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Benjamin Netanyahu, Gebran Bassil, guerre psychologique, Israël, Liban
Selon une source de sécurité, les propos du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies ne s’inscrivaient pas dans une démarche banale. En exhibant des prétendues cartes sur les emplacements présumés de dépôts d’armes et d’une usine de fabrication de missiles appartenant au Hezbollah dans les régions voisines de l’aéroport international Rafic Hariri, le Premier ministre israélien voulait convaincre les représentants des pays membres de l’ONU qu’il était nécessaire de mettre un terme à l’expansion du Hezbollah dans une région résidentielle et à proximité de l’aéroport. Ses propos ont été suivis par des tweets du porte-parole de l’armée israélienne totalement inédits, dans lesquels ce dernier a directement apostrophé les Libanais, et en particulier des passagers d’un avion de ligne de la MEA pour leur demander de regarder en dessous d’eux, au sol, les installations militaires du Hezbollah. Il ne s’agissait donc pas d’une escalade verbale banale, mais bien d’un plan visant à menacer directement le Liban et les Libanais en vue de lancer une opération, même limitée.
C’est sans doute parce qu’il a pris au sérieux les menaces israéliennes que le Liban officiel a décidé de réagir. C’est ainsi que pour la première fois dans l’histoire de la diplomatie libanaise, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a décidé d’emmener les ambassadeurs étrangers accrédités au Liban dans une tournée sur le terrain, dans les zones indiquées par Benjamin Netanyahu, notamment à Ouzaï, à la recherche des prétendues installations militaires du Hezbollah. L’initiative, courageuse et peu commune, de l’aveu du président de la Chambre Nabih Berry, pourtant peu enclin à rendre hommage au ministre Bassil, a eu un effet immédiat sur les diplomates étrangers en tournant en quelque sorte en ridicule les allégations des responsables israéliens. Certes, les plus sceptiques pourront toujours dire qu’une tournée de ce genre ne peut pas être suffisante pour prouver que le Hezbollah n’a pas installé des missiles dans ces quartiers résidentiels, mais le climat général des diplomates était en faveur des thèses libanaises et les grandes formations politiques ont salué l’initiative du ministre des AE. En inaugurant ce qui a été appelé « la diplomatie de terrain », il a porté un coup sérieux aux allégations israéliennes et montré la détermination du Liban à d’abord ne pas se laisser intimider, et ensuite à défendre ses positions. Cette démarche du ministre a été précédée de messages envoyés par le président de la République à New York, mais aussi à travers les échos rapportés par ses visiteurs, sur la détermination du Liban à répondre à toute agression israélienne contre son territoire.
Cette réaction ferme et rapide a, selon la source précitée, eu pour effet immédiat de calmer les ardeurs belliqueuses israéliennes et de pousser les responsables de l’État hébreu à réfléchir à deux fois avant de lancer une attaque contre le Liban.
À ces éléments internes libanais, il faut aussi ajouter, précise la source de sécurité, le rôle russe en Syrie et la livraison de missiles S-300 au régime de Damas. Ces missiles d’une portée d’environ 200 km, installés autour de la capitale syrienne, couvrent une partie de l’espace aérien libanais utilisée généralement par les avions israéliens pour bombarder des positions autour de Damas. Selon la même source, ces missiles seront opérationnels à partir du 20 octobre. Ils seront pour l’instant aux mains d’experts militaires russes, qui ont besoin de trois mois pour former les officiers syriens à leur maniement. Mais dans le contexte actuel, et après le raid israélien sur Lattaquié, qui a causé indirectement la chute d’un avion russe et la mort de son équipage formé de 15 militaires, les relations entre Moscou et Tel-Aviv sont tendues. Si les Israéliens devaient donc lancer un raid aérien contre le Liban, ils pourraient bien provoquer ainsi une réaction russe, même si le Liban ne fait pas une demande officielle en ce sens. De plus, toujours selon cette même source, face aux menaces de riposte libanaise, qu’elles soient officielles ou qu’elles proviennent du secrétaire général du Hezbollah dans son dernier discours, prononcé à l’occasion de la commémoration de la Achoura, les Israéliens savent qu’ils pourraient ainsi déclencher une nouvelle guerre avec son lot de mauvaises surprises pour l’intérieur israélien. Les militaires israéliens sont conscients du fait que, dans un tel contexte, ils ne peuvent pas lancer une attaque rapide contre le Liban et modifier les règles de la confrontation sans essuyer des revers même limités. C’est pourquoi, selon la source précitée, les menaces israéliennes ne devraient pas se concrétiser pour l’instant, même si avec les Israéliens, il faut toujours faire preuve de vigilance. Dès qu’ils sentiront qu’il y a une brèche au Liban, ils pourraient chercher à s’y engouffrer. S’ils continuent de lancer des menaces, c’est d’ailleurs pour chercher à monter les Libanais, et en particulier les habitants de la banlieue sud, contre le Hezbollah. À défaut d’une offensive militaire, c’est donc l’heure de la guerre psychologique. Mais cette fois, le Liban a montré qu’il savait lui aussi la mener.