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Certains, issus du privé, restent sur le carreau, et le phénomène va s’accentuer. Un groupe de travail a planché sur le sujet.
Carine JANIN.
Quel avenir professionnel après un mandat de député ? A priori, la question ne se pose pas immédiatement aux 577 députés qui siègent à l’Assemblée nationale. 2022 est encore loin. Mais c’est maintenant qu’il se prépare, préviennent des parlementaires dans un rapport de groupe. Et la question va se poser avec de plus en plus d’acuité.
Facile de retrouver un emploi quand on a été instituteur, contrôleur des impôts ou médecin. La situation se corse, en revanche, pour le député qui était salarié dans le privé. Même s’il reste un privilégié comparé à un jeune chômeur, peu diplômé et sans réseau.
Battu, un peu en vrac psychologiquement, subitement isolé, l’ancien député issu du privé se heurte, en outre, à la réticence des entreprises. « Car il est marqué politiquement. Et certaines peuvent redouter d’être assimilées à sa couleur politique », explique la députée LR Virginie Duby-Muller, qui a présidé le groupe de travail.
Image rédhibitoire
Et puis, pendant cinq ans, le parlementaire a travaillé « sans hiérarchie, de façon autonome ». Méfiance de l’employeur : comment, après tant de liberté, le nouvel embauché se réadaptera-t-il à l’organisation traditionnelle, pyramidale, de son entreprise ?
Embaucher un « battu » peut aussi être jugé rédhibitoire pour l’image de l’entreprise. Et si, en plus, le nouvel embauché voulait un jour revenir aux « affaires » ?
Après la vague de députés La République en marche ! qui a déferlé à l’Assemblée en juin 2017, beaucoup des sortants se sont retrouvés brutalement sans emploi. 424 députés n’ont pas été réélus. Parmi eux, quatre-vingt-dix-sept ont sollicité l’allocation de retour à l’emploi (ARE, dévolue aux députés, et cotisée sur
77 étaient toujours emploi en mars 2018 Source : Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
leur indemnité, 3 192 € par mois pendant deux à trois ans). C’était deux fois plus qu’en juillet 2012, et plus de trois fois plus qu’en 2007. En mars 2018, soixante-dix-sept de ces quatre-vingt-dix-sept députés étaient toujours sans solution.
La réforme constitutionnelle en cours va précipiter ce mouvement. En réduisant à 400 le nombre de députés, elle va accroître le nombre de candidats à l’ARE. La réforme prévoit aussi de limiter à trois le nombre de mandats successifs. Finies les longues carrières politiques. Finis aussi, depuis la loi de 2014, les cumuls de mandats député et maire par exemple, qui pouvaient permettre de rebondir localement après un échec aux législatives.
« Les députés doivent mieux préparer leur sortie, plaide Virginie Duby-Muller. Aujourd’hui, il n’y a aucun accompagnement. Seulement des cours d’anglais. Et beaucoup l’ignorent ! » Quelles pistes ? Bilan de compétences, recours à des cabinets de coaching, validation de l’expérience… Globalement, « l’idéal est de conserver une petite activité en plus de son statut de député », pense Virginie Duby-Muller. Dans la limite du possible, car pour éviter les conflits d’intérêts, certaines activités sont incompatibles.
« Travailler pendant son mandat ? Avec les permanences en circonscription, les séances de nuit, ça me paraît très compliqué, estime l’ancien député PS Laurent Grandguillaume. Mais se former, oui ! » Durant son unique mandat (2012-2017) – « par choix » –, l’ancien conseiller en formation a suivi un master en management des ressources humaines (RH), pour entretenir son « employabilité ». Car «la politique n’est pas un métier ». Aujourd’hui président de l’association « Territoires zéro chômeurs », il est directeur du développement en RH.
Derrière ces questions, « c’est l’attractivité de la fonction de député qui est en cause », prévient Émile Blessig, président de l’association des anciens députés. Qui juge « nécessaire » de se pencher sur un sujet qui est aussi un enjeu de démocratie.