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Panique dans les porte-monnaie ! Selon un sondage Eudoxa pour RTL publié le 27 septembre, 86 % des Français estiment avoir perdu du pouvoir d’achat dans les douze derniers mois, et 82 % estiment qu’ils vont aussi en perdre dans l’année qui vient. Joli paysage que celui de la France : nulle part ailleurs en Europe les citoyens (et consommateurs) ne sont aussi pessimistes, note le cabinet Eudoxa, qui a interrogé 3 005 personnes sur le continent, dont 997 Français. Les Allemands, par exemple, ne sont que 67 % à angoisser pour leur compte en banque. Les Français se trompent-ils, sont-ils pessimistes, voire dépressifs chroniques ? En fait non, car les statistiques officielles ne disent pas autre chose. Selon l’Insee, leur pouvoir d’achat a baissé de 0,6 % au premier trimestre de cette année, fait rarissime dans l’histoire statistique de notre pays.
La faute d’abord et avant tout à la politique fiscale d’Emmanuel Macron. En 2018, plutôt que de réduire les cotisations sociales des salariés en même temps qu’il augmentait la CSG, le gouvernement a préféré engranger d’abord les milliards de hausse de la CSG, plutôt que de réduire les cadeaux aux plus riches. Un choix qui s’est ressenti dans le portefeuille des Français, puis sur la croissance elle-même, devenue une des plus faibles de la zone euro. Etait-ce un simple raté ? Pas sûr. L’économiste Thomas Porcher1 , spécialiste de la « Macron-économie », le rappelle, « l’idée de soutenir le pouvoir d’achat est étrangère au programme du candidat Macron, qui centre sa politique sur la compétitivité des entreprises françaises. Du coup, les baisses de taxespour les salariés sont alimentées par la hausse de la CSG sur les retraités. Un système de vases communicants qui ne produit aucune hausse sensible du pouvoir d’achat global ».
Dix années de blocage
Le budget de l’Etat n’est pas seul en cause. Dans la France du XXIe siècle, l’idée d’augmenter les salaires a quasiment disparu ! Dix années de crise ont signifié pour la plupart des salariés dix années de blocage des revenus, voire une baisse pour pas mal d’entre eux. Le Smic, instrument autrefois utilisé pour doper les salaires des classes moyennes, par effet de ruissellement à l’envers, n’a plus connu de coup de pouce depuis lors. Des économistes proches du pouvoir estiment même que le plus urgent serait de le supprimer ou de le réduire à un filet de secours. Pour les catégories juste au-dessus, c’est aussi la soupe à la grimace du déclassement : « Le pouvoir d’achat des professions intermédiaires a baissé de 8 % entre 1975 et 1995 et depuis, il stagne. Sachant que les personnes ont suivi deux années d’études de plus que la génération précédente, on peut comprendre leur malaise », analyse Christine Kerdellant2, directrice de la rédaction de l’Usine nouvelle. La France d’en bas voit ses revenus bloqués, alors que celle d’en haut s’en sort mieux. Résultat, non seulement les inégalités sociales se sont accrues malgré la fiscalité mais la consommation retrouve un caractère de classe. Dans un livre à paraître, véritable saga de la consommation française, Jean-Claude Daumas3 rappelle une loi de l’économie : « Les comportements de consommation sont toujours dépendants du niveau de vie : les 20 % de ménages ayant les revenus les plus élevés consomment 53 % de plus que la moyenne, tandis que les 20 % des ménages les plus modestes consomment 38 % de mois. »
Dans un tel contexte, la question du pouvoir d’achat reprend sa place dans le débat politique, dont elle avait été évincée un temps par le chômage. Pour le dire vite, le pouvoir d’achat, ce sont les revenus des ménages moins les prix de ce
“POUR UN MÉNAGE, LE POUVOIR D’ACHAT EST LA CAPACITÉ D’ACHAT QUE LUI PERMET L’INTÉGRALITÉ DE SES REVENUS. IL DÉPEND DONC DU NIVEAU DES REVENUS ET DES PRIX.”