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Par André Girod
En tant que maire adjoint de ma commune pendant un mandat ( six ans), j’ai suivi de près le travail pénible et peu réjouissant de maire d’une petite ville ( environ 4 200 habitants).
Ce qui frappe, c’est le rôle que l’élection lui a donné. Il doit être tout à la fois de nos jours. Il y a cent ans, les responsabilités était réparties en trois niveaux : le spirituel venait du curé, l’éducation venait de l’instituteur et l’administratif était réservé au maire. Depuis la société a bien changé, le curé n’est plus, l’instituteur est devenu fonctionnaire mais le maire reste à supporter toutes ces tâches.
Dans notre commune, les problèmes se multiplient car l’état se décharge de maintes obligations tout en réduisant les subventions. Alors malgré une attention constante portée par l’adjoint aux finances, les apports financiers fondent comme neige au soleil. Un exemple : lorsque je suis arrivé à la mairie, les subventions aux associations, clubs et autres groupements de citoyens étaient de 123 000 euros. J’ai été obligé pour éviter un endettement de les faire tomber à 72 000 euros, éliminant ainsi des aides à de nombreuses œuvres . Colère immédiate des habitants qui ne comprenaient pourquoi il fallait trancher aussi brutalement dans le budget.
Puis les domaines dans lesquels le maire et ses adjoints devaient se plonger occupaient non seulement les heures d’ouvertures de la Mairie mais aussi leurs soirées, leurs dimanches lorsqu’il y avait un incident exceptionnel : incendie, inondations, bagarres le samedi soir, trouble public par l’arrivée tardive de fêtards. Nous étions trop isolés et trop loin des grandes agglomérations pour avoir des ennuis avec des migrants.
M’occupant du CCAS, je devenais confesseur, inquisiteur, sauveur de couples, défenseur de la veuve et de l’orphelin avec un budget riquiqui qui ne permettait de faire que de l’aumône. Pas de possibilités d’aider plus une famille en détresse, sinon par de bonnes paroles et des gestes d’amitié. Quant au logement social, c’était le casse-tête, n’ayant que peu d’appartements libres et disponibles.
Sans parler des personnes âgées, très nombreuses dans notre village car il est situé au pied du Luberon et beaucoup de retraités venant de Paris ou de grandes agglomérations s’y sont installés sans compter les agriculteurs et veuves de cultivateurs dont les pensions étaient minables. Beaucoup ne dépassaient pas les 300 euros par mois. Les plus timides restaient calfeutrées dans leur logement parfois ressemblant à des taudis et comme adjoint chargé du CCAS, je faisais mes virées pour m’assurer que tout allait bien. A Noël, je faisais la tournée avec mes paquets cadeaux, une bouteille de vin, quelques chocolats et des biscuits. Pas de quoi faire la fête pendant longtemps. Je restais un peu de temps à leur parler, à les rassurer et à revivre une partie de leurs souvenirs d’antan où pour ces « vieux » tout semblait aller beaucoup mieux. Vue ainsi par eux en effet la vie paraissait moins brutale : avec le mari agriculteur, ils travaillaient dur sur leur petit lopin de terre, élevaient 3 ou 4 gamins qui plus tard n’eurent que l’idée de fuir cette région où l’agriculture était en déclin. Habitant loin et très occupés, les enfants ne venaient que rarement. Puis les moyens de communications, Internet et autres leur semblaient être des instruments de torture qu’elles ne savaient maitrisées.
Et de nos jours il devient obligatoire de tout déclarer par l’informatique et là c’est la catastrophe, obligeant les maires à organiser des séances d’apprentissage ou tout simplement passer avec leur ordinateur faire les envois.
Tous ces tracas et cette utilisation du temps administratifs faisait que les 24 heures suffisaient juste pour accomplir ce travail.
Devant la gabegie apportée par Macron et son gouvernement de riches qui n’ont aucune idée de ce qui se passe dans les communes rurales, les maires raccrochent leur tablier et ils ont raison. Quand on pense que certains maires pour la somme modique de 400 euros par mois, doivent donner plus de 35 heures par semaine de leur temps à mener les affaires de leurs concitoyens. Et de plus en plus, ils sont méprisés au niveau des préfectures qui ne font qu’augmenter les contraintes ( européennes et françaises) sur les normes de construction, de sécurité, d’éducation, d’entre aide sociale ( RSA et autres, surtout en présence de migrants) et les ressources de la commune s’épuisent rapidement comme l’indiquent beaucoup d’entre aux, allant même à dire qu’à la fin du mois, ils empruntaient pour payer les salaires des employés municipaux.
A voir les dépenses somptueuses en haut du gratin et de l’arrogance des dirigeants envers le peuple d’en bas, facile à comprendre qu’ils jettent l’éponge. D’ailleurs aux dernières élections, beaucoup avaient renoncé de briguer un autre mandat, ce qui fut le cas de notre municipalité. Quant à moi, l’expérience de six ans m’avait suffi pour me faire comprendre que nous menions un combat de plus en plus dur. Déjà sous Hollande, la vie de Maire n’était pas triste mais en écoutant les échos qui me proviennent de la mienne, la responsabilité sous Macron devient terrifiante et la diminution draconienne des subventions rend la vie administrative et sociale d’un village impossible. Sans compter sur la disparition des emplois aidés qui apportaient un peu de répit aux diverses associations dont certaines ont plié bagages, laissant leur responsabilité au maire.
Mais il y a aussi d’autres problèmes présentés dans ce livre : histoire de copinage, de favoritisme, d’emplois fictifs qui font des conseils municipaux souvent des conflits d’intérêt. Ces disputes parfois violentes entre élus laissent les Maires et leurs adjoints quasiment incapables de mener des actions sereinement, raisons de plus pour ne pas se représenter ou démissionner. La politique même à l’échelle locale devient plus agressive, plus machiavélique et lorsqu’un maire est pris sous le feu des réseaux sociaux, il doit s’incliner et rechercher la tranquillité en abandonnant ses électeurs.
C’est ce qui passe à l’heure actuelle.
En vérité, le but de Macron, non dissimulé, c’est de tuer les communes rurales. Nous en avons 36 000 dans notre pays mais en Allemagne, les actions des gouvernements ont réduit le nombre à environ 6 000. C’est ce que voudrait obtenir Macron : environ 10 000 en obligeant les petites communes à se regrouper. Existent déjà les communautés de communes qui, je dois avouer, crée de nombreux doublons dans nos régions. Le rôle aussi des petites mairies diminue : internet vient suppléer les services municipaux : cartes d’identités, passeports, aides quelconques ce qui fait que de plus en plus de petites communes se regroupent.
La position de Maire qui dans l’ancien temps représentait l’état, la république, la France, n’est plus qu’un emploi de gratte papiers perdus dans tous les diktats venant de l’Europe ou de Paris. Pour beaucoup d’entre eux, autant faire autre chose, et ce fut mon cas : un seul mandat et rédaction d’un livre pour expliquer pourquoi tant s’en vont.
Les maires sont devenus « des maires à la dérive » !