que la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, s’est entretenue mardi avec son homologue saoudien, Adel Al-Jubeir.

« Nous sommes en train de parler directement avec le gouvernement de l’Arabie saoudite pour régler ce différend diplomatique », a mentionné M. Trudeau.

« On ne veut pas avoir de mauvaises relations avec l’Arabie saoudite, un pays qui a une certaine importance dans le monde et qui fait du progrès au niveau des droits humains », a fait valoir le premier ministre.

Un ton qui sonne plus conciliant, alors que le gouvernement saoudien ne décolère pas et poursuit sa riposte punitive.

Après avoir ordonné l’interruption des relations diplomatiques entre les deux pays, le gel des échanges commerciaux, la suspension de vols aériens et la relocalisation des 7000 Saoudiens étudiant au Canada grâce à une bourse de leur gouvernement, le richissime royaume a annoncé mercredi qu’il mettrait fin aux programmes de traitements médicaux de ses citoyens au Canada.

La Banque centrale saoudienne a quant à elle demandé à ses gestionnaires d’actifs à l’étranger de se départir des actions, obligations et liquidités canadiennes « quel qu’en soit le coût », selon le Financial Times.

M. Trudeau est-il surpris par la virulence de la réaction saoudienne ?

« Il n’y a aucun secret que le Canada parle haut et fort de ses valeurs et de ses attentes dans le monde », a-t-il répondu. Le premier ministre dit tenir le même discours de promotion des droits de la personne avec tous ses interlocuteurs, « tout en cherchant à avoir des relations constructives ».

« C’est exactement la même approche que nous avons toujours prise avec l’Arabie saoudite et c’est ce que nous allons continuer de faire », a-t-il déclaré.

M. Trudeau n’a pas voulu dire si le gouvernement offrira une compensation financière aux entreprises qui pourraient pâtir de cette secousse diplomatique tout aussi caustique qu’inattendue. Des milliers d’emplois pourraient notamment être perdus à London, en Ontario, si le royaume wahhabite annulait le contrat d’achat de véhicules blindés légers de 15 milliards de dollars conclu avec l’entreprise General Dynamics Land Systems.

« Les Canadiens s’attendent à ce que leur gouvernement parle clairement, fermement et poliment du respect des droits humains partout dans le monde, et c’est quelque chose que nous allons continuer de faire », a insisté M. Trudeau.

Piqué au vif

Riyad a été piqué au vif par un commentaire publié la semaine dernière sur Twitter par la ministre Freeland, dans lequel elle demandait la libération de Raïf Badawi et de sa soeur Samar. Le ministère canadien des Affaires étrangères avait quant à lui réclamé la « libération immédiate » des activistes politiques détenus en Arabie saoudite.

Selon le royaume saoudien, il s’agit là d’une ingérence inacceptable qui viole sa souveraineté. Et le prince héritier Mohammed ben Salmane semble bien déterminé à faire du Canada un exemple pour s’assurer que d’autres pays ne s’aventurent pas sur la même voie.

En point de presse à Riyad mercredi, le ministre des Affaires étrangères Adel Al-Jubeir a poursuivi sa bravade contre le Canada en haussant une fois de plus le ton. « Le Canada a fait une grosse erreur, a-t-il martelé. Une erreur qui devra être corrigée. Le Canada sait ce qu’il a à faire. » Le ministre a ajouté que cette dispute n’a rien à voir avec les droits de la personne, mais qu’il s’agit plutôt d’un enjeu de sécurité nationale, affirmant que les militantes arrêtées dans les dernières semaines étaient en contact avec des pays et des « ennemis » étrangers.

Dans une série de commentaires publiés sur Twitter mercredi, le ministère saoudien des Affaires étrangères avertit le Canada de se tenir prêt à se voir imposer d’autres mesures punitives, excluant toute possibilité de « médiation ».

Incongruité ?

Pendant ce temps, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a demandé mercredi au Canada de suspendre l’expulsion d’un Saoudien.

Celui-ci réclame l’asile au Canada, disant craindre pour sa sécurité s’il retourne en Arabie saoudite. En plus d’appartenir à la minorité chiite, persécutée, l’homme — que l’on ne peut nommer — est un opposant politique, a précisé son avocate Stéphanie Valois.

Puisque le ressortissant saoudien avait déposé une première demande d’asile en juin 2017 avant de la retirer en octobre dernier pour aller chercher sa famille en Arabie saoudite, sa deuxième demande a été de facto rejetée.

Son expulsion du pays a toutefois été retardée mercredi, puisque l’homme s’est retrouvé à l’hôpital en raison du stress intense qu’il vit.

N’est-ce pas là une incongruité que le Canada cherche à expulser un opposant en Arabie saoudite au moment même où il dénonce les violations des droits de la personne dans ce même pays ?

« On a un système d’immigration ancré dans des règles, des principes et des lois. Nous suivons les lois en question et les principes en question », a répondu laconiquement le premier ministre Trudeau.

Avec Annabelle Caillou

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